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Cause
Criminelle.
On
plaidera, le 8 ou 9 frimaire, devant le tribunal criminel de Bruxelles,
une cause qui fixe, en ce moment, l’attention du public.
Anne-Catherine
Celen, fille d’un cabaretier de Boitschot, village du département
des Deux-Nèthes, était soupçonnée d’être grosse pour le seconde
fois de N...., l’accusé. Le
11 floréal an 5 (30 avril 1797), le second dimanche de Pâques, elle
prévient ses parents qu’elle va s’établir avec N....., dans les
environs de Louvain, où elle n’aurait plus besoin de travailler.
Elle part en effet, emportant avec elle ses meilleurs habillements,
et ne donne plus de ses nouvelles.
Cependant
N.... demeure dans son canton.
Environ
deux mois après ce départ, la mère de Celen reçoit de celle-ci une
lettre de Rotterdam, lui annonçant qu’elle s’y trouvait. Ce fait
s’est trouvé faux ; et un frère de N..., prévenu d’avoir écrit cette
lettre, est aussi accusé.
Le
5 germinal an 9, environ quatre ans après le départ de Celen, des
paysans travaillant à un bois près d’Aerschot, y trouvent des ossements
humains. On fouille ; on découvre aussi une baleine et un morceau
d’étoffe servant à faire des corps-de-jupe ; des restes de manches
de soie, et un couteau à manche de bois, pareil à celui que portait
Celen. Ces indices font reconnaître que ces ossements sont ceux
d’une femme. On va plus loin ; sur la ressemblance qu’on croit apercevoir
de cette étoffe de soie à un habillement de Celen, l’on augure que
c’est elle qui a été assassinée. L’on croit aussi reconnaître que
l’écriture de la lettre écrite à la mère de Celen, ressemble à celle
du frère de N.... Sur
ce, on les accuse tous les deux d’avoir assassiné cette fille, et
le jury d’accusation prononce contre eux qu’il y a lieu à accusation.
Jamais
cause n’aura offert plus d’incertitude et plus de difficultés à
la sagesse des jurés. Sont-ce
les ossements d’une femme
; car les gens de l’art ont décidé qu’il n’y avait point
de différence entre ceux de l’homme et ceux de la femme. Ces restes
sont-ils ceux de Celen ? Les accusés sont-ils convaincus de l’avoir
assassinée ?... Mais aussi si l’affirmative est prouvée, quel nouveau
degré de force et de vérité n’acquerront pas ces beaux vers de Voltaire
:
.......................................Il
est donc des forfaits
Que
le courroux des dieux ne pardonne jamais !
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