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Qualités
et devoirs d'un berger |
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L'Esprit des Journaux, février
1796 |
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Du
choix, de l’importance, des qualités et devoirs d’un berger
; par le cit. Tessier, associé ordinaire de la société
d’agriculture. |
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On
formerait presque un volume des différents articles que nous
avons donnés sur l’éducation des bêtes à
laine, depuis l’origine de cet ouvrage. Aussi la regardons nous
comme une des bases les plus essentielles de la prospérité
nationale, et les bons citoyens gémissent avec nous, depuis
longtemps, de ce qu’elle est si négligée dans la plupart
des départements. Cependant les Anglais eux-mêmes,
si jaloux de s’attribuer exclusivement la préférence
sur tout ce qui peut enrichir leur commerce et leur agriculture,
conviennent que la France pourrait, si elle voulait, le disputer
à l’Angleterre pour l’article des laines. |
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«
La France, dit M. Arthur Young, est aussi susceptible
de produire la belle laine à peigner que l’Angleterre.
» Il est vrai qu’il ajoute : « mais de pareils établissements
dépendent absolument du choix des hommes ; en les confiant
à certains individus, c’est autant d’argent perdu, au lieu
qu’en chargeant d’autres personnes du même objet, il ne se perd
pas un denier. » |
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Arthur
Young
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Ce
peu de mots nous donne la clef des essais infructueux qui ont été
faits par quelques personnes en ce genre, et il ne faut pas croire
qu’il suffise, pour parvenir à s’enrichir et à enrichir
l’Etat par l’éducation des bêtes à laine, de
savoir choisir les espèces les plus propres au climat qu’on
habite ; il faut surtout faire choix d’hommes intelligents qui surveillent
cette amélioration et cette éducation, il faut se
procurer des bergers instruits, c’est-à-dire, tels qu’il
y en a peu, parce que malheureusement la profession utile de berger
est avilie dans un grand nombre de contrées.
Commençons donc par former des bergers, si nous voulons avoir
des troupeaux ; apprenons à connaître toute l’importance
de leurs fonctions ; et en comparant leur état actuel à
ce qu'ils devraient être, jugeons du chemin qui nous reste
à faire pour les y amener. L'article suivant du cit. Tessier,
notre confrère, nous a paru remplir nos vues à cet
égard, et nous espérons qu'on nous saura d'autant
plus de gré de le publier que cet agronome inspire plus de
confiance, parce qu'il réunit la pratique à la théorie.
Nous publierons un aperçu de M. Young sur l'état actuel
de nos laines.
« On ne s'attend point fans doute, dit le citoyen Tessier,
que je décrive ici les charmes de la vie pastorale ; que
je peigne ces anciens bergers , dont il est fait mention dans les
livres saints et dans les ouvrages de poésie; que je fasse
sentir combien ceux de Théocrite, de Virgile, de Gesner,
diffèrent des nôtres, ou plutôt combien l'imagination
des poètes s’est plue à élever l'état
de berger au-dessus de ce qu'il a toujours été. Cette
manière de le considérer ne peut jamais me regarder.
Le berger est pour moi un serviteur utile, dont les soins vigilants
doivent concourir à la fortune de ceux qui lui confient un
troupeau.
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«
On peut diviser les bergers en deux classes principales.
L'une est celle des bergers qui gardent, en hiver, les troupeaux
dans les plaines et dans les vallons, et qui les conduisent, au
printemps, fur les montagnes, où ils restent jusqu'en automne.
Tels font des bergers en Espagne, en Corse et dans les pays méridionaux
de la France; on les nomme bergers voyageurs ou ambulants. L'autre
classe comprend ceux qui ne changent pas de pays ou qui s'en écartent
peu dans l'été ; ce sont des bergers que j'appelle
sédentaires. Il y en a de cette classe dans les cantons mêmes
où des bergers voyageurs passent l'hiver. Le plus grand nombre
se trouve dans les provinces éloignées des montagnes.
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«
Des sortes de bergers sédentaires. Les bergers
sédentaires peuvent être subdivisés en trois
ordres. Les uns gardent les troupeaux des communes ; les autres
veillent sur de petites troupes de huit à dix brebis, qui
leur appartiennent et qu'ils entretiennent, afin de se procurer
la laine dont ils ont besoin pour se faire des habits ; les bergers
du troisième ordre sont ceux qui mènent paître
les troupeaux des fermiers ou métayers, étant à
leurs gages, ou ayant, au lieu de gages, la liberté de posséder
en propriété un certain nombre de bêtes à
laine. S'il faut deux hommes pour la garde d'un troupeau, le premier
s'appelle, dans quelques provinces, le berger, et l'autre le pâtre
ou Pilliard. On donne aussi le nom de Vagant au
jeune serviteur que le berger prend en second, dans les temps où
le troupeau est plus difficile à conduire, ou celui de Trainard,
parce qu'il suit tandis que le berger va devant ; ou bien on dit
seulement le grand et le petit berger.
« Quand les bêtes
qui composent un troupeau sont en grand nombre, comme en Espagne,
on a. plusieurs bergers. Leur chef se nomme Mayoral, et
chacun des bergers Zagal. Dans ce royaume, où les
bêtes à laine font une partie de la richesse de l'Etat,
le gouvernement a fait des lois pour la conduite des troupeaux ;
il a établi des tribunaux consacrés à juger
les différends qui naissent entre les bergers ; ces derniers
ont des règles à suivre dans les montagnes, dans les
plaines, à la tonte, au lavage des laines, etc. Le code qui
les régit est un code à part ; ce qui prouve que le
gouvernement met beaucoup d'importance à la multiplication
des bêtes à laine, et que la profession de pasteur
ou de berger jouit en Espagne d'une sorte de considération.
Aucun autre pays de l'Europe n'imite en cela les Espagnols, quoiqu'on
s'occupe partout depuis quelque temps de l'amélioration des
laines.
« Il y a des pays où
la garde des troupeaux est confiée à de jeunes filles
ou à de jeunes garçons, ou à des vieillards
infirmes. On ne saurait blâmer cet usage, si le troupeau n'est
formé que de quelques bêtes, comme j'en ai vu en Touraine
et en Anjou ; le prix d'un berger de profession excéderait
la valeur du troupeau. Mais on a tort , lorsque le nombre des animaux
est au moins de cent bêtes et que la qualité de la
laine est précieuse. C'est en quoi je n'ai pu m'empêcher
de blâmer les métayers de Sologne ; pour éviter
les gages d’un berger, qui les dédommagerait au delà
de ce qu'il leur en coûterait, ils laissent périr leurs
bêtes à laine, en les laissant conduire par des enfants
incapables de soins et sans intelligence.
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«
Des bergers voyageurs. Les bergers voyageurs ou ambulants
ont des fonctions communes avec les bergers sédentaires. Ils
en ont de particulières, dépendantes du genre de vie
qu'ils mènent, et qu'ils font mener à leurs troupeaux.
Les propriétaires prennent des précautions, pour que,
loin de leurs yeux, pendant une partie de l’année, leur bétail
soit bien soigné. Ces bergers ont un avantage dont la plupart
des autres sont souvent privés. En été, l'herbe
fine des montagnes, en hiver, celle des plaines ou des provisions
de foin et de feuillages, nourrissent abondamment leurs troupeaux.
« Un observateur distingué,
qui ne voit rien sans réfléchir, comparant la vie des
bergers ambulants à celle des vachers, trouve que les premiers
sont plus errants, et il allègue pour raison que les moutons
paissant, par préférence, une herbe courte, on ne les
mène que dans des pâturages secs, qu'ils ont en peu de
temps épuisés. Il faut qu'ils aillent chercher leur
vie ailleurs, et souvent très loin. Une deuxième raison,
qui lui a échappé, c'est que si les moutons, dans les
pays chauds, n'allaient pas en été dans les montagnes,
il en périrait beaucoup. |
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Bergers
de communes ou de communautés. Le sort d'un berger de
communes est, en général, doux. Il annonce avec un
instrument, fait de la corne d'une vache ou d'un bœuf, le moment
où il part pour les champs ; à ce signal, chacun fait
sortir de chez soi ce qu'il a de bêtes à laine, auxquelles
on joint quelquefois des cochons et des chèvres. De tous
ces animaux rassemblés, il se forme un grand troupeau, qui
va au pâturage. Au retour, les animaux reconnaissent leurs
maisons , ils s'y rendent, et bientôt tout est distribué.
S'il y a des particuliers dont les habitations soient écartées
de manière que le berger ne puisse pas s'y transporter, ils
s'imposent l'obligation dé faire rendre leurs bêtes
à un endroit marqué ; le berger les prend en passant
; le soir il les ramène au même endroit. La seule attention
du berger consiste à ne point mener son troupeau aux champs
quand le temps est défavorable, à ne lui laisser paître
que des herbes qui lui conviennent, à le défendre
contre les loups, à soigner les brebis qui agnèlent
et à rendre à chaque particulier les agneaux qui lui
appartiennent. Les frais du parc et les frais de garde se partagent
entre les propriétaires des bêtes à laine, à
proportion du nombre qu'ils en ont.
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«
Bergers de petites troupes. Pour ne conduire que
huit ou dix brebis, le long des haies, sur les fossés, dans
les broussailles, etc. il ne faut ni l'intelligence, ni la force,
ni la vigilance du berger d'un troupeau considérable. Aussi
n'occupe-t-on, pour les garder, que des enfants, qui ne pourraient
point encore être employés à des travaux lucratifs.
« Je n'insisterai pas
sur ces premières espèces de bergers, mais je développerai
les fonctions de celui qui serait au service d'un fermier ou d'un
métayer, dans un pays où, chaque année, les
deux tiers au moins des champs sont ensemencés, où
on élève des agneaux et où le parcage est en
usage. C'est réunir toutes les circonstances où les
talents d'un berger sont mis à la plus forte épreuve.
On voit aisément qu'il s'agit ici des bergers de la Picardie,
de la Champagne, de l'Isle-de-France, de l'Orléanais, etc.
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«
Bergers de ferme ou de métairie. En subdivisant
les bergers sédentaires, j'ai dit qu'il y en avait auxquels
on ne donnait pas de gages, mais seulement la permission d'entretenir
dans le troupeau, aux dépens du maître en hiver, un
certain nombre de têtes de bétail. Cette permission
a de grands inconvénients, la plupart faciles à deviner.
Il ne faut jamais mettre les hommes dans le cas de tromper avec
facilité et impunément. Tout ce qui appartient au
berger dans son troupeau est toujours dans le meilleur état.
Les chiens, qui connaissent ses brebis, ses agneaux, ses moutons,
les laissent manger dans le pâturage le plus nourrissant et
même dans les terres en rapport. Lui-même leur porte
du pain aux champs et les pourvoit abondamment à la bergerie.
Aussi ses animaux ont-ils plus de laine et la laine la plus fine
; ses agneaux sont les plus forts et toujours des mâles. Jamais,
ou rarement, la mort ne frappa la propriété du berger.
Beaucoup de fermiers ayant reconnu combien cet usage était
nuisible à l'amélioration de leurs troupeaux, l'ont
abandonné, et ont préféré de donner
des gages à leurs bergers, avec une gratification à
la vente des agneaux, des moutons et des laines. Il faut espérer,
pour l'intérêt des autres , qu'ils ouvriront les yeux
et qu'ils suivront un exemple qui leur est offert. Un bon berger,
dans quelques cantons de la Beauce, gagne de 160 à 180 liv.
de gages ; on lui donne, indépendamment de sa nourriture
et de celle de ses chiens, 6 liv. à la tonte et un sou par
bête qu'on vend.
« Puisqu'il est ici question
d'abus, je dois dire que jamais le maître d'un troupeau ,
s'il est sage, ne permettra à son berger de tuer une seule
bête, sans son ordre et en son absence. En cas d'épizootie,
il ne lui abandonnera pas les peaux des bêtes mortes, et,
à plus forte raison, il ne le chargera pas de vendre ou d'acheter
du bétail, à moins qu'il ne soit très sûr
de sa droiture et de son désintéressement.
Il y a sans doute d'autres précautions à prendre encore
pour éviter des inconvénients qui ne sont pas à
ma connaissance. L'œil surveillant du maître les découvrira,
et ses intérêts l'engageront à y remédier.
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«
Age d'un berger, et manière dont il doit être
vêtu. Un berger au-dessous de vingt ans n'a ni la force
, ni la facilité d'observer, ni l'intelligence qu'il lui
faut ; on n'en choisira pas qui n'ait au moins cet âge. Sa
constitution doit être telle, qu'il puisse se tenir longtemps
sur ses jambes sans le fatiguer, et supporter les rigueurs des saisons.
M. Daubenton, qui a fait un excellent ouvrage pour l'instruction
des bergers, est entré dans beaucoup de détails utiles
; il s'est même occupé de leur habillement. Comme c'est
plutôt du froid qu’ils ont à se garantir, M. Daubenton
désire qu'ils aient un bonnet qui puisse se rabattre fur
le visage et sur le cou, et qui soit doublé d'une peau d'agneau
; une casaque doublée de peau de mouton passée à
l'huile dans le dos et à la poitrine; des guêtres aussi
doublées de même, pour empêcher que la pluie
n'entre dans ses sabots, et des moufles de peau d'agneau aux mains.
Ces précautions sont d'autant plus nécessaires que
le pays est plus froid.
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«
Signes et traitement des membres gelés. Il
arrive quelquefois que les bergers ont les mains ou les pieds gelés.
M. Daubenton indique la manière d'y remédier, comme
des gens instruits, mais qu'on ne saurait trop répéter
dans les campagnes. « Dès
qu'on s'aperçoit qu'une partie du corps est gelée,
il faut bien se garder d'approcher du feu, dont l'effet étant
de dilater trop précipitamment les vaisseaux , il s'ensuit
une désorganisation totale de la partie, qui ne peut plus
reprendre son ancien état. La gangrène aussitôt
s'en empare, et il n'y a plus de moyen à employer que l'amputation.
Pour prévenir un si terrible accident, il faut, lorsqu'un
membre est totalement engourdi par la gelée et d'un blanc-violet,
le tremper quelques instants dans l’eau froide, ou le couvrir de
neige ; ensuite on le met dans l'eau dégourdie, ou on le
couvre de. linges modérément chauds, et après
de linges plus chauds, enfin d'eau-de-vie. On ne l'approche du feu
que quand le sentiment et la couleur naturelle font revenus.
« Quand les grands froids
sont passés, les bergers se couvrent moins ; mais ils ont
besoin d'un grand chapeau qui puisse se rabattre pour les garantir
du soleil et de la pluie.
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«
Soins du berger à la bergerie. Dans les pays
où l'on nourrit les bêtes à laine en hiver à
la bergerie, le berger les approvisionne du fourrage qu'on lui permet
de donner, soit de feuillages secs, soit de foin, soit de vesces,
ou de pois fanés, soit de pailles de froment ou de seigle
imparfaitement battu. Le fermier doit régler lui-même
la quantité de nourriture ; car souvent les bergers, pour
rendre leur troupeau plus beau, en donneraient une trop grande quantité
; le troupeau ne profiterait pas à son maître en proportion
de ce qu'il lui coûterait, et on risquerait de le faire périr.
Lorsque la nourriture est sèche et que le temps n'est pas
pluvieux, si les bêtes à laine ne paissent pas d'herbes
fraîches et humides aux champs, on leur tiendra à la
bergerie de l'eau propre dans des baquets. Pour peu qu'il s'y introduisît
de l'ordure, ces animaux n'en boiraient pas ; les ordures ôtées,
ils boiraient une quantité d'eau proportionnée à
leur altération. Il faut éviter les grandes boissons
à des animaux toujours disposés à l'hydropisie
; on. a vu des brebis avorter par cette cause.
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«
Précautions quand on a châtré et
tondu. Communément ce sont les bergers qui châtrent
les agneaux mâles. Ils doivent prendre des précautions
pour n'en pas perdre. Ils tondent aussi leur troupeau, et même
lavent les laines dans quelques pays. Beaucoup de fermiers confient
ces opérations à des châtreurs, à des
tondeurs de profession, qui, tous les ans, reviennent au temps marqué
où on emploie leurs talents. Mais ces articles demandent
d'être traités à part, attendu leur importance.
Les bergers éviteront de laisser mouiller leurs troupeaux
récemment tondus, parce qu'ils en souffriraient beaucoup
; une partie même y succomberait.
Le berger doit couper les cornes à ses béliers et
les brider, s'il en est besoin, et couper la queue de ses agneaux.
On coupe, chaque année, au mois de mars, les cornes des béliers,
qui se blesseraient les uns les autres en se battant, arracheraient
la laine des brebis en approchant trop près d'elles, ou s'embarrasseraient
dans les broussailles. Lorsqu'on n'en a pas un assez grand nombre
pour en faire un troupeau séparé, on les empêche
de saillir trop les brebis, en leur attachant un linge qui pend
au-dessous du nombril, entre le nombril et la verge, moyennant une
corde qui se noue fur le dos ; ce qu'on appelle brider. En France,
on ne coupe que le bout de la queue des agneaux ; les Espagnols
la coupent à environ trois pouces de l'anus.
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«
Attentions pendant le parcage. Pendant l'été
et pendant l'automne, les bergers font parquer leurs troupeaux dans
une partie de la France. L'intention du maître est de procurer
à ses champs un engrais suffisant. Le berger qui dirige le
parcage, s'y conforme. Pour certifier le succès de son opération,
il faut qu'à qualité égale du sol, la végétation
dans les champs parqués soit uniforme, et que les grains
ne versent en aucun endroit. Il est donc indispensable que le berger
connaisse les habitudes des bêtes à laine, la manière
de les faire fienter où il veut, la nature du terrain fur
lequel est assis son parc, les heures de le changer de place, l'étendue
qu'il doit avoir relativement au nombre de ses animaux.
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«Conduite
aux champs. La bonne conduite des troupeaux aux champs pendant
le jour suppose dans le berger la connaissance des herbes toujours
nuisibles, et de celles qui ne le sont que prises en trop grande
quantité, ou par la sécheresse, ou par l'humidité.
Il sait à quelles heures il convient qu'il sorte et qu'il
rentre, selon les saisons et le temps ; il évite de faire
courir les brebis pleines, on de leur faire fauter des fossés,
afin qu'elles n'avortent pas ; il modère l'ardeur de ses
chiens, et se fait suivre doucement par son troupeau, quand il veut
en rendre la marche lente; il est en garde contre les loups, surtout
lorsqu'il approche des bois ; il empêche que les terres cultivées
ne soient mangées et ne réserve aucune jachère,
pour certains moments ; car cette réserve nuit aux propriétaires
de ces jachères, parce que la terre s’altère si on
laisse croître des plantes inutiles.
«Le
bon berger s'écarte du troupeau le moins possible ; son troupeau
en est mieux, parce que les chiens, plus près du berger,
ne se permettent de maltraiter aucune bête. Il prend beaucoup
de précautions contre les loups.
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«
Prévoyance contre les maladies. Je voudrais
qu'un berger fût instruit de toutes les maladies des troupeaux,
et plutôt encore qu'il eût l'art de les prévenir
que de les guérir. Il peut se garantir longtemps de la clavette,
en n'approchant pas des troupeaux du voisinage, s'ils lui sont suspects
; en défendant à ses chiens de courir fur aucune bête
étrangère, en ne laissant d'autres chiens que les
siens rôder autour de son troupeau ; en préférant,
s'il voyage, les grands chemins aux lieux écartés
; en ne permettant de toucher ses bêtes à aucune des
personnes qu'il soupçonnerait avoir eu communication avec
des animaux infectés. Aussitôt qu'il en voit une malade,
il est obligé d'avertir son maître. La pourriture et
la maladie du sang, quoique non contagieuses, doivent être
évitées avec beaucoup de soin ; très souvent
elles sont dues à la négligence du berger qui mène
son troupeau, ou dans des pâturages humides, ou dans des lieux
où croissent des plantes aromatiques. La gale se propage,
non pas d'un troupeau à l'autre, mais de bête à
bête dans un troupeau, et diminue le produit de la laine,
si le berger n'a soin de panser tous les jours, avec l'onguent,
les animaux qui en sont atteints. L'instruction du cit. Daubenton
pour les bergers, peur être un excellent guide et suppléer
aux écoles de bergers, qu'il faudrait peut-être établir
dans les campagnes en France, comme il y en a en Suède. Je
crois qu'il serait aussi avantageux de ne confier un grand troupeau
qu’à un berger qui aurait conduit un petit troupeau, ou une
division sous un berger éclairé et capable de l'instruire.
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«
Apprivoisement de quelques têtes. Les bergers
espagnols font faire à leurs troupeaux tous les mouvements
qu'ils veulent, sans employer de chiens, qui ne servent que la nuit
à les défendre contre les ours et les loups. Ils attachent
des sonnettes au cou de quelques béliers ou moutons. Par
un sifflement de la langue, ils les font aller ou s'arrêter
à volonté ; ces animaux guident les autres. Les bergers
français ne seraient pas embarrassés de trouver un
semblable moyen. Presque tous ils apprivoisent quelques bêtes
en leur donnant du pain seul de temps en temps, ou du pain et du
sel. Ils appellent coquins ces animaux ainsi apprivoisés,
qui sont d'un grand usage dans beaucoup de circonstances ; mais
ils ne suffisent pas dans les pays très cultivés.
Là, les bêtes à laine ne font jamais rassasiées.
La voix du berger ne les empêcherait pas de se jeter fur les
plantes qu'il faut respecter, ou de s'arrêter dans les endroits
où elles ne doivent que passer. On est donc obligé
d'avoir des chiens et de bien les dresser, pour qu'ils fassent le
service et ne soient jamais dangereux au troupeau : l'art de bien
dresser les chiens est encore un des talents du bon berger.
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«
Education des chiens. Il est
essentiel de choisir un animal dont le père et la mère
soient de bonne race ; on sait combien ce choix doit influer sur
leurs petits.
La race la meilleure est celle qu'on
appelle race de chiens de berger ; elle est petite, active, et pleine
d'intelligence. Si le pays est exposé à avoir des
loups, on préfère de dresser de gros mâtins,
en état de se battre. Le berger qui a une chienne dont il
veut avoir de l'espèce, ne la laissera couvrir que par un
seul chien ; à six mois, il commencera l'éducation
du jeune chien ; à un an ou quatorze mois, elle doit être
faite. S'il ne réussit pas alors, il n'y faut plus compter.
Tant qu'on cherche à le former, il est important de ne le
point laisser courir après les moutons avec les autres chiens
; cela le gâterait pour jamais. On le tient en laisse quand
on commande aux autres de manœuvrer; on retient les autres à
leur tour, si on l'envoie au troupeau ; il est attentif au commandement
et n'est point troublé par ce qu'il voit faire aux autres.
Le berger se met à peu de distance du troupeau, les premières
fois qu'il exerce le jeune chien ; peu à peu il s'en éloigne,
à mesure qu'il se forme ; à la fin, il obéit
à quelque distance qu'on l'envoie.
« Les
animaux ont, comme les hommes, leur caractère qu'il faut
étudier, pour les amener au but qu'on se propose. Il y a
des chiens qui veulent être caressés ; il y en a dont
on n’obtient rien sans les battre ; parmi ces derniers, on en voit
qui boudent s'ils sont battus. Ils ne valent rien pour un berger,
parce qu'ils le laisseraient dans l'embarras, lorsqu'il les châtierait
pour avoir manqué. Les meilleurs sont ceux qui, après
avoir été corrigés, reviennent caresser leur
maître.
Il n'est pas rare de voir des chiens de berger qui ne veulent aller
qu'à la droite ou a la gauche ; c'est une vice d'éducation.
Dans ce cas, le berger est obligé de se placer à l'égard
de son troupeau, de manière que le chien se retrouve toujours
du côté où il est accoutumé d'aller.
« Un
chien de berger, dans les pays où il a le plus de travail,
peut durer dix ans. On lui casse les crochets, pour qu'il ne morde
pas trop fort les bêtes à laine. Les bons bergers,
qui savent bien commander et qui ne s'écartent pas de leur
troupeau, n'ont pas besoin de casser les crochets de leurs chiens.
Deux bons chiens suffisent pour 240 bêtes ; on les nourrit
ordinairement de pain ; chacun en mange environ une livre et demie.
Pour qu'un chien ait toutes les qualités nécessaires,
il faut qu'il obéisse ponctuellement, qu'il ménage
le bétail, et qu'il soit surveillant et méchant même,
quand le troupeau est au parc." |
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Ici
le cit. Tessier indique les principales maladies des bergers et leur
traitement : mais nous ne répéterons point ici ce que
nous avons déjà dit, d'après lui-même,
dans la Feuille du cultivateur, du mercredi 16 août
1791, n° 91, pag. 365. Nos lecteurs peuvent y avoir recours, pour
compléter ce qui intéresse particulièrement les
bergers. Ils peuvent juger, par les détails qu'ils viennent
de lire, de l'importance d'une profession malheureusement presque
avilie parmi nous. Aussi trouve t-on très peu de bergers qui
réunissent les talents et les connaissances sans lesquels on
ne pourra jamais améliorer l'espèce des bêtes
à laine en France. Il serait digne du gouvernement de remettre
les bergers à leur place, et de former des écoles où
ils pussent s'instruire. Ce moyen est encore plus sûr que celui
de l’instruction écrite ou verbale. On choisirait dans les
départements du Nord et dans ceux du Midi les bergers les plus
soigneux et les plus éclairés ; on les mettrait à
la tête d'un nombreux troupeau ; on leur adjoindrait de jeunes
gens qui se destineraient à cette profession et qui conduiraient
sous leurs yeux des divisions de ce troupeau. Nous ne tarderions pas
à avoir de cette manière une pépinière
d'excellent bergers qui trouveraient facilement à se placer
chez les propriétaires. Cette idée, déjà
exécutée en. Suède et indiquée par le
cit. Tissier, est susceptible de développements : nous nous
empresserions de les donner, si nous pouvions espérer qu’on
voulût la réaliser. |
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