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Les
Mameloucks sont nés au pied du Caucase ; ils furent
introduits en Égypte par la désastreuse irruption
des Mogols en 1227.
En 1230, le Sultan, pour recruter cette troupe, fit acheter en Circassie
douze mille jeunes garçons. Elle devient un corps privilégié
et fait la loi à ses maîtres. En 1250, cette garde
prétorienne égorge le Sultan et en élit un
autre. C'était l'époque des désastres de Louis
Neuf, désastres auxquels la malhabileté de ce prince
n'a pas moins contribué que la valeur des Mameloucks qui
écrasèrent son armée à Massoure.
D'esclave devenue despote, cette soldatesque féodale, en
révolte contre son souverain, a tenu l’Égypte sous
un joug de fer.
En 1517, Soliman leur enlève la possession de l'Egypte, et
les raye presque de la milice turque ; leur nom est comme oublié
pendant deux cent trente ans, et jusqu'au tiers du dix-huitième
siècle ; ils reparaissent alors avec éclat.
Vingt-quatre beys ou chefs de province tirés du corps des
Mameloucks sont les seigneurs du pays et les généraux
des troupes ; devenus propriétaires puissants, ils se
regardent comme indépendants de la Porte, accroissent le
nombre des Mameloucks et dominent despotiquement le pays. Le pacha
turc entretenu triennalement au Caire était plutôt
le prisonnier des Beys que le représentant du grand Sultan.
Pendant plus de cinq siècles, les Mameloucks n'ont subsisté
qu'en se recrutant aux bords du Phase et en Circassie ; ils
ont dédaigné de s'allier à des femmes indigènes,
ils n'ont jamais produit de lignée qui ait traversé
deux générations, et leurs enfants mâles ne
devenaient point Mameloucks.
Chacun de ces cavaliers avait un ou deux fellahs ou esclaves à
pied ; ce servage était une trace du primitif service
des fantassins.
Parmi les Beys, se faisant presque toujours la guerre, le plus brave,
ou le plus heureux, était le plus puissant ; l'armée
de chacun d'eux était de cinq à six cents Mameloucks,
dont le chef était en même temps le propriétaire ;
quelquefois l'hérédité, plus souvent l'élévation
d'un Mamelouck favori, perpétuait la classe des Beys. A l'arrivée
des Français, deux Beys s'étaient, pour ainsi dire,
partagé la souveraineté ; l'un à la tête
des choses de la guerre, l'autre à la tête des choses
civiles ; c'étaient le politique Ibrahim et le sabreur
Mourad.
Les Mameloucks ont été détruits en partie,
en 1815, par le vice-roi d'Egypte ; une grande partie de cette
soldatesque est pourtant restée sur pied, mais a été
répartie par ce prince sur des points éloignés.
Il a craint d'affaiblir les qualités de cette cavalerie s'il
l'eût constituée sur le pied européen. (...)
Volney faisait des Mameloucks de l'autre siècle un portrait
peu à leur avantage ; ignorants et superstitieux par
éducation, ils deviennent farouches par les meurtres, séditieux
par tes tumultes, perfides par les cabales, lâches par dissimulation
et corrompus par toute espèce de débauches.
Suivant plusieurs relations, la force numérique des Mameloucks
n'a jamais dépassé de beaucoup sept mille soldats ;
leur nombre, en y comprenant les beys, les kachefs, les affranchis,
les esclaves, les jeunes gens au dessous de vingt ans, peut s'être
élevé à neuf mille hommes ; Volney les
évaluait, en 1785, à dix mille cavaliers ordonnés
en sept corps ou agrégations. On regarde en général
cette quantité comme le maximum des forces que les vingt-quatre
beys aient tenues sons les armes. Cependant M. Thiers les évalue
à douze mille cavaliers.
Dans sa relation de la campagne d'Egypte, Berthier fait mention
de quatre mille Mameloucks qui combattirent à Chebris ;
il en accuse six mille à la bataille des Pyramides.
Les Mameloucks étaient distingués par un habillement
splendide et un riche harnachement à l'orientale et à
selle d'armes : le djérid ou arzegaie était,
dans leur main, une arme terrible ; ils avaient une espingole
anglaise, plusieurs pistolets de ceinture, une masse d'armes, un
poignard ou yatagan, un sabre dont la lame, longue de deux pieds
mesurée en ligne droite, avait trente pouces de développement ;
le sabre courbe des hussards en était une imitation.
Ils avaient pour instrument de musique des tam-tams.
Ils ne connaissaient rien, dit Volney, de notre art militaire ;
ils n'avaient ni uniforme, ni discipline, ni subordination, leur
réunion est un attroupement, leur marche une cohue, leur
combat un duel, leur guerre un brigandage.
Bonaparte en concevait une idée plus haute ; il a dit :
Les Mameloucks, dans tout l'Orient (M. Las-Cases, t. v, p. 192),
étaient des objets de vénération et de terreur ;
c'était une milice regardée jusqu'à nous comme
invincible. Deux Mameloucks tenaient tête à trois Français,
parce qu'ils étaient mieux armés, mieux montés,
mieux exercés ; ils avaient deux paires de pistolets,
un tromblon, une carabine, un casque avec visière, une cotte
de mailles, plusieurs chevaux et plusieurs hommes de pied pour les
servir. Mais cent cavaliers français ne craignaient pas cent
Mameloucks ; trois cents étaient vainqueurs d'un pareil
nombre ; mille en battaient quinze cents ; tant est grande
l'influence de la tactique, de l'ordre et des évolutions !
Murat, Leclerc, Lassalle, se présentaient aux Mameloucks
sur plusieurs lignes, lorsque ceux-ci étaient sur le point
de déborder la première, la seconde se portait à
son secours par la droite et par la gauche ; les Mameloucks
s’arrêtaient alors, et convergeaient pour tourner les ailes
de cette nouvelle ligne ; c'était le moment qu'on saisissait
pour les charger ; ils étaient toujours rompus.
Avec cette poignée choisie (ibid., t. v, p. 102), et la canaille
recrutée sur les lieux, pour être dépensée
au besoin (nous recommandons aux observateurs cette phrase sur le
commun des soldats), je ne connais rien que je n'eusse renversé,
Alger en trembla. —
La réputation des Mameloucks a fait naufrage devant les carrés
français ; notre infanterie a bravé les charges
de cette cavalerie foudroyante : elle leur a enlevé
en 1798 l'Egypte ; en 1811, l'infanterie albanaise les a assassinés,
elle a anéanti leur corporation. |
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