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Dernière modification: 23/11/2003

Bial

Etats de service de Jean-Pierre Bial, né à Collonges (Corrèze), le 1er mai 1773 :

Entré au service comme lieutenant au 2e bataillon des Volontaires de la Corrèze (devenu la 22e demi-brigade puis le 22e régiment de ligne, le 16 août 1792.
Promu capitaine à la 22e demi-brigade de ligne le 1er novembre 1793.
Promu chef de bataillon au 72e de ligne le 25 février 1809
Promu major au 126e de ligne le 24 juillet 1811.
Passé major au 56e de ligne le 14 mars 1812.
Blessé et fait prisonnier à Leipzig le 16 octobre 1813.
Retraité pour blessure de guerre par décision du 8 octobre 1814.

 

Le colonel Bial a laissé des souvenirs qui ont été publiés sous le titre :

Les Carnets du colonel Bial 1789-1814
Souvenirs des guerres de la Révolution et de l'Empire,
rédigés à Leipzig au dépôt des prisonniers.

Publiés d'après le manuscrit original par Gabriel Soulié, président de la Société archéologique de la Corrèze.
Paris, éditions de la Pensée latrine, 1928.

Voici un extrait des ces souvenirs, concernant la suppression de la queue de chevelure dans l'armée française au camp de Boulogne en mai 1804 :

 

Nous faisions partie de la division du général Legrand, avec le 26e et le 3e de ligne et les chasseurs corses.

Pendant ma maladie, j'avais négligé ma tenue, et mes cheveux étant tellement embrouillés que le coiffeur me conseilla de les couper. Il faut rappeler, en passant, que l'on portait encore les cheveux longs et rattachés en queue par un noeud appelé catogan. Je me décidai donc à les faire couper avant de quitter Calais pour rejoindre mon corps, déjà parti depuis quelques jours. A mon arrivée, je fus rendre visite au colonel qui, dès qu'il m'aperçut, s'arrêta pour m'inspecter des pieds à la tête (à la tête surtout) et manifesta d'abord une grande surprise. Il devint ensuite cramoisi et je crus qu'il allait tomber à la renverse. Il faut dire que le colonel Schreiber était encore tout à fait « ancien régime », et, de plus, suisse d'origine, mais suisse dans toute la force du terme. Bonhomme au demeurant et bon officier de garnison, très à cheval sur les principes, mais inapte à commander en campagne.
Donc, après m'avoir examiné, le colonel me dit :
« Comment ! Vous avez fait couper votre queue ! Vous ne deviez pas ! Quel exemple allez-vous donner à vos camarades et subordonnés ! » Et il marchait de long en large, animé d'une colère toujours croissante, répétant sans cesse « Un officier sans queue ! Un officier sans queue ! Ah où en sommes-nous, grand Dieu ! » Cette scène me donnait envie de rire, et comme je me disposais à partir, ne pouvant plus y tenir, il me dit : « J'en suis fâché pour vous, mais je ne puis faire autrement que de vous mettre aux arrêts. C'est trop grave, voyez-vous ! Au surplus, j'en rendrai compte à qui de droit. Je le regrette pour vous, mais c'est trop grave. Comment ! Se faire couper la queue sans permission ! Et, où allons-nous, alors ! »
Comme je partais en saluant à l'ordonnance, il me retint encore :
 « Écoutez, Monsieur Bial, je vois que vous n'êtes pas parfaitement rétabli. De séjourner dans une mauvaise « turne » (il appelait ainsi les baraques où nous logions) cela pourrait nuire à votre santé, je vous autorise à vous établir dans une maison du village à votre convenance ».
Je le remerciai de cette faveur et me retirai très dignement.
Quand mon infortune fut connue, un grand nombre de camarades des divers régiments manifestèrent leur désapprobation d'une mesure aussi injuste. Je m'installai donc dans une maison de pêcheur assez spacieuse, chez la dame Beauvent, où je me trouvais fort à l'aise, d'autant plus qu'à cette époque de l'année, il faisait un temps épouvantable sur la côte. Mes amis me proposèrent d'organiser un ordinaire chez moi, afin de rendre mes arrêts moins ennuyeux. Nous formions un petit cénacle d'une douzaine de bons vivants, amis de la joie. Nos domestiques, aidés de la femme Beauvent, nous faisaient d'excellente cuisine. Nous étions donc fort bien sous tous les rapports. D'autres officiers venaient passer la soirée pour jouer, chanter, boire et faire de la musique. Un de nous avait même fait une chanson assez plaisante sur « La queue du colonel », qui bientôt, se fredonna à travers le camp.
A cette époque, la 1re division occupait le camp de droite, sur la falaise, non loin de la Tour d'ivoire. Cette division était commandée par le général Saint-Hilaire. La 2e avait à sa tête le général Bison, et se trouvait au camp de gauche ou d'Outreau. La 3e, celle du général Legrand, était à Ambleteuse et la 4e, du général Suchet à Wimereux. Le tout sous les ordres du général en chef, Soult. En outre, il y avait, à Dunkerque, le corps de Davout, celui de Ney à Etaples et le 2e, d'Oudinot, à Arras. Tous ces corps portaient l'armée à près de 200.000 hommes. Et, quelle armée ! Avec elle, on pouvait à coup sûr vaincre l'Europe entière. Et, cependant, elle était dirigée contre une seule puissance. Mais il y avait une barrière difficile à franchir, une traversée de sept lieues, puis il fallut lutter contre une flotte formidable, avec une bien faible flottille. Certains croyaient à la réalisation du projet de descente en Angleterre. Les Anglais avaient poussé le cri d'alarme. Ils montrèrent une vigilance remarquable et déployèrent des mesures de défense dignes d'un grand peuple.
Comme je l'ai déjà dit, le faisais mes arrêts d'une façon fort agréable, lorsqu'au bout d'une dizaine de jours, le colonel me fit appeler : « Capitaine, me dit-il, voici un papier qui vous concerne, lisez ». Et je lus que le Premier Consul me nommait membre de la Légion d'Honneur, nouvellement instituée, pour prendre rang à compter du 26 prairial, an XII. On pense si cette nouvelle me remplit le coeur de joie et de fierté. Il y avait près de douze ans que j'étais parti de ma province comme simple volontaire. A 19 ans, j'étais lieutenant et, un an plus tard, je remplissais les fonctions de capitaine. J'avais aussi conscience d'avoir fait tout mon devoir. Mais, tant d'autres n'en avaient-ils pas fait autant ? Quoiqu'il en soit, le Premier Consul n'avait pas oublié les promesses faites le lendemain de Marengo. Mon sabre d'honneur se changeait en une belle croix sur ma poitrine. J'avais 30 ans, sans autre ambition que celle de servir mon pays et de contribuer à la grandeur de la France.
Le colonel Schreiber me félicita très... chaleureusement. Mais on sentait qu'il aurait bien voulu être à ma place.
« A propos, me dit-il, je lève vos arrêts à l'occasion de votre nouvelle distinction. Mais je ne vous cache pas que je ne puis comprendre qu'elle soit donnée à de simples soldats. C'est le renversement de tous les principes de la hiérarchie ! Où allons-nous ! Où allons-nous ! répétait-il sans cesse ».
Le Moniteur Officiel publia bientôt la liste de la première promotion dont je faisais partie. Ce jour-là, je fus accueilli en arrivant au café Moissi, par les ovations de mes nombreux amis. Les autres me regardaient d'un air qui disait : « Et moi aussi, je mérite cette faveur ! » Et, c'était certainement vrai pour beaucoup. Mais bientôt ils allaient pouvoir cueillir de nouveaux lauriers et décrocher la « Croix des Braves », sur de nouveaux champs de bataille qu'auréoleraient de nouvelles victoires.

A cette satisfaction personnelle vint s'en ajouter une nouvelle, d'un ordre inférieur, mais qui me donna gain de cause d'une façon inespérée. Ne voilà-t-il pas qu'il prend fantaisie au Premier Consul de mettre l'armée à la Titus ? En effet, un ordre du jour vint enjoindre à tous les chefs de corps de faire couper les cheveux à tous : officiers, sous-officiers et soldats. Grande rumeur et grand désappointement pour ceux qui tenaient fortement à leurs queues, mais il fallait obéir. Le Maître n'avait-il pas donné l'exemple ? De plus, on apprit que le Premier Consul allait passer en revue toute l'armée pour s'assurer lui-même de l'exécution de cet ordre.

J'étais peut-être le seul officier de tout le camp de Boulogne qui fut à l'ordonnance. Mon tour était venu de rire et de plaisanter sur les queues et sur ceux qui les portaient encore... je fus voir mon vieux colonel que je trouvai tout atterré par cette mesure. J'ai déjà dit que c'était un vieux beau, très routinier, qui regrettait de ne pouvoir plus se plâtrer avec de la poudre et de la pommade. « Eh bien, mon colonel ! Que dites-vous de cela ? Si vous ne coupez pas votre queue, on va vous mettre aux arrêts à votre tour ? lui dis-je en riant ».
« Allons ! trêve de plaisanteries ! C'est une mesure indigne ! Nous allons être tous dégradés comme des forçats ».
Sa face toute couperosée par l'abus des fards, devenait cramoisie sous l'influence de la colère. Et s'il était furieux que j'eusse fait couper ma queue, il était encore plus furieux d'être obligé de couper la sienne... ! Quoiqu'il en fut, il fallut bien se laisser tondre et tout le monde fut tondu.... sauf quelques entêtés qui obtinrent de conserver leurs queues, tel que les généraux de cavalerie d'Haupoult, Bessières et Legrand, ainsi que le colonel Mouton.

Une activité extraordinaire se manifestait sur toute la côte. Les travaux de creusement des ports se poursuivaient sans arrêt. Ambleteuse avait plus que triplé. On y avait tracé des rues, des places. Beaucoup d'étrangers étaient venus s'y établir, surtout des Parisiens. (...)

 

 

 

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