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Balises
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30
juin 1812
1er
juillet 1812
2
juillet 1812 |
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Wilna
(aujourd'hui Vilnius en Lituanie)
Le 28 juin,
au matin, un général russe (Balachof) se présenta
en parlementaire aux avant-postes du maréchal Davout. Napoléon
donna ordre à Davout de le garder, puis de le conduire à
Wilna par une autre route que celle que suivait l'armée.
Il ne se décida à le recevoir que le 1er juillet.
Quelques paroles adressées par l'Empereur au parlementaire
blessèrent vivement le général de Caulaincourt,
qui rapporte la scène dans ses Mémoires.
Le même jour, Napoléon écrit une lettre au tsar,
pour justifier son attaque contre l'empire russe, et manifester
en même temps ses intentions pacifiques. Il est intéressant
de comparer les paroles prononcées par Napoléon dans
l'intimité telles qu'elles sont rapportées par Caulaincourt,
avec la teneur de la lettre adressée au Tsar. |
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Le
général de Caulaincourt, Grand Ecuyer de l'Empereur
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L'Empereur
s'était décidé à faire venir M. de Balachof
à Wilna. Ce que Sa Majesté disait de sa mission faisait
de son envoi un trophée qu'on présentait aux Polonais
comme une preuve des embarras du gouvernement russe et comme un
encouragement. Je n'appris son arrivée que par le prince
de Neuchâtel qui me raconta ce qu'il savait de cette mission
dont nous n'augurâmes dès lors rien de favorable pour
la paix. L'empereur Napoléon disait:
- " Mon frère Alexandre, qui faisait tant le fier avec
Narbonne, voudrait déjà s'arranger. Il a peur. Mes
manœuvres ont dérouté les Russes. Avant un mois ils
seront à mes genoux. »
Il était trop content de se trouver à Wilna, il aimait
trop à se flatter des succès qu'il désirait,
plus peut-être qu'il ne les espérait déjà,
pour entrer en arrangements.
Aussi était-il sérieux, préoccupé, on
peut même dire sombre. Quelques mots échappés
prouvaient que cette retraite sans combats depuis le passage du
Niémen, les pertes de la marche jusqu'à Wilna et,
plus que cela, la physionomie du pays l'avaient porté à
faire des réflexions peu d'accord sans doute avec les illusions
qu'il caressait depuis si longtemps. Mais l'Empereur n'était
pas homme à reculer devant des difficultés ; elles
irritaient au lieu de décourager ce grand caractère.
Il dit tout haut, sans doute pour expliquer aux yeux des badauds
l'accueil qu'il préparait à M. de Balachof, si différent
de ce à quoi on s'attendait depuis les plaisanteries qui
lui étaient échappées sur le but présumé
de sa mission, qu'il faisait une guerre politique à la Russie,
que, n'ayant point de griefs personnels contre l'empereur Alexandre,
il traiterait bien son aide de camp.
M. de Balachof était porteur d'une lettre de l'empereur Alexandre
et chargé de paroles conformes à son contenu pour
demander les motifs de cette invasion en pleine paix, sans aucune
déclaration, et proposer, ne connaissant aucun grief fondé
de mésintelligence entre les Etats, de s'expliquer et d'éviter
la guerre, si l'empereur Napoléon voulait reprendre, en attendant
l'issue des négociations, sa position derrière le
Niémen. Il parut au petit nombre d'initiés dans le
secret de cette proposition que la rapidité de nos mouvements
avait déconcerté et dérangé, dès
le début, les dispositions militaires des Russes et que,
dans l'embarras et le doute de pouvoir rallier avant la Dwina le
corps de Bagration, l'empereur Alexandre avait essayé de
ce moyen pour tâcher d'arrêter notre marche offensive
par une négociation quelconque.
Je répète ce que j'ai entendu dire, car je n'ai eu
sur cela aucune lumière directe à cette époque.
Ce que je sais, c'est que l'empereur Napoléon dit tout haut
devant le prince de Neuchâtel, le duc d'Istrie, je crois aussi
devant Duroc, et devant moi :
« - Alexandre se moque de moi. Croit-il que je suis venu à
Wilna pour négocier des traités de commerce ? Je suis
venu pour en finir une bonne fois avec le colosse des barbares du
Nord. L'épée est tirée. Il faut les refouler
dans leurs glaces afin que, de vingt-cinq ans, ils ne viennent pas
se mêler des affaires de l'Europe civilisée. Même
sous Catherine, ajouta-t-il, les Russes n'étaient rien ou
peu de chose dans les affaires politiques de l'Europe. C'est le
partage de la Pologne qui les a mis en contact avec la civilisation.
Il faut maintenant que la Pologne les repousse à son tour
chez eux. Sont-ce les batailles d'Austerlitz, de Friedland, serait-ce
la paix de Tilsit qui autoriseraient les prétentions de mon
frère Alexandre? Il faut profiter de l'occasion et dégoûter
les Russes de demander compte de ce qui se passe en Allemagne. Qu'ils
reçoivent les Anglais à Arkangel, j'y consens, mais
la Baltique doit leur être fermée. Pourquoi Alexandre
ne s'est-il pas expliqué avec Narbonne, avec Lauriston, qui
était à Saint-Pétersbourg et que le Tsar n'a
pas voulu recevoir à Wilna ?
Jusqu'au dernier jour, Roumiantsof n'a pas voulu croire à
la guerre. Il a persuadé à Alexandre que nos mouvements
n'étaient que des menaces, que j'avais trop d'intérêt
à conserver l'alliance russe pour être déterminé
à la guerre. Il croyait m'avoir deviné, être
plus fin que je n'étais politique. Aujourd'hui qu'il voit
que c'est sérieux et que son armée est coupée,
il a peur et voudrait s'arranger, mais c'est à Moscou que
je signerai la paix. Je ne veux pas que le cabinet de Pétersbourg
se croie le droit de se fâcher de ce que je fais en Allemagne,
et que son ambassadeur ose me menacer si je n'évacue pas
Dantzig. Chacun à son tour. Le temps est passé où
Catherine partageait la Pologne, faisait trembler le faible Louis
XV à Versailles et où elle se faisait prôner
en même temps par tous les échos de Paris. Depuis Erfurt,
Alexandre a trop fait le fier. L'acquisition de la Finlande lui
a tourné la tête. S'il lui faut des victoires, qu'il
batte les Persans mais qu'il ne se mêle pas de l'Europe. La
civilisation repousse ces habitants du Nord. L’Europe doit s'arranger
sans eux."
M. de Balachof fut bien reçu par l'Empereur qui le fit engager
à dîner, ainsi que le prince de Neuchâtel, le
duc d'Istrie et moi. Je fus plus qu'étonné de cette
faveur qui, au reste, ne pouvait être à mon adresse,
l'Empereur m'ayant depuis longtemps désaccoutumé de
toutes celles qu'il pouvait se dispenser d'accorder aux personnes
qui l'entouraient. L'Empereur traita parfaitement M. de Balachof
et causa beaucoup avec lui. Dans la conversation après le
dîner, Sa Majesté, m'apostrophant, me dit: «
- L'empereur Alexandre traite bien les ambassadeurs. Il croit faire
de la politique avec des cajoleries. Il fait de Caulaincourt un
Russe. "
C'était le reproche accoutumé. Comme il ne pouvait
m'atteindre devant mes compatriotes qui me connaissaient assez pour
apprécier, comme moi, le motif de cette espèce de
reproche, je n'y faisais plus attention.
Répété avec intention comme un titre qu'on
voulait me ménager sans doute à la bienveillance de
l'empereur Alexandre, ce mot me choqua, et je ne pus m'empêcher
de répondre d'un air piqué à l'Empereur :
« - C'est sans doute parce que ma franchise a trop prouvé
à Votre Majesté que je suis un très bon Français
qu'elle veut avoir l'air d'en douter. Les marques de bonté
dont m'a souvent honoré l'empereur Alexandre étaient
à l'adresse de Votre Majesté. Comme votre fidèle
serviteur, Sire, je ne les oublierai jamais. »
L'Empereur, s'apercevant de l'irritation où j'étais,
parla d'autre chose et congédia peu de temps après
M. de Balachof.
Avant le dîner, l'Empereur m'avait chargé de voir ce
général et de le prévenir qu'il lui donnerait
de ses chevaux pour rejoindre l'armée russe et m'avait aussi
prescrit de me concerter avec le major-général pour
sa route et son escorte. Je ne le vis qu'un moment et le priai de
mettre aux pieds de son souverain l'hommage de mon respect.
M. de Balachof étant sorti de chez l'Empereur, Sa Majesté
me dit en plaisantant que j'avais eu tort de me courroucer de ce
qu'il m'avait dit que j'étais devenu Russe, que ce n'était
qu'une cajolerie de sa part pour prouver à l'empereur Alexandre
que je n'avais pas oublié ses marques de bienveillance.
« - Vous vous affligez, ajouta l'Empereur, du mal que je vais
faire à votre ami. Ses armées n'osent pas nous attendre
; elles ne sauvent pas plus l'honneur des armes que celui du cabinet.
Avant deux mois, les seigneurs russes forceront Alexandre à
me demander la paix. »
Il ajouta à ses griefs accoutumés beaucoup d'autres
choses pour prouver au prince de Neuchâtel.,au duc d'Istrie,
à Duroc, et, je crois, à un ou deux des aides de camp
qui étaient présents, que j'étais contre cette
guerre, que je blâmais son système. Il répéta
plusieurs fois que cette guerre était la plus politique qu'il
eût entreprise, que la Russie n'avait rien fait pour l'alliance
depuis Tilsit, qu'elle l'avait peu ou point secondé dans
la campagne d'Autriche. Il lui reprocha de protéger le commerce
anglais. Il chercha à 'établir que l'Autriche voyait
cette guerre avec plaisir, parce qu'elle espérait qu'elle
lui rendrait ses provinces maritimes à la place de la Pologne,
à laquelle elle ne tenait pas.
J'étais si outré de ce reproch e: « Vous êtes
Russe », que je ne pus me contenir. Je répondis à
l'Empereur que j'étais plus Français que ceux qui
soufflaient cette guerre, que je lui avais toujours dit la vérité,
tandis que les autres faisaient des contes pour l'exciter, espérant
lui plaire, que, sachant ce que je devais de respect à mon
souverain, je supportais ses plaisanteries devant mes compatriotes,
dont l'estime m'était acquise, mais que c'était m'outrager
que de mettre en doute devant un étranger ma fidélité
et mes sentiments français ; que je me faisais gloire, puisque
Sa Majesté le publiait, d'être contre cette guerre,
d'avoir tout fait pour l'empêcher, que je m'honorais même
des désagréments et des chagrins qui en étaient
résulté pour moi ; que, voyant depuis longtemps
que mes services ne lui étaient plus agréables, je
lui demandais à me retirer ; que, ne pouvant aller honorablement
chez moi tant que la guerre durerait, je le priais de me donner
un commandement en Espagne et la permission de partir dès
le lendemain.
L'Empereur me répondit avec beaucoup de calme :
« - Qui met votre fidélité en doute? Je sais
bien que vous êtes un brave homme. Je n'ai fait qu'une plaisanterie.
Vous êtes trop susceptible. Vous savez bien que je vous estime.
Dans ce moment vous déraisonnez. Je ne répondrai pas
à tout ce que vous venez de me dire, etc. »
J'étais, je l'avoue, tellement hors de moi que, loin de me
calmer, j'étais prêt à dire à l'Empereur
les choses les plus déplacées.
Le duc d'Istrie me tirait par un pan de mon habit, le prince de
Neuchâtel par l'autre, l'un et l'autre m'engageant, me suppliant
de ne plus répondre. L'Empereur, qui conservait la même
patience et parlait, je puis dire, avec la même bonté,
voyant qu'on ne pouvait me faire entendre raison, rentra dans son
cabinet et me laissa avec ces messieurs qui tentèrent vainement
de m'emmener et de me calmer. J'avais la tête perdue. Enfin,
je rentrai chez moi, bien décidé à m'en aller.
Je ne me couchai qu'après avoir tout mis en ordre et disposé
pour mon départ. |
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18878
"D'après
la copie comm. par le gouvernement de S. M. l'empereur de Russie." |
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A Alexandre
Ier, Empereur de Russie, à Saint-Pétersbourg.
Vilna,
1er juillet 1812.
Monsieur mon Frère,
j'ai reçu la lettre de Votre Majesté. La guerre qui
divisait nos États se termina par le traité de Tilsit.
J'avais été â la conférence du Niemen
avec la résolution de ne pas faire la paix que je n'eusse
obtenu tous les avantages que les circonstances me promettaient.
J'avais en conséquence refusé d'y voir le roi de Prusse.
Votre Majesté me dit : Je serai votre second contre l'Angleterre.
Ce mot de Votre Majesté changea tout; le traité de
Tilsit en fut le corollaire. Depuis, Votre Majesté désira
que des modifications fussent faites à ce traité :
elle voulut garder la Moldavie et la Valachie, et porter ses limites
sur le Danube. Elle eut recours aux négociations. Cette importante
modification au traité de Tilsit, si avantageuse à
Votre Majesté, fut le résultat de la convention d'Erfurt.
Il paraît que, vers le milieu de 1810, Votre Majesté
désira de nouvelles modifications au traité de Tilsit.
Elle avait deux moyens d'y arriver, la négociation ou la
guerre. La négociation lui avait réussi à Erfurt
: pourquoi, cette fois, prit-elle un moyen différent? Elle
fit des armements considérables, déclina la voie des
négociations, et parut ne vouloir obtenir de modifications
au traité de Tilsit que par la protection de ses nombreuses
armées. Les relations établies entre les deux puissances,
après tant d'événements et de sang répandu,
se trouvèrent rompues ; la guerre devint imminente. J'eus
aussi recours aux armes, mais six mois après que Votre Majesté
eut pris ce parti. Je n'ai pas levé un bataillon, je n'ai
pas tiré un million de mon trésor pour l'extraordinaire
de la guerre, que je ne l'aie fait connaître à Votre
Majesté et à ses ambassadeurs. Je n'ai pas laissé
échapper une occasion de m'expliquer. Votre Majesté
a fait devant toute l'Europe une protestation que les puissances
ont l'habitude de ne faire qu'au moment de se battre et lorsqu'elles
n'espèrent plus rien des négociations : je n'y ai
pas répondu. Votre Majesté, la première, a
réuni ses armées et menacé mes frontières.
Votre Majesté, la première, est partie pour son quartier
général. Votre Majesté, après avoir
constamment refusé pendant dix-huit mois de s'expliquer,
m'a fait enfin remettre par son ministre une sommation d'évacuer
la Prusse comme condition préalable de toute explication.
Peu de jours après, ce ministre a fait la demande de ses
passeports et a répété trois fois cette demande.
Dès ce moment, j'étais en guerre avec Votre Majesté.
Je voulus garder cependant l'espérance que le prince Kourakine
avait mal entendu ses instructions, et qu'il n'était pas
autorisé à cette sommation sine qua non de n'entendre
à rien que la Prusse ne fût évacuée,
ce qui évidemment était me placer entre la guerre
et le déshonneur : langage inconvenant de la part de la Russie,
que ni les événements passés ni les forces
respectives des deux États ne devaient autoriser à
me tenir, et qui était opposé au caractère
de Votre Majesté, à l'estime personnelle qu'elle m'a
quelquefois montrée, et enfin au souvenir qu'elle ne peut
pas avoir perdu que, dans les circonstances les plus critiques,
je l'ai assez honorée, elle et sa nation, pour ne lui rien
proposer qui pût être le moindrement contraire à
la délicatesse et à l'honneur. Je chargeai donc le
comte Lauriston de se rendre auprès de Votre Majesté
et de son ministre des relations extérieures, de s'expliquer
sur toutes ces circonstances, et de voir s'il n'y aurait pas moyen
de concilier l'ouverture d'une négociation, en considérant
comme non avenue la sommation arrogante et déplacée
du prince Kourakine. Peu de jours après, j'appris que la
cour de Berlin avait été instruite de cette démarche
du prince Kourakine, et qu'elle-même était fort surprise
d'un langage aussi extraordinaire. Je ne tardai pas d'apprendre
qu'à Pétersbourg aussi cette démarche était
connue, et que les gens sensés la désapprouvaient
; enfin les journaux anglais m'apprirent que les Anglais la connaissaient.
Le prince Kourakine n'avait donc fait que suivre littéralement
ses instructions. Toutefois je voulus encore conserver de l'espoir,
et j'attendais la réponse du comte Lauriston, lorsque je
reçus à Gumbinnen le secrétaire de légation
Prévost, qui m'apprit que, contre le droit des gens, contre
les devoirs des souverains en pareilles circonstances, sans égard
pour ce que Votre Majesté devait à moi et à
elle-même, non-seulement elle avait refusé de voir
le comte Lauriston, mais même, chose sans exemple, que l'oubli
avait été porté au point que le ministre aussi
avait refusé de l'entendre et de conférer avec lui,
quoiqu'il eût fait connaître l'importance de ses communications
et la lettre de ses ordres. Je compris alors que le sort en était
jeté, que cette Providence invisible, dont je reconnais les
droits et l'empire, avait décidé de cette affaire,
comme de tant d'autres. Je marchai sur le Niemen avec le sentiment
intime d'avoir tout fait pour épargner à l'humanité
ces nouveaux malheurs, et pour tout concilier avec mon honneur,
celui de mes peuples et la sainteté des traités.
Voilà, Sire, l'exposé de ma conduite. Votre Majesté
pourra dire beaucoup de choses, mais elle se dira à elle-même
qu'elle a pendant dix-huit mois refusé de s'expliquer d'aucune
manière; qu'elle a, depuis, déclaré qu'elle
n'entendrait à rien qu'au préalable je n'eusse évacué
le territoire de mes alliés; que par là elle a voulu
ôter à la Prusse l'indépendance qu'elle paraissait
vouloir lui garantir, en même temps qu'elle me montrait du
doigt les Fourches Caudines. Je plains la méchanceté
de ceux qui ont pu donner de tels conseils à Votre Majesté.
Quoi qu'il en soit, jamais la Russie n'a pu tenir ce langage avec
la France; c'est tout au plus celui que l'impératrice Catherine
pouvait tenir au dernier des rois de Pologne.
La guerre est donc déclarée entre nous. Dieu même
ne peut pas faire que ce qui a été n'ait pas été.
Mais mon oreille sera toujours ouverte à des négociations
de paix; et, quand Votre Majesté voudra sérieusement
s'arracher à l'influence des hommes ennemis de sa famille,
de sa gloire et de celle de son empire, elle trouvera toujours en
moi les mêmes sentiments et la vraie amitié. Un jour
viendra où Votre Majesté s'avouera que si, dès
la fin de 1810, elle n'avait pas changé, que si, voulant
des modifications au traité de Tilsit, elle avait eu recours
à des négociations loyales, ce qui n'est pas changer,
elle aurait eu un des plus beaux règnes de la Russie. A la
suite de désastres éclatants et réitérés,
elle avait par sa sagesse et sa politique guéri toutes les
plaies de l'État, réuni à son empire d'immenses
provinces, la Finlande et les bouches du Danube. Mais aussi j'y
aurais beaucoup gagné : les affaires d'Espagne auraient été
terminées en 1811, et probablement la paix avec l'Angleterre
serait conclue en ce moment. Votre Majesté a manqué
de persévérance, de confiance, et, qu'elle me permette
de le lui dire, de sincérité; elle a gâté
tout son avenir. Avant de passer le Niemen, j'aurais envoyé
un aide de camp à Votre Majesté, suivant l'usage que
j'ai suivi dans les campagnes précédentes, si les
personnes qui dirigent la guerre auprès d'elle et qui me
paraissent, malgré les leçons de l'expérience,
si désireuses de la faire, n'avaient témoigné
beaucoup de mécontentement de la mission du comte de Narbonne,
et si je n'avais dû considérer comme le résultat
de leur influence la non-admission de mon ambassadeur. Il m'a paru
alors indigne de moi de pouvoir laisser soupçonner que, sous
prétexte de procédé, en envoyant quelqu'un
auprès de Votre Majesté, je pusse avoir tout autre
but. Si Votre Majesté veut finir la guerre, elle m'y trouvera
disposé. Si Votre Majesté est décidée
à la continuer et qu'elle veuille établir un cartel
sur les bases les plus libérales, telles que de considérer
les hommes aux hôpitaux comme non prisonniers, afin que de
part et d'autre on n'ait pas à se presser de faire des évacuations,
ce qui entraîne la perte de bien du monde; telles que le renvoi,
tous les quinze jours, des prisonniers faits de part et d'autre,
en tenant un rôle d'échange, grade par grade, et toutes
autres stipulations que l'usage de la guerre entre les peuples civilisés
a pu admettre: Votre Majesté me trouvera prêt à
tout. Si même Votre Majesté veut laisser établir
quelques communications directes, malgré les hostilités,
le principe ainsi que les formalités en seraient aussi réglés
dans ce cartel. Il me reste à terminer en priant Votre Majesté
de croire que, tout en me plaignant de la direction qu'elle a donnée
à sa politique, qui influe si douloureusement sur notre vie
et sur nos nations, les sentiments particuliers que je lui porte
n'en sont pas moins à l'abri des événements,
et que, si la fortune devait encore favoriser mes armes, elle me
trouvera, comme à Tilsit et à Erfurt, plein d'amitié
et d'estime pour ses belles et grandes qualités, et désireux
de le lui prouver.
Napoléon.
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Napoléon
n'oublie pas son impériale épouse, Marie-Louise. Et
nous donne par la même occasion d'utiles renseignements météorologiques
: |
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Vilna,
le I juillet.
Mon amie, J'ai reçu ta lettre. Les dames que tu proposes
pour le service du prochain trimestre me paraissent bien. Choisi
qui tu voudras parmi les officiers pour ton service. Reste 3 jours
à Wursburg. Pourvu que tu sois dans le courant de juillet
à Saint-Cloud, cela suffit. Fais un présent à
ton ancien grand-maître. J'accorderai la pension que tu demandes
pour la protégée de Mme Lagiski. Le tems est très
pluvieux ; dans ce pays les orages sont terrible, il pleut
depuis 3 jours à grands flots. Mes affaires vont bien, ma
senté bonne. Adieu, mon amie, tu sais combien je t'aime.
Nap.h. |
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Le général
de Caulaincourt, Grand Ecuyer de l'Empereur : |
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On
manquait de tout à Wilna et, au bout de quatre jours, il
fallait chercher fort au loin les choses les plus nécessaires
à la vie. Le nombre des isolés qui avaient quitté
leur corps était déjà considérable.
Des commissions militaires et quelques exemples les intimidèrent
et en firent rentrer une partie, mais l'ordre fut médiocrement
rétabli, tant que dura le passage de l'armée. |
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Ordre
du jour de l'Empereur Napoléon Ier, pour l'organisation des
autorités civiles, municipales et militaires de la Lithuanie. |
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Ordre
du jour.
Art. 1er. Il y aura un gouvernement provisoire de la Lithuanie,
composé de cinq membres et d'un secrétaire général.
Art. 2. La commission de gouvernement provisoire de la Lithuanie
sera chargée de l'administration des finances, des subsistances,
de l'organisation des troupes du pays, de la formation des gardes
nationales et de la gendarmerie.
Art. 3. Il y aura près de la commission provisoire de gouvernement
de la Lithuanie un commissaire impérial.
Art. 4. Chacun des gouvernements de Wilna, Grodno, Minsk et Bialistok
sera administré par une commission de trois membres présidée
par un intendant.
Art. 5. Ces commissions administratives seront sous les ordres de
la commission provisoire de gouvernement de la Lithuanie.
Art. 6. L'administration de chaque district sera confiée
à un sous-préfet.
Art. 7. Il y aura pour la ville de Wilna, un maire, quatre adjoints
et un conseil municipal composé de douze membres. Cette administration
sera chargée de la gestion des biens de la ville, de la surveillance
des établissements de bienfaisance et de la police municipale.
Art. 8. Il sera formé à Wilna une garde nationale
composée de 2 bataillons, chaque bataillon sera de 6 compagnies.
Art. 9. Il y aura dans chacun des gouvernements de Wilna,
Grodno, Minsk et Bialistok, une gendarmerie commandée par
un colonel ayant sous ses ordres, savoir:
Ceux des gouvernements de Wilna et de Minsk, deux chefs d'escadron.
Ceux des gouvernements de Grodno et de Bialistok, un chef d'escadron.
Il y aura une compagnie de gendarmerie par district.
Art. 10. Le colonel de la gendarmerie résidera au chef-lieu
du gouvernement. La résidence des officiers et l'emplacement
des brigades seront déterminés par la commission provisoire
du gouvernement de la Lithuanie.
Art. 11. Les officiers, sous-officiers et volontaires gendarmes
seront pris parmi les gentilshommes propriétaires du district,
aucun ne pourra s'en dispenser; ils seront nommés, savoir:
Les officiers, par la commission provisoire du gouvernement de la
Lithuanie.
Les sous-officiers et volontaires gendarmes, par les commissions
administratives des gouvernements de Wilna, Grodno, Minsk et Bialistok.
Art. 12. L'uniforme de la gendarmerie sera l'uniforme polonais.
Art. 13. La gendarmerie fera le service de police; elle prêtera
main-forte à l'autorité publique, elle arrêtera
les traînards, maraudeurs et déserteurs de quelque
armée qu'ils soient.
Art. 14. Notre ordre du jour en date du 1er juin dernier, sera publié
dans chaque gouvernement, et il y sera en conséquence établi
une commission militaire.
Art. 15. Le major-général nommera un officier général
ou supérieur, français ou polonais des troupes de
ligne, pour commander chaque gouvernement. Il aura sous ses ordres
les garde nationales, la gendarmerie et les troupes du pays.
Au
quartier-général impérial de Wilna, le 1er
juillet 1812. |
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