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30 juin 1812     1er juillet 1812    2 juillet 1812

 

     

Wilna (aujourd'hui Vilnius en Lituanie)

Le 28 juin, au matin, un général russe (Balachof) se présenta en parlementaire aux avant-postes du maréchal Davout. Napoléon donna ordre à Davout de le garder, puis de le conduire à Wilna par une autre route que celle que suivait l'armée. Il ne se décida à le recevoir que le 1er juillet. Quelques paroles adressées par l'Empereur au parlementaire blessèrent vivement le général de Caulaincourt, qui rapporte la scène dans ses Mémoires.
Le même jour, Napoléon écrit une lettre au tsar, pour justifier son attaque contre l'empire russe, et manifester en même temps ses intentions pacifiques. Il est intéressant de comparer les paroles prononcées par Napoléon dans l'intimité telles qu'elles sont rapportées par Caulaincourt, avec la teneur de la lettre adressée au Tsar.

 
 

 

Le général de Caulaincourt, Grand Ecuyer de l'Empereur :

   
 

L'Empereur s'était décidé à faire venir M. de Balachof à Wilna. Ce que Sa Majesté disait de sa mission faisait de son envoi un trophée qu'on présentait aux Polonais comme une preuve des embarras du gouvernement russe et comme un encouragement. Je n'appris son arrivée que par le prince de Neuchâtel qui me raconta ce qu'il savait de cette mission dont nous n'augurâmes dès lors rien de favorable pour la paix. L'empereur Napoléon disait:
- " Mon frère Alexandre, qui faisait tant le fier avec Narbonne, voudrait déjà s'arranger. Il a peur. Mes manœuvres ont dérouté les Russes. Avant un mois ils seront à mes genoux. »
Il était trop content de se trouver à Wilna, il aimait trop à se flatter des succès qu'il désirait, plus peut-être qu'il ne les espérait déjà, pour entrer en arrangements.
Aussi était-il sérieux, préoccupé, on peut même dire sombre. Quelques mots échappés prouvaient que cette retraite sans combats depuis le passage du Niémen, les pertes de la marche jusqu'à Wilna et, plus que cela, la physionomie du pays l'avaient porté à faire des réflexions peu d'accord sans doute avec les illusions qu'il caressait depuis si longtemps. Mais l'Empereur n'était pas homme à reculer devant des difficultés ; elles irritaient au lieu de décourager ce grand caractère. Il dit tout haut, sans doute pour expliquer aux yeux des badauds l'accueil qu'il préparait à M. de Balachof, si différent de ce à quoi on s'attendait depuis les plaisanteries qui lui étaient échappées sur le but présumé de sa mission, qu'il faisait une guerre politique à la Russie, que, n'ayant point de griefs personnels contre l'empereur Alexandre, il traiterait bien son aide de camp.
M. de Balachof était porteur d'une lettre de l'empereur Alexandre et chargé de paroles conformes à son contenu pour demander les motifs de cette invasion en pleine paix, sans aucune déclaration, et proposer, ne connaissant aucun grief fondé de mésintelligence entre les Etats, de s'expliquer et d'éviter la guerre, si l'empereur Napoléon voulait reprendre, en attendant l'issue des négociations, sa position derrière le Niémen. Il parut au petit nombre d'initiés dans le secret de cette proposition que la rapidité de nos mouvements avait déconcerté et dérangé, dès le début, les dispositions militaires des Russes et que, dans l'embarras et le doute de pouvoir rallier avant la Dwina le corps de Bagration, l'empereur Alexandre avait essayé de ce moyen pour tâcher d'arrêter notre marche offensive par une négociation quelconque.
Je répète ce que j'ai entendu dire, car je n'ai eu sur cela aucune lumière directe à cette époque. Ce que je sais, c'est que l'empereur Napoléon dit tout haut devant le prince de Neuchâtel, le duc d'Istrie, je crois aussi devant Duroc, et devant moi :
« - Alexandre se moque de moi. Croit-il que je suis venu à Wilna pour négocier des traités de commerce ? Je suis venu pour en finir une bonne fois avec le colosse des barbares du Nord. L'épée est tirée. Il faut les refouler dans leurs glaces afin que, de vingt-cinq ans, ils ne viennent pas se mêler des affaires de l'Europe civilisée. Même sous Catherine, ajouta-t-il, les Russes n'étaient rien ou peu de chose dans les affaires politiques de l'Europe. C'est le partage de la Pologne qui les a mis en contact avec la civilisation. Il faut maintenant que la Pologne les repousse à son tour chez eux. Sont-ce les batailles d'Austerlitz, de Friedland, serait-ce la paix de Tilsit qui autoriseraient les prétentions de mon frère Alexandre? Il faut profiter de l'occasion et dégoûter les Russes de demander compte de ce qui se passe en Allemagne. Qu'ils reçoivent les Anglais à Arkangel, j'y consens, mais la Baltique doit leur être fermée. Pourquoi Alexandre ne s'est-il pas expliqué avec Narbonne, avec Lauriston, qui était à Saint-Pétersbourg et que le Tsar n'a pas voulu recevoir à Wilna ?
Jusqu'au dernier jour, Roumiantsof n'a pas voulu croire à la guerre. Il a persuadé à Alexandre que nos mouvements n'étaient que des menaces, que j'avais trop d'intérêt à conserver l'alliance russe pour être déterminé à la guerre. Il croyait m'avoir deviné, être plus fin que je n'étais politique. Aujourd'hui qu'il voit que c'est sérieux et que son armée est coupée, il a peur et voudrait s'arranger, mais c'est à Moscou que je signerai la paix. Je ne veux pas que le cabinet de Pétersbourg se croie le droit de se fâcher de ce que je fais en Allemagne, et que son ambassadeur ose me menacer si je n'évacue pas Dantzig. Chacun à son tour. Le temps est passé où Catherine partageait la Pologne, faisait trembler le faible Louis XV à Versailles et où elle se faisait prôner en même temps par tous les échos de Paris. Depuis Erfurt, Alexandre a trop fait le fier. L'acquisition de la Finlande lui a tourné la tête. S'il lui faut des victoires, qu'il batte les Persans mais qu'il ne se mêle pas de l'Europe. La civilisation repousse ces habitants du Nord. L’Europe doit s'arranger sans eux."
M. de Balachof fut bien reçu par l'Empereur qui le fit engager à dîner, ainsi que le prince de Neuchâtel, le duc d'Istrie et moi. Je fus plus qu'étonné de cette faveur qui, au reste, ne pouvait être à mon adresse, l'Empereur m'ayant depuis longtemps désaccoutumé de toutes celles qu'il pouvait se dispenser d'accorder aux personnes qui l'entouraient. L'Empereur traita parfaitement M. de Balachof et causa beaucoup avec lui. Dans la conversation après le dîner, Sa Majesté, m'apostrophant, me dit: « - L'empereur Alexandre traite bien les ambassadeurs. Il croit faire de la politique avec des cajoleries. Il fait de Caulaincourt un Russe. "
C'était le reproche accoutumé. Comme il ne pouvait m'atteindre devant mes compatriotes qui me connaissaient assez pour apprécier, comme moi, le motif de cette espèce de reproche, je n'y faisais plus attention.
Répété avec intention comme un titre qu'on voulait me ménager sans doute à la bienveillance de l'empereur Alexandre, ce mot me choqua, et je ne pus m'empêcher de répondre d'un air piqué à l'Empereur :
« - C'est sans doute parce que ma franchise a trop prouvé à Votre Majesté que je suis un très bon Français qu'elle veut avoir l'air d'en douter. Les marques de bonté dont m'a souvent honoré l'empereur Alexandre étaient à l'adresse de Votre Majesté. Comme votre fidèle serviteur, Sire, je ne les oublierai jamais. »
L'Empereur, s'apercevant de l'irritation où j'étais, parla d'autre chose et congédia peu de temps après M. de Balachof.
Avant le dîner, l'Empereur m'avait chargé de voir ce général et de le prévenir qu'il lui donnerait de ses chevaux pour rejoindre l'armée russe et m'avait aussi prescrit de me concerter avec le major-général pour sa route et son escorte. Je ne le vis qu'un moment et le priai de mettre aux pieds de son souverain l'hommage de mon respect.
M. de Balachof étant sorti de chez l'Empereur, Sa Majesté me dit en plaisantant que j'avais eu tort de me courroucer de ce qu'il m'avait dit que j'étais devenu Russe, que ce n'était qu'une cajolerie de sa part pour prouver à l'empereur Alexandre que je n'avais pas oublié ses marques de bienveillance.
« - Vous vous affligez, ajouta l'Empereur, du mal que je vais faire à votre ami. Ses armées n'osent pas nous attendre ; elles ne sauvent pas plus l'honneur des armes que celui du cabinet. Avant deux mois, les seigneurs russes forceront Alexandre à me demander la paix. »
Il ajouta à ses griefs accoutumés beaucoup d'autres choses pour prouver au prince de Neuchâtel.,au duc d'Istrie, à Duroc, et, je crois, à un ou deux des aides de camp qui étaient présents, que j'étais contre cette guerre, que je blâmais son système. Il répéta plusieurs fois que cette guerre était la plus politique qu'il eût entreprise, que la Russie n'avait rien fait pour l'alliance depuis Tilsit, qu'elle l'avait peu ou point secondé dans la campagne d'Autriche. Il lui reprocha de protéger le commerce anglais. Il chercha à 'établir que l'Autriche voyait cette guerre avec plaisir, parce qu'elle espérait qu'elle lui rendrait ses provinces maritimes à la place de la Pologne, à laquelle elle ne tenait pas.
J'étais si outré de ce reproch e: « Vous êtes Russe », que je ne pus me contenir. Je répondis à l'Empereur que j'étais plus Français que ceux qui soufflaient cette guerre, que je lui avais toujours dit la vérité, tandis que les autres faisaient des contes pour l'exciter, espérant lui plaire, que, sachant ce que je devais de respect à mon souverain, je supportais ses plaisanteries devant mes compatriotes, dont l'estime m'était acquise, mais que c'était m'outrager que de mettre en doute devant un étranger ma fidélité et mes sentiments français ; que je me faisais gloire, puisque Sa Majesté le publiait, d'être contre cette guerre, d'avoir tout fait pour l'empêcher, que je m'honorais même des désagréments et des chagrins qui en étaient résulté pour moi ; que, voyant depuis longtemps que mes services ne lui étaient plus agréables, je lui demandais à me retirer ; que, ne pouvant aller honorablement chez moi tant que la guerre durerait, je le priais de me donner un commandement en Espagne et la permission de partir dès le lendemain.
L'Empereur me répondit avec beaucoup de calme :
« - Qui met votre fidélité en doute? Je sais bien que vous êtes un brave homme. Je n'ai fait qu'une plaisanterie. Vous êtes trop susceptible. Vous savez bien que je vous estime. Dans ce moment vous déraisonnez. Je ne répondrai pas à tout ce que vous venez de me dire, etc. »
J'étais, je l'avoue, tellement hors de moi que, loin de me calmer, j'étais prêt à dire à l'Empereur les choses les plus déplacées.
Le duc d'Istrie me tirait par un pan de mon habit, le prince de Neuchâtel par l'autre, l'un et l'autre m'engageant, me suppliant de ne plus répondre. L'Empereur, qui conservait la même patience et parlait, je puis dire, avec la même bonté, voyant qu'on ne pouvait me faire entendre raison, rentra dans son cabinet et me laissa avec ces messieurs qui tentèrent vainement de m'emmener et de me calmer. J'avais la tête perdue. Enfin, je rentrai chez moi, bien décidé à m'en aller. Je ne me couchai qu'après avoir tout mis en ordre et disposé pour mon départ.

     

 

 

18878

"D'après la copie comm. par le gouvernement de S. M. l'empereur de Russie."

   
 

A Alexandre Ier, Empereur de Russie, à Saint-Pétersbourg.

                                                                                Vilna, 1er juillet 1812.

Monsieur mon Frère, j'ai reçu la lettre de Votre Majesté. La guerre qui divisait nos États se termina par le traité de Tilsit. J'avais été â la conférence du Niemen avec la résolution de ne pas faire la paix que je n'eusse obtenu tous les avantages que les circonstances me promettaient. J'avais en conséquence refusé d'y voir le roi de Prusse. Votre Majesté me dit : Je serai votre second contre l'Angleterre. Ce mot de Votre Majesté changea tout; le traité de Tilsit en fut le corollaire. Depuis, Votre Majesté désira que des modifications fussent faites à ce traité : elle voulut garder la Moldavie et la Valachie, et porter ses limites sur le Danube. Elle eut recours aux négociations. Cette importante modification au traité de Tilsit, si avantageuse à Votre Majesté, fut le résultat de la convention d'Erfurt. Il paraît que, vers le milieu de 1810, Votre Majesté désira de nouvelles modifications au traité de Tilsit. Elle avait deux moyens d'y arriver, la négociation ou la guerre. La négociation lui avait réussi à Erfurt : pourquoi, cette fois, prit-elle un moyen différent? Elle fit des armements considérables, déclina la voie des négociations, et parut ne vouloir obtenir de modifications au traité de Tilsit que par la protection de ses nombreuses armées. Les relations établies entre les deux puissances, après tant d'événements et de sang répandu, se trouvèrent rompues ; la guerre devint imminente. J'eus aussi recours aux armes, mais six mois après que Votre Majesté eut pris ce parti. Je n'ai pas levé un bataillon, je n'ai pas tiré un million de mon trésor pour l'extraordinaire de la guerre, que je ne l'aie fait connaître à Votre Majesté et à ses ambassadeurs. Je n'ai pas laissé échapper une occasion de m'expliquer. Votre Majesté a fait devant toute l'Europe une protestation que les puissances ont l'habitude de ne faire qu'au moment de se battre et lorsqu'elles n'espèrent plus rien des négociations : je n'y ai pas répondu. Votre Majesté, la première, a réuni ses armées et menacé mes frontières. Votre Majesté, la première, est partie pour son quartier général. Votre Majesté, après avoir constamment refusé pendant dix-huit mois de s'expliquer, m'a fait enfin remettre par son ministre une sommation d'évacuer la Prusse comme condition préalable de toute explication. Peu de jours après, ce ministre a fait la demande de ses passeports et a répété trois fois cette demande. Dès ce moment, j'étais en guerre avec Votre Majesté. Je voulus garder cependant l'espérance que le prince Kourakine avait mal entendu ses instructions, et qu'il n'était pas autorisé à cette sommation sine qua non de n'entendre à rien que la Prusse ne fût évacuée, ce qui évidemment était me placer entre la guerre et le déshonneur : langage inconvenant de la part de la Russie, que ni les événements passés ni les forces respectives des deux États ne devaient autoriser à me tenir, et qui était opposé au caractère de Votre Majesté, à l'estime personnelle qu'elle m'a quelquefois montrée, et enfin au souvenir qu'elle ne peut pas avoir perdu que, dans les circonstances les plus critiques, je l'ai assez honorée, elle et sa nation, pour ne lui rien proposer qui pût être le moindrement contraire à la délicatesse et à l'honneur. Je chargeai donc le comte Lauriston de se rendre auprès de Votre Majesté et de son ministre des relations extérieures, de s'expliquer sur toutes ces circonstances, et de voir s'il n'y aurait pas moyen de concilier l'ouverture d'une négociation, en considérant comme non avenue la sommation arrogante et déplacée du prince Kourakine. Peu de jours après, j'appris que la cour de Berlin avait été instruite de cette démarche du prince Kourakine, et qu'elle-même était fort surprise d'un langage aussi extraordinaire. Je ne tardai pas d'apprendre qu'à Pétersbourg aussi cette démarche était connue, et que les gens sensés la désapprouvaient ; enfin les journaux anglais m'apprirent que les Anglais la connaissaient. Le prince Kourakine n'avait donc fait que suivre littéralement ses instructions. Toutefois je voulus encore conserver de l'espoir, et j'attendais la réponse du comte Lauriston, lorsque je reçus à Gumbinnen le secrétaire de légation Prévost, qui m'apprit que, contre le droit des gens, contre les devoirs des souverains en pareilles circonstances, sans égard pour ce que Votre Majesté devait à moi et à elle-même, non-seulement elle avait refusé de voir le comte Lauriston, mais même, chose sans exemple, que l'oubli avait été porté au point que le ministre aussi avait refusé de l'entendre et de conférer avec lui, quoiqu'il eût fait connaître l'importance de ses communications et la lettre de ses ordres. Je compris alors que le sort en était jeté, que cette Providence invisible, dont je reconnais les droits et l'empire, avait décidé de cette affaire, comme de tant d'autres. Je marchai sur le Niemen avec le sentiment intime d'avoir tout fait pour épargner à l'humanité ces nouveaux malheurs, et pour tout concilier avec mon honneur, celui de mes peuples et la sainteté des traités.
Voilà, Sire, l'exposé de ma conduite. Votre Majesté pourra dire beaucoup de choses, mais elle se dira à elle-même qu'elle a pendant dix-huit mois refusé de s'expliquer d'aucune manière; qu'elle a, depuis, déclaré qu'elle n'entendrait à rien qu'au préalable je n'eusse évacué le territoire de mes alliés; que par là elle a voulu ôter à la Prusse l'indépendance qu'elle paraissait vouloir lui garantir, en même temps qu'elle me montrait du doigt les Fourches Caudines. Je plains la méchanceté de ceux qui ont pu donner de tels conseils à Votre Majesté. Quoi qu'il en soit, jamais la Russie n'a pu tenir ce langage avec la France; c'est tout au plus celui que l'impératrice Catherine pouvait tenir au dernier des rois de Pologne.
La guerre est donc déclarée entre nous. Dieu même ne peut pas faire que ce qui a été n'ait pas été. Mais mon oreille sera toujours ouverte à des négociations de paix; et, quand Votre Majesté voudra sérieusement s'arracher à l'influence des hommes ennemis de sa famille, de sa gloire et de celle de son empire, elle trouvera toujours en moi les mêmes sentiments et la vraie amitié. Un jour viendra où Votre Majesté s'avouera que si, dès la fin de 1810, elle n'avait pas changé, que si, voulant des modifications au traité de Tilsit, elle avait eu recours à des négociations loyales, ce qui n'est pas changer, elle aurait eu un des plus beaux règnes de la Russie. A la suite de désastres éclatants et réitérés, elle avait par sa sagesse et sa politique guéri toutes les plaies de l'État, réuni à son empire d'immenses provinces, la Finlande et les bouches du Danube. Mais aussi j'y aurais beaucoup gagné : les affaires d'Espagne auraient été terminées en 1811, et probablement la paix avec l'Angleterre serait conclue en ce moment. Votre Majesté a manqué de persévérance, de confiance, et, qu'elle me permette de le lui dire, de sincérité; elle a gâté tout son avenir. Avant de passer le Niemen, j'aurais envoyé un aide de camp à Votre Majesté, suivant l'usage que j'ai suivi dans les campagnes précédentes, si les personnes qui dirigent la guerre auprès d'elle et qui me paraissent, malgré les leçons de l'expérience, si désireuses de la faire, n'avaient témoigné beaucoup de mécontentement de la mission du comte de Narbonne, et si je n'avais dû considérer comme le résultat de leur influence la non-admission de mon ambassadeur. Il m'a paru alors indigne de moi de pouvoir laisser soupçonner que, sous prétexte de procédé, en envoyant quelqu'un auprès de Votre Majesté, je pusse avoir tout autre but. Si Votre Majesté veut finir la guerre, elle m'y trouvera disposé. Si Votre Majesté est décidée à la continuer et qu'elle veuille établir un cartel sur les bases les plus libérales, telles que de considérer les hommes aux hôpitaux comme non prisonniers, afin que de part et d'autre on n'ait pas à se presser de faire des évacuations, ce qui entraîne la perte de bien du monde; telles que le renvoi, tous les quinze jours, des prisonniers faits de part et d'autre, en tenant un rôle d'échange, grade par grade, et toutes autres stipulations que l'usage de la guerre entre les peuples civilisés a pu admettre: Votre Majesté me trouvera prêt à tout. Si même Votre Majesté veut laisser établir quelques communications directes, malgré les hostilités, le principe ainsi que les formalités en seraient aussi réglés dans ce cartel. Il me reste à terminer en priant Votre Majesté de croire que, tout en me plaignant de la direction qu'elle a donnée à sa politique, qui influe si douloureusement sur notre vie et sur nos nations, les sentiments particuliers que je lui porte n'en sont pas moins à l'abri des événements, et que, si la fortune devait encore favoriser mes armes, elle me trouvera, comme à Tilsit et à Erfurt, plein d'amitié et d'estime pour ses belles et grandes qualités, et désireux de le lui prouver.

                                                                                    Napoléon.

 

     

 

Napoléon n'oublie pas son impériale épouse, Marie-Louise. Et nous donne par la même occasion d'utiles renseignements météorologiques  :

   
 

                                                                                Vilna, le I juillet.
Mon amie, J'ai reçu ta lettre. Les dames que tu proposes pour le service du prochain trimestre me paraissent bien. Choisi qui tu voudras parmi les officiers pour ton service. Reste 3 jours à Wursburg. Pourvu que tu sois dans le courant de juillet à Saint-Cloud, cela suffit. Fais un présent à ton ancien grand-maître. J'accorderai la pension que tu demandes pour la protégée de Mme Lagiski. Le tems est très pluvieux ; dans ce pays les orages sont terrible, il pleut depuis 3 jours à grands flots. Mes affaires vont bien, ma senté bonne. Adieu, mon amie, tu sais combien je t'aime.
Nap.h.

     

 

Le général de Caulaincourt, Grand Ecuyer de l'Empereur :

   
 

On manquait de tout à Wilna et, au bout de quatre jours, il fallait chercher fort au loin les choses les plus nécessaires à la vie. Le nombre des isolés qui avaient quitté leur corps était déjà considérable. Des commissions militaires et quelques exemples les intimidèrent et en firent rentrer une partie, mais l'ordre fut médiocrement rétabli, tant que dura le passage de l'armée.

     

 

 

Ordre du jour de l'Empereur Napoléon Ier, pour l'organisation des autorités civiles, municipales et militaires de la Lithuanie.

   
 

Ordre du jour.
Art. 1er. Il y aura un gouvernement provisoire de la Lithuanie, composé de cinq membres et d'un secrétaire général.
Art. 2. La commission de gouvernement provisoire de la Lithuanie sera chargée de l'administration des finances, des subsistances, de l'organisation des troupes du pays, de la formation des gardes nationales et de la gendarmerie.
Art. 3. Il y aura près de la commission provisoire de gouvernement de la Lithuanie un commissaire impérial.
Art. 4. Chacun des gouvernements de Wilna, Grodno, Minsk et Bialistok sera administré par une commission de trois membres présidée par un intendant.
Art. 5. Ces commissions administratives seront sous les ordres de la commission provisoire de gouvernement de la Lithuanie.
Art. 6. L'administration de chaque district sera confiée à un sous-préfet.
Art. 7. Il y aura pour la ville de Wilna, un maire, quatre adjoints et un conseil municipal composé de douze membres. Cette administration sera chargée de la gestion des biens de la ville, de la surveillance des établissements de bienfaisance et de la police municipale.
Art. 8. Il sera formé à Wilna une garde nationale composée de 2 bataillons, chaque bataillon sera de 6 compagnies.
Art. 9. Il y aura dans chacun des gouvernements de Wilna,
Grodno, Minsk et Bialistok, une gendarmerie commandée par un colonel ayant sous ses ordres, savoir:
Ceux des gouvernements de Wilna et de Minsk, deux chefs d'escadron.
Ceux des gouvernements de Grodno et de Bialistok, un chef d'escadron.
Il y aura une compagnie de gendarmerie par district.
Art. 10. Le colonel de la gendarmerie résidera au chef-lieu du gouvernement. La résidence des officiers et l'emplacement des brigades seront déterminés par la commission provisoire du gouvernement de la Lithuanie.
Art. 11. Les officiers, sous-officiers et volontaires gendarmes seront pris parmi les gentilshommes propriétaires du district, aucun ne pourra s'en dispenser; ils seront nommés, savoir:
Les officiers, par la commission provisoire du gouvernement de la Lithuanie.
Les sous-officiers et volontaires gendarmes, par les commissions administratives des gouvernements de Wilna, Grodno, Minsk et Bialistok.
Art. 12. L'uniforme de la gendarmerie sera l'uniforme polonais.
Art. 13. La gendarmerie fera le service de police; elle prêtera main-forte à l'autorité publique, elle arrêtera les traînards, maraudeurs et déserteurs de quelque armée qu'ils soient.
Art. 14. Notre ordre du jour en date du 1er juin dernier, sera publié dans chaque gouvernement, et il y sera en conséquence établi une commission militaire.
Art. 15. Le major-général nommera un officier général ou supérieur, français ou polonais des troupes de ligne, pour commander chaque gouvernement. Il aura sous ses ordres les garde nationales, la gendarmerie et les troupes du pays.

Au quartier-général impérial de Wilna, le 1er juillet 1812.

     

 


  2 juillet 1812  

 

 

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