Accueil 

Annuaire

Faits et événements

Personnages

Napoléon

La France et le Monde

Waterloo

Belgique

Armées

Uniformes

Reconstitution

Publications

Liens

Nouvelles du Jour

Plan du site

Balises

   

Waterloo battle 1815

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1789-1815.com

   Annuaire 1789-1815   >   France   >   Société  >

.

 

Qualités et devoirs d'un berger

     

 

L'Esprit des Journaux, février 1796

   
  Du choix, de l’importance, des qualités et devoirs d’un berger ; par le cit. Tessier, associé ordinaire de la société d’agriculture.      
 

On formerait presque un volume des différents articles que nous avons donnés sur l’éducation des bêtes à laine, depuis l’origine de cet ouvrage. Aussi la regardons nous comme une des bases les plus essentielles de la prospérité nationale, et les bons citoyens gémissent avec nous, depuis longtemps, de ce qu’elle est si négligée dans la plupart des départements. Cependant les Anglais eux-mêmes, si jaloux de s’attribuer exclusivement la préférence sur tout ce qui peut enrichir leur commerce et leur agriculture, conviennent que la France pourrait, si elle voulait, le disputer à l’Angleterre pour l’article des laines.

     
  « La France, dit M. Arthur Young, est aussi susceptible de produire la belle laine à peigner que l’Angleterre. » Il est vrai qu’il ajoute : « mais de pareils établissements dépendent absolument du choix des hommes ; en les confiant à certains individus, c’est autant d’argent perdu, au lieu qu’en chargeant d’autres personnes du même objet, il ne se perd pas un denier. »  

Arthur Young

 

 
 

Ce peu de mots nous donne la clef des essais infructueux qui ont été faits par quelques personnes en ce genre, et il ne faut pas croire qu’il suffise, pour parvenir à s’enrichir et à enrichir l’Etat par l’éducation des bêtes à laine, de savoir choisir les espèces les plus propres au climat qu’on habite ; il faut surtout faire choix d’hommes intelligents qui surveillent cette amélioration et cette éducation, il faut se procurer des bergers instruits, c’est-à-dire, tels qu’il y en a peu, parce que malheureusement la profession utile de berger est avilie dans un grand nombre de contrées.
Commençons donc par former des bergers, si nous voulons avoir des troupeaux ; apprenons à connaître toute l’importance de leurs fonctions ; et en comparant leur état actuel à ce qu'ils devraient être, jugeons du chemin qui nous reste à faire pour les y amener. L'article suivant du cit. Tessier, notre confrère, nous a paru remplir nos vues à cet égard, et nous espérons qu'on nous saura d'autant plus de gré de le publier que cet agronome inspire plus de confiance, parce qu'il réunit la pratique à la théorie. Nous publierons un aperçu de M. Young sur l'état actuel de nos laines.
« On ne s'attend point fans doute, dit le citoyen Tessier, que je décrive ici les charmes de la vie pastorale ; que je peigne ces anciens bergers , dont il est fait mention dans les livres saints et dans les ouvrages de poésie; que je fasse sentir combien ceux de Théocrite, de Virgile, de Gesner, diffèrent des nôtres, ou plutôt combien l'imagination des poètes s’est plue à élever l'état de berger au-dessus de ce qu'il a toujours été. Cette manière de le considérer ne peut jamais me regarder. Le berger est pour moi un serviteur utile, dont les soins vigilants doivent concourir à la fortune de ceux qui lui confient un troupeau.

     
 

« On peut diviser les bergers en deux classes principales. L'une est celle des bergers qui gardent, en hiver, les troupeaux dans les plaines et dans les vallons, et qui les conduisent, au printemps, fur les montagnes, où ils restent jusqu'en automne. Tels font des bergers en Espagne, en Corse et dans les pays méridionaux de la France; on les nomme bergers voyageurs ou ambulants. L'autre classe comprend ceux qui ne changent pas de pays ou qui s'en écartent peu dans l'été ; ce sont des bergers que j'appelle sédentaires. Il y en a de cette classe dans les cantons mêmes où des bergers voyageurs passent l'hiver. Le plus grand nombre se trouve dans les provinces éloignées des montagnes.

     
 

« Des sortes de bergers sédentaires. Les bergers sédentaires peuvent être subdivisés en trois ordres. Les uns gardent les troupeaux des communes ; les autres veillent sur de petites troupes de huit à dix brebis, qui leur appartiennent et qu'ils entretiennent, afin de se procurer la laine dont ils ont besoin pour se faire des habits ; les bergers du troisième ordre sont ceux qui mènent paître les troupeaux des fermiers ou métayers, étant à leurs gages, ou ayant, au lieu de gages, la liberté de posséder en propriété un certain nombre de bêtes à laine. S'il faut deux hommes pour la garde d'un troupeau, le premier s'appelle, dans quelques provinces, le berger, et l'autre le pâtre ou Pilliard. On donne aussi le nom de Vagant au jeune serviteur que le berger prend en second, dans les temps où le troupeau est plus difficile à conduire, ou celui de Trainard, parce qu'il suit tandis que le berger va devant ; ou bien on dit seulement le grand et le petit berger.
« Quand les bêtes qui composent un troupeau sont en grand nombre, comme en Espagne, on a. plusieurs bergers. Leur chef se nomme Mayoral, et chacun des bergers Zagal. Dans ce royaume, où les bêtes à laine font une partie de la richesse de l'Etat, le gouvernement a fait des lois pour la conduite des troupeaux ; il a établi des tribunaux consacrés à juger les différends qui naissent entre les bergers ; ces derniers ont des règles à suivre dans les montagnes, dans les plaines, à la tonte, au lavage des laines, etc. Le code qui les régit est un code à part ; ce qui prouve que le gouvernement met beaucoup d'importance à la multiplication des bêtes à laine, et que la profession de pasteur ou de berger jouit en Espagne d'une sorte de considération. Aucun autre pays de l'Europe n'imite en cela les Espagnols, quoiqu'on s'occupe partout depuis quelque temps de l'amélioration des laines.
« Il y a des pays où la garde des troupeaux est confiée à de jeunes filles ou à de jeunes garçons, ou à des vieillards infirmes. On ne saurait blâmer cet usage, si le troupeau n'est formé que de quelques bêtes, comme j'en ai vu en Touraine et en Anjou ; le prix d'un berger de profession excéderait la valeur du troupeau. Mais on a tort , lorsque le nombre des animaux est au moins de cent bêtes et que la qualité de la laine est précieuse. C'est en quoi je n'ai pu m'empêcher de blâmer les métayers de Sologne ; pour éviter les gages d’un berger, qui les dédommagerait au delà de ce qu'il leur en coûterait, ils laissent périr leurs bêtes à laine, en les laissant conduire par des enfants incapables de soins et sans intelligence.

     
  « Des bergers voyageurs. Les bergers voyageurs ou ambulants ont des fonctions communes avec les bergers sédentaires. Ils en ont de particulières, dépendantes du genre de vie qu'ils mènent, et qu'ils font mener à leurs troupeaux. Les propriétaires prennent des précautions, pour que, loin de leurs yeux, pendant une partie de l’année, leur bétail soit bien soigné. Ces bergers ont un avantage dont la plupart des autres sont souvent privés. En été, l'herbe fine des montagnes, en hiver, celle des plaines ou des provisions de foin et de feuillages, nourrissent abondamment leurs troupeaux.
« Un observateur distingué, qui ne voit rien sans réfléchir, comparant la vie des bergers ambulants à celle des vachers, trouve que les premiers sont plus errants, et il allègue pour raison que les moutons paissant, par préférence, une herbe courte, on ne les mène que dans des pâturages secs, qu'ils ont en peu de temps épuisés. Il faut qu'ils aillent chercher leur vie ailleurs, et souvent très loin. Une deuxième raison, qui lui a échappé, c'est que si les moutons, dans les pays chauds, n'allaient pas en été dans les montagnes, il en périrait beaucoup.
     
 

Bergers de communes ou de communautés. Le sort d'un berger de communes est, en général, doux. Il annonce avec un instrument, fait de la corne d'une vache ou d'un bœuf, le moment où il part pour les champs ; à ce signal, chacun fait sortir de chez soi ce qu'il a de bêtes à laine, auxquelles on joint quelquefois des cochons et des chèvres. De tous ces animaux rassemblés, il se forme un grand troupeau, qui va au pâturage. Au retour, les animaux reconnaissent leurs maisons , ils s'y rendent, et bientôt tout est distribué. S'il y a des particuliers dont les habitations soient écartées de manière que le berger ne puisse pas s'y transporter, ils s'imposent l'obligation dé faire rendre leurs bêtes à un endroit marqué ; le berger les prend en passant ; le soir il les ramène au même endroit. La seule attention du berger consiste à ne point mener son troupeau aux champs quand le temps est défavorable, à ne lui laisser paître que des herbes qui lui conviennent, à le défendre contre les loups, à soigner les brebis qui agnèlent et à rendre à chaque particulier les agneaux qui lui appartiennent. Les frais du parc et les frais de garde se partagent entre les propriétaires des bêtes à laine, à proportion du nombre qu'ils en ont.

     
 

« Bergers de petites troupes. Pour ne conduire que huit ou dix brebis, le long des haies, sur les fossés, dans les broussailles, etc. il ne faut ni l'intelligence, ni la force, ni la vigilance du berger d'un troupeau considérable. Aussi n'occupe-t-on, pour les garder, que des enfants, qui ne pourraient point encore être employés à des travaux lucratifs.
« Je n'insisterai pas sur ces premières espèces de bergers, mais je développerai les fonctions de celui qui serait au service d'un fermier ou d'un métayer, dans un pays où, chaque année, les deux tiers au moins des champs sont ensemencés, où on élève des agneaux et où le parcage est en usage. C'est réunir toutes les circonstances où les talents d'un berger sont mis à la plus forte épreuve. On voit aisément qu'il s'agit ici des bergers de la Picardie, de la Champagne, de l'Isle-de-France, de l'Orléanais, etc.

     
 

« Bergers de ferme ou de métairie. En subdivisant les bergers sédentaires, j'ai dit qu'il y en avait auxquels on ne donnait pas de gages, mais seulement la permission d'entretenir dans le troupeau, aux dépens du maître en hiver, un certain nombre de têtes de bétail. Cette permission a de grands inconvénients, la plupart faciles à deviner. Il ne faut jamais mettre les hommes dans le cas de tromper avec facilité et impunément. Tout ce qui appartient au berger dans son troupeau est toujours dans le meilleur état. Les chiens, qui connaissent ses brebis, ses agneaux, ses moutons, les laissent manger dans le pâturage le plus nourrissant et même dans les terres en rapport. Lui-même leur porte du pain aux champs et les pourvoit abondamment à la bergerie. Aussi ses animaux ont-ils plus de laine et la laine la plus fine ; ses agneaux sont les plus forts et toujours des mâles. Jamais, ou rarement, la mort ne frappa la propriété du berger. Beaucoup de fermiers ayant reconnu combien cet usage était nuisible à l'amélioration de leurs troupeaux, l'ont abandonné, et ont préféré de donner des gages à leurs bergers, avec une gratification à la vente des agneaux, des moutons et des laines. Il faut espérer, pour l'intérêt des autres , qu'ils ouvriront les yeux et qu'ils suivront un exemple qui leur est offert. Un bon berger, dans quelques cantons de la Beauce, gagne de 160 à 180 liv. de gages ; on lui donne, indépendamment de sa nourriture et de celle de ses chiens, 6 liv. à la tonte et un sou par bête qu'on vend.
« Puisqu'il est ici question d'abus, je dois dire que jamais le maître d'un troupeau , s'il est sage, ne permettra à son berger de tuer une seule bête, sans son ordre et en son absence. En cas d'épizootie, il ne lui abandonnera pas les peaux des bêtes mortes, et, à plus forte raison, il ne le chargera pas de vendre ou d'acheter du bétail, à moins qu'il ne soit très sûr de sa droiture et de son désintéressement.
Il y a sans doute d'autres précautions à prendre encore pour éviter des inconvénients qui ne sont pas à ma connaissance. L'œil surveillant du maître les découvrira, et ses intérêts l'engageront à y remédier.

     
 

« Age d'un berger, et manière dont il doit être vêtu. Un berger au-dessous de vingt ans n'a ni la force , ni la facilité d'observer, ni l'intelligence qu'il lui faut ; on n'en choisira pas qui n'ait au moins cet âge. Sa constitution doit être telle, qu'il puisse se tenir longtemps sur ses jambes sans le fatiguer, et supporter les rigueurs des saisons. M. Daubenton, qui a fait un excellent ouvrage pour l'instruction des bergers, est entré dans beaucoup de détails utiles ; il s'est même occupé de leur habillement. Comme c'est plutôt du froid qu’ils ont à se garantir, M. Daubenton désire qu'ils aient un bonnet qui puisse se rabattre fur le visage et sur le cou, et qui soit doublé d'une peau d'agneau ; une casaque doublée de peau de mouton passée à l'huile dans le dos et à la poitrine; des guêtres aussi doublées de même, pour empêcher que la pluie n'entre dans ses sabots, et des moufles de peau d'agneau aux mains. Ces précautions sont d'autant plus nécessaires que le pays est plus froid.

     
 

« Signes et traitement des membres gelés. Il arrive quelquefois que les bergers ont les mains ou les pieds gelés. M. Daubenton indique la manière d'y remédier, comme des gens instruits, mais qu'on ne saurait trop répéter dans les campagnes. « Dès qu'on s'aperçoit qu'une partie du corps est gelée, il faut bien se garder d'approcher du feu, dont l'effet étant de dilater trop précipitamment les vaisseaux , il s'ensuit une désorganisation totale de la partie, qui ne peut plus reprendre son ancien état. La gangrène aussitôt s'en empare, et il n'y a plus de moyen à employer que l'amputation. Pour prévenir un si terrible accident, il faut, lorsqu'un membre est totalement engourdi par la gelée et d'un blanc-violet, le tremper quelques instants dans l’eau froide, ou le couvrir de neige ; ensuite on le met dans l'eau dégourdie, ou on le couvre de. linges modérément chauds, et après de linges plus chauds, enfin d'eau-de-vie. On ne l'approche du feu que quand le sentiment et la couleur naturelle font revenus.
« Quand les grands froids sont passés, les bergers se couvrent moins ; mais ils ont besoin d'un grand chapeau qui puisse se rabattre pour les garantir du soleil et de la pluie.

     
 

« Soins du berger à la bergerie. Dans les pays où l'on nourrit les bêtes à laine en hiver à la bergerie, le berger les approvisionne du fourrage qu'on lui permet de donner, soit de feuillages secs, soit de foin, soit de vesces, ou de pois fanés, soit de pailles de froment ou de seigle imparfaitement battu. Le fermier doit régler lui-même la quantité de nourriture ; car souvent les bergers, pour rendre leur troupeau plus beau, en donneraient une trop grande quantité ; le troupeau ne profiterait pas à son maître en proportion de ce qu'il lui coûterait, et on risquerait de le faire périr. Lorsque la nourriture est sèche et que le temps n'est pas pluvieux, si les bêtes à laine ne paissent pas d'herbes fraîches et humides aux champs, on leur tiendra à la bergerie de l'eau propre dans des baquets. Pour peu qu'il s'y introduisît de l'ordure, ces animaux n'en boiraient pas ; les ordures ôtées, ils boiraient une quantité d'eau proportionnée à leur altération. Il faut éviter les grandes boissons à des animaux toujours disposés à l'hydropisie ; on. a vu des brebis avorter par cette cause.

     
 

« Précautions quand on a châtré et tondu. Communément ce sont les bergers qui châtrent les agneaux mâles. Ils doivent prendre des précautions pour n'en pas perdre. Ils tondent aussi leur troupeau, et même lavent les laines dans quelques pays. Beaucoup de fermiers confient ces opérations à des châtreurs, à des tondeurs de profession, qui, tous les ans, reviennent au temps marqué où on emploie leurs talents. Mais ces articles demandent d'être traités à part, attendu leur importance. Les bergers éviteront de laisser mouiller leurs troupeaux récemment tondus, parce qu'ils en souffriraient beaucoup ; une partie même y succomberait.
Le berger doit couper les cornes à ses béliers et les brider, s'il en est besoin, et couper la queue de ses agneaux. On coupe, chaque année, au mois de mars, les cornes des béliers, qui se blesseraient les uns les autres en se battant, arracheraient la laine des brebis en approchant trop près d'elles, ou s'embarrasseraient dans les broussailles. Lorsqu'on n'en a pas un assez grand nombre pour en faire un troupeau séparé, on les empêche de saillir trop les brebis, en leur attachant un linge qui pend au-dessous du nombril, entre le nombril et la verge, moyennant une corde qui se noue fur le dos ; ce qu'on appelle brider. En France, on ne coupe que le bout de la queue des agneaux ; les Espagnols la coupent à environ trois pouces de l'anus.

     
 

« Attentions pendant le parcage. Pendant l'été et pendant l'automne, les bergers font parquer leurs troupeaux dans une partie de la France. L'intention du maître est de procurer à ses champs un engrais suffisant. Le berger qui dirige le parcage, s'y conforme. Pour certifier le succès de son opération, il faut qu'à qualité égale du sol, la végétation dans les champs parqués soit uniforme, et que les grains ne versent en aucun endroit. Il est donc indispensable que le berger connaisse les habitudes des bêtes à laine, la manière de les faire fienter où il veut, la nature du terrain fur lequel est assis son parc, les heures de le changer de place, l'étendue qu'il doit avoir relativement au nombre de ses animaux.

     
 

«Conduite aux champs. La bonne conduite des troupeaux aux champs pendant le jour suppose dans le berger la connaissance des herbes toujours nuisibles, et de celles qui ne le sont que prises en trop grande quantité, ou par la sécheresse, ou par l'humidité. Il sait à quelles heures il convient qu'il sorte et qu'il rentre, selon les saisons et le temps ; il évite de faire courir les brebis pleines, on de leur faire fauter des fossés, afin qu'elles n'avortent pas ; il modère l'ardeur de ses chiens, et se fait suivre doucement par son troupeau, quand il veut en rendre la marche lente; il est en garde contre les loups, surtout lorsqu'il approche des bois ; il empêche que les terres cultivées ne soient mangées et ne réserve aucune jachère, pour certains moments ; car cette réserve nuit aux propriétaires de ces jachères, parce que la terre s’altère si on laisse croître des plantes inutiles.
«Le bon berger s'écarte du troupeau le moins possible ; son troupeau en est mieux, parce que les chiens, plus près du berger, ne se permettent de maltraiter aucune bête. Il prend beaucoup de précautions contre les loups.

     
 

« Prévoyance contre les maladies. Je voudrais qu'un berger fût instruit de toutes les maladies des troupeaux, et plutôt encore qu'il eût l'art de les prévenir que de les guérir. Il peut se garantir longtemps de la clavette, en n'approchant pas des troupeaux du voisinage, s'ils lui sont suspects ; en défendant à ses chiens de courir fur aucune bête étrangère, en ne laissant d'autres chiens que les siens rôder autour de son troupeau ; en préférant, s'il voyage, les grands chemins aux lieux écartés ; en ne permettant de toucher ses bêtes à aucune des personnes qu'il soupçonnerait avoir eu communication avec des animaux infectés. Aussitôt qu'il en voit une malade, il est obligé d'avertir son maître. La pourriture et la maladie du sang, quoique non contagieuses, doivent être évitées avec beaucoup de soin ; très souvent elles sont dues à la négligence du berger qui mène son troupeau, ou dans des pâturages humides, ou dans des lieux où croissent des plantes aromatiques. La gale se propage, non pas d'un troupeau à l'autre, mais de bête à bête dans un troupeau, et diminue le produit de la laine, si le berger n'a soin de panser tous les jours, avec l'onguent, les animaux qui en sont atteints. L'instruction du cit. Daubenton pour les bergers, peur être un excellent guide et suppléer aux écoles de bergers, qu'il faudrait peut-être établir dans les campagnes en France, comme il y en a en Suède. Je crois qu'il serait aussi avantageux de ne confier un grand troupeau qu’à un berger qui aurait conduit un petit troupeau, ou une division sous un berger éclairé et capable de l'instruire.

     
 

« Apprivoisement de quelques têtes. Les bergers espagnols font faire à leurs troupeaux tous les mouvements qu'ils veulent, sans employer de chiens, qui ne servent que la nuit à les défendre contre les ours et les loups. Ils attachent des sonnettes au cou de quelques béliers ou moutons. Par un sifflement de la langue, ils les font aller ou s'arrêter à volonté ; ces animaux guident les autres. Les bergers français ne seraient pas embarrassés de trouver un semblable moyen. Presque tous ils apprivoisent quelques bêtes en leur donnant du pain seul de temps en temps, ou du pain et du sel. Ils appellent coquins ces animaux ainsi apprivoisés, qui sont d'un grand usage dans beaucoup de circonstances ; mais ils ne suffisent pas dans les pays très cultivés. Là, les bêtes à laine ne font jamais rassasiées. La voix du berger ne les empêcherait pas de se jeter fur les plantes qu'il faut respecter, ou de s'arrêter dans les endroits où elles ne doivent que passer. On est donc obligé d'avoir des chiens et de bien les dresser, pour qu'ils fassent le service et ne soient jamais dangereux au troupeau : l'art de bien dresser les chiens est encore un des talents du bon berger.

     
 

« Education des chiens. Il est essentiel de choisir un animal dont le père et la mère soient de bonne race ; on sait combien ce choix doit influer sur leurs petits. La race la meilleure est celle qu'on appelle race de chiens de berger ; elle est petite, active, et pleine d'intelligence. Si le pays est exposé à avoir des loups, on préfère de dresser de gros mâtins, en état de se battre. Le berger qui a une chienne dont il veut avoir de l'espèce, ne la laissera couvrir que par un seul chien ; à six mois, il commencera l'éducation du jeune chien ; à un an ou quatorze mois, elle doit être faite. S'il ne réussit pas alors, il n'y faut plus compter. Tant qu'on cherche à le former, il est important de ne le point laisser courir après les moutons avec les autres chiens ; cela le gâterait pour jamais. On le tient en laisse quand on commande aux autres de manœuvrer; on retient les autres à leur tour, si on l'envoie au troupeau ; il est attentif au commandement et n'est point troublé par ce qu'il voit faire aux autres. Le berger se met à peu de distance du troupeau, les premières fois qu'il exerce le jeune chien ; peu à peu il s'en éloigne, à mesure qu'il se forme ; à la fin, il obéit à quelque distance qu'on l'envoie.
« Les animaux ont, comme les hommes, leur caractère qu'il faut étudier, pour les amener au but qu'on se propose. Il y a des chiens qui veulent être caressés ; il y en a dont on n’obtient rien sans les battre ; parmi ces derniers, on en voit qui boudent s'ils sont battus. Ils ne valent rien pour un berger, parce qu'ils le laisseraient dans l'embarras, lorsqu'il les châtierait pour avoir manqué. Les meilleurs sont ceux qui, après avoir été corrigés, reviennent caresser leur maître.
Il n'est pas rare de voir des chiens de berger qui ne veulent aller qu'à la droite ou a la gauche ; c'est une vice d'éducation. Dans ce cas, le berger est obligé de se placer à l'égard de son troupeau, de manière que le chien se retrouve toujours du côté où il est accoutumé d'aller.
« Un chien de berger, dans les pays où il a le plus de travail, peut durer dix ans. On lui casse les crochets, pour qu'il ne morde pas trop fort les bêtes à laine. Les bons bergers, qui savent bien commander et qui ne s'écartent pas de leur troupeau, n'ont pas besoin de casser les crochets de leurs chiens. Deux bons chiens suffisent pour 240 bêtes ; on les nourrit ordinairement de pain ; chacun en mange environ une livre et demie. Pour qu'un chien ait toutes les qualités nécessaires, il faut qu'il obéisse ponctuellement, qu'il ménage le bétail, et qu'il soit surveillant et méchant même, quand le troupeau est au parc."

     
  Ici le cit. Tessier indique les principales maladies des bergers et leur traitement : mais nous ne répéterons point ici ce que nous avons déjà dit, d'après lui-même, dans la Feuille du cultivateur, du mercredi 16 août 1791, n° 91, pag. 365. Nos lecteurs peuvent y avoir recours, pour compléter ce qui intéresse particulièrement les bergers. Ils peuvent juger, par les détails qu'ils viennent de lire, de l'importance d'une profession malheureusement presque avilie parmi nous. Aussi trouve t-on très peu de bergers qui réunissent les talents et les connaissances sans lesquels on ne pourra jamais améliorer l'espèce des bêtes à laine en France. Il serait digne du gouvernement de remettre les bergers à leur place, et de former des écoles où ils pussent s'instruire. Ce moyen est encore plus sûr que celui de l’instruction écrite ou verbale. On choisirait dans les départements du Nord et dans ceux du Midi les bergers les plus soigneux et les plus éclairés ; on les mettrait à la tête d'un nombreux troupeau ; on leur adjoindrait de jeunes gens qui se destineraient à cette profession et qui conduiraient sous leurs yeux des divisions de ce troupeau. Nous ne tarderions pas à avoir de cette manière une pépinière d'excellent bergers qui trouveraient facilement à se placer chez les propriétaires. Cette idée, déjà exécutée en. Suède et indiquée par le cit. Tissier, est susceptible de développements : nous nous empresserions de les donner, si nous pouvions espérer qu’on voulût la réaliser.      
         

 

 

 

 

_ Retour au haut de la page.

Page d'accueil

Plan du site

Nouvelles du Jour

Pour écrire

La Patience - 1789-1815.com - waterloo1815.com  © Bernard Coppens 2009 - Tous droits réservés.