| Dernière modification: 31/08/2003 Jules Michelet L’historien Jules Michelet (1793-1874) a raconté dans la préface de son ouvrage « Le Peuple » (1846) ses souvenirs d’enfance. Il était le fils d’un artisan imprimeur ruiné par le régime de la presse sous l’Empire. Les deux familles dont je procède, l' une picarde et l' autre ardennaise, étaient originairement des familles de paysans qui mêlaient à la culture un peu d' industrie. Ces familles étant fort nombreuses (douze enfants, dix-neuf enfants), une grande partie des frères et des sœurs de mon père et de ma mère ne voulurent pas se marier pour faciliter l' éducation de quelques-uns des garçons que l' on mettait au collège. Premier sacrifice que je dois noter. Dans ma famille maternelle particulièrement, les sœurs, toutes remarquables par l' économie, le sérieux, l' austérité, se faisaient les humbles servantes de messieurs leurs frères, et pour suffire à leurs dépenses elles s' enterraient au village. Plusieurs cependant, sans culture et dans cette solitude sur la lisière des bois, n' en avaient pas moins une très-fine fleur d' esprit. J' en ai entendu une, bien âgée, qui contait les anciennes histoires de la frontière aussi bien que Walter Scott. Ce qui leur était commun, c' était une extrême netteté d' esprit et de raisonnement. Il y avait force prêtres dans les cousins et parents, des prêtres de diverses sortes, mondains, fanatiques ; mais ils ne dominaient point. Nos judicieuses et sévères demoiselles ne leur donnaient la moindre prise. Elles racontaient volontiers qu' un de nos grands-oncles (du nom de Michaud ? Ou Paillart ? ) avait été brûlé jadis pour avoir fait certain livre. Le père de mon père qui était maître de musique à Laon, ramassa sa petite épargne, après la terreur, et vint à Paris, où mon père était employé à l' imprimerie des assignats. Au lieu d' acheter de la terre, comme faisaient alors tant d' autres, il confia ce qu' il avait à la fortune de mon père, son fils aîné, et mit le tout dans une imprimerie au hasard de la révolution. Un frère, une sœur de mon père, ne se marièrent point, pour faciliter l' arrangement, mais mon père se maria ; il épousa une de ces sérieuses demoiselles ardennaises dont je parlais tout à l' heure. Je naquis en 1798, dans le chœur d' une église de religieuses, occupée alors par notre imprimerie ; occupée, et non profanée ; qu' est-ce que la presse, au temps moderne, sinon l' arche sainte ? Cette imprimerie prospéra d' abord, alimentée par les débats de nos assemblées, par les nouvelles des armées, par l' ardente vie de ce temps. Vers 1800, elle fut frappée par la grande suppression des journaux. On ne permit à mon père qu' un journal ecclésiastique, et l' entreprise commencée avec beaucoup de dépenses, l'autorisation fut brusquement retirée, pour être donnée à un prêtre que Napoléon croyait sûr, et qui le trahit bientôt. On sait comment ce grand homme fut puni par les prêtres même d' avoir cru le sacre de Rome meilleur que celui de la France. Il vit clair en 1810. Sur qui tomba son courroux ? ... sur la presse ; il la frappa de seize décrets en deux ans. Mon père, à demi ruiné par lui au profit des prêtres, le fut alors tout à fait, en expiation de leur faute. Un matin, nous recevons la visite d' un monsieur, plus poli que ne l' étaient généralement les agents impériaux, lequel nous apprend que S. M. l' empereur a réduit le nombre des imprimeurs à soixante ; les plus gros sont conservés, les petits sont supprimés, mais avec une bonne indemnité (laquelle se réduisit à rien). Nous étions de ces petits : se résigner, mourir de faim, il n' y avait rien de plus à faire. Cependant, nous avions des dettes. L' empereur ne nous donnait pas de sursis contre les juifs, comme il l' avait fait pour l' Alsace. Nous ne trouvâmes qu' un moyen ; c' était d' imprimer pour nos créanciers quelques ouvrages qui appartenaient à mon père. Nous n' avions plus d' ouvriers, nous fîmes ce travail nous-mêmes. Mon père qui vaquait aux affaires du dehors, ne pouvait nous y aider. Ma mère, malade, se fit brocheuse, coupa, plia. Moi, enfant, je composai. Mon grand-père, très faible et vieux, se mit au dur ouvrage de la presse, et il imprima de ses mains tremblantes. Ces livres que nous imprimions, et qui se vendaient assez bien, contrastaient singulièrement par leur futilité avec ces années tragiques d' immenses destructions. Ce n' était que petit esprit, petits jeux, amusements de société, charades, acrostiches. Il n' y avait là rien pour nourrir l' âme du jeune compositeur. Mais, justement, la sécheresse, le vide de ces tristes productions me laissaient d' autant plus libre. Jamais, je le crois, je n' ai tant voyagé d' imagination, que pendant que j' étais immobile à cette case. (…) - Annonces et avis divers. - Gazette Ecclésiastique de France. Ce journal devait paraître le 1er frimaire. D’après son prospectus, il était facile de pressentir qu’il ne pouvait être isolé des grandes vues du gouvernement pour le rétablissement de l’ancien culte des Français. Nous annonçons à nos souscripteurs son ajournement pour quelques jours, et nous promettons le premier numéro dans une des semaines de l’Avent. Tous les numéros seront autant de chapitres de l’histoire présente de l’église gallicane. On y ajoutera une courte analyse des événements politiques d’après le journal officiel. Les souscriptions peuvent donc se continuer avec la même confiance chez nos différents dépositaires ; les correspondants sont invités à donner toujours la même activité à leur relation épistolaire avec nous. Nota. L’abonnement datera du jour où le premier numéro paraîtra. Les lettres non affranchies ne sont pas reçues. Pour les Rédacteurs, Michelet, Imprimeur-Libraire, rue Montmartre, n° 224, entre la rue Mandar et la rue Tiquetonne, à Paris. (Journal de Paris, 17 frimaire an X.)
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