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Au
moment où nous terminions l'impression de ces remarques,
nous avons recueilli les détails suivants :
Bonaparte, après la bataille de Ligny, voulant porter son
armée contre les Anglais, arriva à la ferme du Caillou,
et y établit son quartier-général le 17 juin,
vers neuf heures du soir. La pluie tombait par torrents. La ferme
avait été abandonnée par le fermier, nommé
Boucqueau, vieillard octogénaire, qui s'était retiré
à Plancenois. Elle est posée sur la grand’route de
Charleroi à Bruxelles. Sa distance du château de Gommont
et de la Haie-Sainte est d'une demi-lieue, et d'un quart de lieue
de Plancenois et de la Belle-Alliance. On servit un souper à
la hâte, employant en partie ce qui restait de la vaisselle
du fermier. Bonaparte coucha dans la première chambre de
la maison. On lui monta, au milieu de cette chambre, un lit garni
d'une étoffe de soie bleue à crépines d'or.
Son frère Jérôme, le duc de Bassano et plusieurs
généraux logèrent dans d'autres chambres. Tous
les bâtiments, jardins, prairies et enclos adjacents étaient
remplis de militaires et de chevaux. Le 18, dès le matin,
différentes visites et conférences eurent lieu. Vers
neuf heures, on servit à Bonaparte un déjeûner-dîner
dans sa propre vaisselle. Avant son départ, pour se porter
en avant, il ordonna qu'on rappelât le fermier. Celui-ci,
qui est propriétaire de sa ferme, trouva à son arrivée
presque tous ses effets brisés ou pillés. Il demanda
à parler à Napoléon qui, à peu de distance,
reconnaissait l'armée ennemie. Après bien des instances,
on lui promit de l'approcher. Il le trouva entouré de son
état-major, le corps couvert d'un frac gris, et la tête
d'un chapeau à deux cornes. Napoléon lui demanda pourquoi
il s'était retiré, d'où il venait, si le village
de Plancenois était éloigné; il le plaignit
avec une apparence d'intérêt, et finit par ordonner
qu'on lui donnât une sauvegarde, qui ne lui servit de rien.
(...)
Bonaparte retourna
dans cette maison un moment pendant la bataille. Après qu'il
l'eut perdue, cherchant à éviter l'encombrement de
la grand'route, il se jeta dans le verger vis-à-vis ladite
ferme, pour prendre le devant sur la masse des fuyards. Une partie
de ceux-ci, poursuivie de près, chercha son salut dans les
bâtiments mêmes de la ferme. On y mit le feu, qui en
réduisit plusieurs en cendres. Ces renseignements viennent
du fermier même. |
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