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Waterloo battle 1815

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1789-1815.com

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1838 : Alexandre Dumas

     

 

Extrait d'une lettre d'Alexandre Dumas à Eugène Delacroix, parue dans la Revue de Paris, 1838 :

   
 

Nous avons été hier à Waterloo : c'est une belle plaine, où les moissons poussent vertes, grasses et drues. A part la pyramide, élevée à la place où le prince d'Orange fut blessé lorsqu'il chargeait chevaleresquement, son chapeau à la main ; à part le tombeau du colonel Gordon, et le monument qui couvre le grand ossuaire où sont enterrés pêle-mêle Anglais, Français et Hanovriens, on pourrait passer à travers ces champs sans se douter que là s'est décidée une question européenne. Quelques paysans paresseux, qui se disent tous guides de Jérôme Bonaparte, nous entourèrent à peine descendus de voiture, et se disputèrent à qui nous conduirait. Nous avions nos plans en poche ; nous prîmes le plus stupide de tous ces vauriens, convaincus que ce serait celui qui nous dirait le moins de mensonges ; et, au lieu de parcourir le grand demi-cercle qui commence à Braine-la-Leude, passe par Planchenoît et aboutit à Frichermont, nous nous contentâmes de gravir cette montagne de terre formée de main d'homme, au sommet de laquelle un lion colossal en bronze, la patte posée sur une boule et la tête tournée vers l'occident, menace la France. De la plate-forme qui s'étend autour de son piédestal, on domine tout le champ de bataille, depuis Braine-la-Leude, point extrême qu'atteignit la division du deuxième corps de Jérôme Bonaparte, jusqu'à la forêt de Frichermont, par laquelle déboucha Blücher et ses Prussiens ; depuis Waterloo, qui a donné son nom à la bataille, sans doute parce qu'à ce village s'est arrêtée la déroute des Anglais, jusqu'à la ferme des Quatre-Bras, où coucha Wellington après la défaite de Ligny. De ce point élevé, rien de plus facile que d'évoquer toutes ces ombres, tout ce bruit, toute cette fumée, et que d'assister de nouveau à la bataille. Là, un peu au-dessus de la Haie-Sainte, à la place où on a élevé depuis quelques masures, contre un orme, acheté 200 francs par un Anglais, Wellington, pendant toute la matinée, est resté appuyé. De l'autre côté de la route, de Genapes à Bruxelles, et sur la même ligne, tomba sir Thomas Picton, chargeant à la tête d'un régiment. A nos pieds est le plateau de Mont-Saint-Jean, qui s'élevait à la hauteur des monuments de Gordon et des Hanovriens, et qui a changé de forme depuis qu'on lui a enlevé, sur une surface de deux arpents, une couche de terre de dix pieds, afin d'élever la pyramide. C'est sur ce point que s'est concentré, pendant trois heures, le plus fort de la bataille. Les bâtiments qui y touchent étaient occupés par Ney, qui les avait enlevés à la baïonnette. Là a eu lieu la charge des trois mille cuirassiers de Kellermann. Poursuivi par eux de carrés en carrés, Wellington ne dut son salut qu'au courage impassible de ses soldats, qui se firent poignarder à leur poste, et tombèrent au nombre de douze mille sans reculer d'un pas, tandis que leur général reprenait bon espoir en calculant qu'il faudrait deux heures encore de temps matériel pour tuer ce qui restait. Or, dans une heure, il attendait Blücher, et dans une heure et demie la nuit, second auxiliaire dont il était certain, au cas où le premier, arrêté par Grouchy, viendrait à lui manquer.
Maintenant, en se tournant du côté de la France, on a vers sa droite, au milieu d'un petit bois, la ferme d'Hougoumont prise et reprise trois fois ; en face de soi, la Belle-Alliance d'où Napoléon, après avoir quitté son observatoire situé dans le bois de Monplaisir, contempla pendant deux heures tout le champ de bataille, demandant à Grouchy ses bataillons vivants comme Auguste demandait à Varus ses légions mortes ; à sa gauche le ravin, où Cambrone répondit non pas : la garde meurt, —car dans notre rage de tout poétiser, nous lui avons prêté une phrase qu'il n'a jamais dite, — mais un seul mot, craché au visage du parlementaire, de moins bon goût peut-être, mais bien autrement soldatesque et énergique. Enfin en avant de toute cette ligne sur la grande route de Bruxelles, à l'endroit où le chemin forme une légère montée, on distingue le point extrême jusqu'où s'avança Napoléon, lorsque voyant déboucher par la forêt de Frichermont Blücher et ses Prussiens, si impatiemment attendus par Wellington, il s'écria: — Voilà enfin Grouchy, la bataille est à nous. — Ce fut son dernier cri d'espérance ; une heure après, celui de sauve qui peut lui répondait de tout côté.
Aujourd'hui la France commence à sentir que cette défaite était nécessaire à la liberté européenne ; mais elle n'en a pas moins conservé au fond du cœur une douleur et une rage profonde d'avoir été marquée pour victime. Aussi, dans toute cette plaine où tant de Spartiates tombèrent pour elle, on cherche vainement un tombeau ou une inscription : c'est qu'un jour, Dieu lui ordonnera de se remettre à l'œuvre de la délivrance universelle, commencée par Bonaparte et interrompue par Napoléon.
Adieu, mon cher ami, je vous souhaite pour 1840 une belle bataille à faire pour le musée de Versailles.
                                                                                    ALEX. DUMAS.

     

 

 

 

 

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