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Copie d'une
lettre écrite par un jeune homme à un de ses amis
à Rouen : Tu me demandes comment vont les bals à
Paris ; ma foi, charmants. Mais au bal de l'opéra d'hier,
on ne parlait que d'aller donner le bal aux Autrichiens, et nous
t'attendons pour être de la partie. Tu m'annonces que tu viens
d'acheter deux beaux chevaux de selle, à la foire de Caen
: j'en suis charmé, tu m'en céderas un. Tu espères,
dis-tu, qu'on te remarquera cette année sur le chemin de
Longchamps : mon ami, Longchamps, cette année, est sur le
chemin de Dijon ; nous irons ensemble. Je me suis inscrit pour être
volontaire, et je compte sur toi
pour compagnon. On nous donnera un uniforme très-élégant.
Nous marcherons avec Bonaparte ; et ma foi, sais-tu que si nous
ne finissons pas cette année-ci cette diable de guerre, l'année
prochaine, au lieu de marcher comme volontaires, et d'être
à cheval, nous marcherons comme conscrits, à pied,
et le sac au dos. Nos plus jolis et nos plus élégants
danseurs veulent être des volontaires de Bonaparte. Il y en
a trente de nos amis qui se sont enrôlés. P... a déjà
pris une humeur si martiale, que ce qu'il craint le plus aujourd'hui,
c'est qu'on ne fasse la paix.
La mère de S.... faisait de grands hélas pour permettre
l'enrôlement de Frédéric ; mais le vieux général
L..p. l'a décidée, en lui disant : Madame, ma foi,
il sera honteux dans deux ans d'ici, à un Français
de 22 ans, de n'avoir été de rien dans toute la guerre
; votre fils sera-t-il comme une poupée, entre tant de jeunes
gens, qui auront deux, trois campagnes à raconter, et des
blessures à montrer ? Et pardieu ! ajouta-t-il, le moment
est bon. La guerre n'est pas encore sûre, votre fils, en se
présentant aujourd'hui, aura tous les honneurs du dévouement,
sans courir peut-être une minute les dangers de la guerre.
Et puis combattre avec Bonaparte ! allons, allons, Madame, envoyez
votre fils, il y a presse.
Ma foi, la chère dame a pris son parti, et nous cherchons
un bon cheval pour Frédéric. On dit qu'il y aura des
bals à Dijon et des fêtes charmantes ; je l'espère.
C'est comme cela qu'on doit ouvrir une campagne, et Bonaparte entend
cela. Il nous traite bien comme des Français. Nous l'aimons
beaucoup aussi. Tâche d'arriver pour la parade du 25, ou au
moins pour la grande revue du 26. Cela sera superbe. On dit que
ses braves guides vont partir pour prendre les devants. Le général
Murat reste à Paris. Il en pleure comme un enfant, et pourtant
il a la plus charmante petite femme ! C'est une maladie, je te dis,
que l'envie de s'en allez-en-guerre avec Bonaparte. Il reviendra
t-à Pâques ou zà la Trinité. Ca m'est
égal : je ne reviendrai qu'avec lui. Bonjour. Dépêche-toi.
P.S. - J'oubliais de te dire que d'anciens officiers généraux
de l'ancien régime sont venus demander à Bonaparte
d'être ses aides de camp. Chacun veut entrer dans la révolution
depuis qu'on voit le dévouement du premier consul pour la
république, et son talent pour la
servir.
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Hussards
volontaires de Bonaparte |
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