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  Faits et événements  > L'assassinat du duc d'Enghien

Dernière modification le 17 octobre 2006.

Avril 1804 : L'assassinat du duc d'Enghien

Petit-fils du prince de Condé, Louis Antoine Henri de Bourbon, duc d’Enghien avait émigré et servi avec courage dans l’armée de Condé.
Retiré depuis 1803 à Ettenheim dans le pays de Bade, il vivait d’une pension qui lui était payée par le cabinet anglais et attendait un signal de Londres pour reprendre du service dans les corps d’émigrés.
Le 15 mars 1804, sur ordre du premier consul, un détachement de dragons du 26e régiment franchit le Rhin, cerne Ettenheim et se saisit du duc d’Enghien, qui est ramené en France et enfermé à la citadelle de Strasbourg.
Dans ses papiers, on ne trouve aucune trace de participation à une conspiration.
Le duc est transféré à Vincennes le 20 mars , où il est jugé dans la nuit par une commission militaire présidée par le général Hulin, sous la surveillance du général Savary, aide de camp du premier consul. La procédure est expéditive : il n’y a pas de témoin, pas de pièce à charge, pas de défenseur ! Le duc d’Enghien est condamne à mort. Avant même le jugement de la commission, sa fosse était déjà creusée.
La sentence est exécutée sur le champ, dans les fossés du château de Vincennes, à la lueur d’une lanterne.
Le corps du duc est jeté sans autre forme de procès dans la fosse, qui est aussitôt refermée.

On a attribué à Fouché, au sujet de l’exécution du duc d’Enghien, la phrase célèbre : « c’est pire qu’un crime, c’est une faute ».
D’après Octave Aubry, c’était un crime, mais ce n’était pas une faute, puisque l’opération réussit au premier consul.
Quant à Louis Madelin, il commente : « Triste page d’une histoire jusque-là glorieuse… »

 

Les réactions en Europe suite à l'assassinat du duc d'Enghien

Avertissement de Pierre Lanfrey sur la conspiration de Cadoudal, le procès de Moreau et l'assassinat du duc d'Enghien :

 

On peut affirmer hardiment qu’aucune époque de notre histoire n’a été l’objet d’une falsification plus complète et plus audacieuse que celle qui est relative à la conspiration de Georges, à la fin tragique de Pichegru et du duc d’Enghien, au procès de Moreau. Jamais plus noires trames n’ont été enveloppées de plus épaisses ténèbres ; et ce fait s’explique facilement si l’on songe à l’intérêt qu’avaient tant de personnages puissants à atténuer leur rôle, à donner le change sur leurs intentions, à effacer les traces de leurs actes. Lorsqu’on réfléchit aux facilités dont ils ont joui pour faire disparaître les preuves qui pouvaient les accuser, au silence forcé de la presse, à l’absence de tout contrôle et de toute publicité, à la terreur qui pesait sur le public, on est encore surpris qu’ils aient laissé venir jusqu’à nous autant d’éléments d’information. Il est depuis longtemps de notoriété publiques que nos archives ont été, à plusieurs reprises, fouillées par les principaux intéressés, que certaines pièces ont été supprimées, d’autres supposées, en sorte que nous ne pouvons juger les coupables que sur les documents qu’ils ont bien voulu nous livrer, et sur ceux qui ont échappé à leur clairvoyance. Encore ces documents nous sont-ils en partie interdits, car l’Etat qui en est le dépositaire pour la portion inédite, se regarde comme le maître et le dispensateur de la vérité historique ; cependant il est douteux que l’interdiction soit ici bien regrettable, du moins en ce qui concerne Bonaparte. L’homme qui faisait enlever des archives toutes les pièces relatives à la bataille de Marengo, pour leur substituer un bulletin de fantaisie rédigé plusieurs années après l’événement, n’a pas dû y laisser subsister beaucoup de témoignages sur des affaires infiniment moins glorieuses pour lui.
A toutes ces causes d’obscurité sont venus s’ajouter des mensonges artificieusement élaborés pour tromper la postérité. Ces fictions ont été en quelque sorte consacrées par un long et général assentiment ; elles font partie de la légende napoléonienne ; elles ont été adoptées avec avidité par cet engouement sans exemple qu’aucune fable si grossière qu’elle fût, ne semblait autrefois pouvoir assouvir ni rebuter, et que nous voyons aujourd'hui mourir de satiété. Au premier rang de ces inventions il faut placer les différents récits qui ont été fabriqués à Sainte-Hélène sous l’inspiration de Napoléon, et les mémoires de Savary, duc de Rovigo ; nos historiens les plus autorisés semblent trop souvent n’avoir eu d’autre objet que de développer le thème qui leur a été fourni par cette double tradition. Sans doute, aucune déposition ne doit être rejetée, si ce n’est après un sérieux examen : quoique remplis de faussetés palpables et évidentes, les récits de Sainte-Hélène ne doivent pas être écartés d’une façon absolue, car ils contiennent des aveux précieux à recueillir, et leurs artifices eux-mêmes en disent long sur le caractère de celui qui les a imaginés. Leur parfaite concordance dans le mensonge comme dans la vérité est d’ailleurs une preuve incontestable qu’ils émanent de l’acteur principal et méritent d’être discutés comme son témoignage lui-même. Mais au-dessus des systèmes arrangés après coup, il y a heureusement certains faits d’une vérité inattaquable ; il suffit de les rétablir et de les préciser pour renverser ce laborieux échafaudage ; ils ne peuvent sans doute nous donner la lumière complète, ils sont assez concluants néanmoins, pour rendre à ces événements leur physionomie générale et leur vraie signification. Une critique sévère a pour premier devoir de n’admettre que des faits démontrés ; mais par cela seul qu’elle dégage les points élucidés, il arrive souvent qu’elle éclaire d’un jour tout nouveau ceux qui restaient dans l’ombre. L’histoire devient alors comme une inscription à laquelle il manque quelques caractères qu’un œil exercé rétablit de lui-même. (Lanfrey, Histoire de Napoléon Ier (1869), tome 3, p. 83-85.)

 

 

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