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Vosgien, Dictionnaire
géographique portatif, Paris 1789 :
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Tibet,
Royaume de la grande Tartarie, qui fait partie du Tangut, voyez
ce mot.
Tangut,
Tangutum, Royaume d’Asie, dans la Tartarie chinoise, borné
E. par la Chine, S. par le Royaume d’Ava, O. par les Etats diu Mogol
; et N. par les Etats du grand Cham des Calmoucks. Il est divisé
en deux parties, dont la méridionale est le Tangut propre,
et l’autre le Tibet. C’est le patrimoine du Dalay-Lama, souverain
pontife des Tartares. Ce pontife est regardé comme un Dieu,
qui sait tout, qui voit tout, et connaît le fond des cœurs,
sans faire aucune question. On vient de toutes les Indes lui offrir
des hommages et des adorations. Il reçoit toutes ces humiliations
de dessus un autel posé au plus haut étage de la plus
belles des Pagodes de la montagne de Poutala. Il ne rend le salut
à personne, pas même aux princes. Il se contente de
leur mettre la main sur la tête ; après quoi ils croient
avoir obtenu la rémission de leurs péchés.
Quand ce pontife vient à mourir, ils sont persuadés
qu’il renaît dans un autre corps, qu’il ne s’agit que de chercher
en quel lieu il a bien voulu prendre une nouvelle naissance, et
qu’il ne manque pas de se faire connaître. Lat. 30-38. (1789)
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Boiste,
Dictionnaire de Géographie Universelle, 1806 : |
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Thibet,
vaste contrée d’Asie, à l’O. de la Tartarie
chinoise ; au S. de la Tartarie russe ; et séparé du
Boutan par une chaîne de montagnes inaccessibles et couvertes
de neige, entre les 27 e et 28e degrés de latitude : borné
au S. par le Napoul et le royaume d’Asam, à l’O. par le Turkestan,
etc. ; froid très vif ; les rochers les plus élevés
y sont fendus, et furent jadis, selon les habitants, couverts par
les eaux ; Thibétains moins forts, moins industrieux, moins
bons cultivateurs que les Boutaniens ; grand nombre de troupeaux,
beaucoup de laine, et des peaux d’agneau préparées,
principale richesse ; sous l’influence de l’empereur de la Chine,
et l’autorité médiate du Dalaï-Lama, pontife des
Tartares, adoré de toutes les Indes ; réputé
immortel, renouvelé par substitution secrète ; sont
hospitaliers ; exposent à l’air les morts, pour en faire la
proie des vautours, des corbeaux, etc. ; cultivent froment, orge et
pois : préfèrent la viande de mouton : la font geler
pour la conserver ; maisons en forme de fours à briques ; imprimerie
connue depuis longtemps ; animaux rares et précieux ; taureaux
couverts de longs poils et à jambes courtes ; on fait avec
sa queue les chasse-mouches dans l’Indostan ; daims à musc
de taille ordinaire ; chèvres précieuses à poil,
dont on fait les schâls de Cachemire, les plus fins ; mines
d’or, plomb, cinabre et cuivre ; fournit musc, poil de chèvre,
sel gemme, talc ; borax brut ; porte à la Chine poudre d’or,
diamants, perles, corail, peu de musc, draps du pays, peaux de loutres
du Bengale ; en reçoit tabac, mercure, cinabre, porcelaine
; satins, brocarts d’or et d’argent, trompettes, cymbales et autres
instruments de musique, fruits secs de différentes espèces,
fourrures de martre zibeline, d’hermine et de renard noir ; envoie
au Napoul poudre d’or, tinchal, sel gemme ; reçoit riz, cuivre,
monnaie d’aregnt, grosses toiles de coton et autres ; fournit au Bengale
poudre d’or, musc et tinchal ; en reçoit draps, tabatières,
merceries, épiceries, clous de girofle, muscades, bois de sandal,
perles, émeraudes, etc. ; corail, jais, ambre, gros coquillages
pour des instruments de musique, toiles de coton, cuirs de Rungpore,
tabac, indigo, peaux de loutre ; tire de Kumbak chevaux, dromadaires,
marroquins à gros grain ; n’a point de commerce avec Asam,
limitrophe du royaume ; des nations du Nord de l’Indostan et les Birmans
ont fait des incursions dans le Thibet. |
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Le
Publiciste, 29 nivôse an 9 -19 janvier 1801 : |
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Littérature
: Ambassade au Thibet et au Boutan, contenant
des détails très curieux sur les mœurs, la religion, les productions
et le commerce du Thibet, du Boutan et des États voisins ; une notice
sur les événements qui s’y sont passés jusqu’en 1793 ; par M. Samuel
Turner, chargé de cette ambassade ; traduit de l’anglais avec des
notes par J. Castera ; 2 vol. in-8° de 780 pages, imprimés sur papier
fin et caractères de cicéro neuf ; 1 vol in-4° contenant 15 planches,
vues, monuments, hiéroglyphes, animaux, carte géographique, etc.
dessinées sur les lieux et gravées en taille-douce par Tardieu l’aîné.
Prix 12 fr.(...) Chez Buisson.
Cet
ouvrage est également curieux et instructif. L’ambassade qui en
fait le sujet est une nouvelle preuve de l’infatigable activité
des Anglais pour étendre leurs relations commerciales. Si cette
activité est utile à leur puissance et à leur prospérité, elle est
utile aussi aux progrès des lumières ; car nous lui devons des connaissances
nouvelles sur la géographie, les mœurs, les gouvernements, les antiquités
des pays les plus importants de l’Asie. L’ouvrage que nous annonçons
nous fait connaître avec plus de précision le Thibet, dont beaucoup
de voyageurs ont parlé, mais sur lequel on n’avait guère que des
idées vagues ou fausses, et le Boutan sur lequel on avait des notions
plus imparfaites encore. On y trouve aussi des détails intéressants
sur le gouvernement théocratique des Lamas, ces prêtres souverains
qui gouvernent une partie de l’Asie.
L’ambassade
anglaise au Thibet fait une suite naturelle aux deux relations de
l’ambassade de Macartney à la Chine, et de l’ambassade au royaume
d’Ava, qui a paru il y a quelque temps. Nous devons au citoyen Castera
la traduction de ces trois estimables ouvrages imprimés chez Buisson.
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Journal
de Paris, 16 pluviôse an 9 (5 février 1801) :
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Ambassade
au Thibet et au Boutan, contenant des détails très curieux
sur les mœurs, la religion, les productions et le commerce du Thibet,
du Boutan et des États voisins ; et une notice sur les événements
qui s’y sont passés jusqu’en 1793 ; par M. Samuel Turner, chargé
de cette ambassade ; traduit de l’Anglais avec des notes, par J.
Castéra. (2 vol. in-8°)
Le
Boutan et le Thibet tiennent, d’une part au Bengale ; et de l’autre,
par la Tartarie, aux frontières de la Chine. Depuis longtemps, les
Anglais désiraient de pénétrer dans ce pays, soit pour en pomper
les richesses que fournissent les mines d’or dont il abonde, soit
pour aller de là, par terre, dans la Chine, dont l’entrée, par mer,
est interdite aux étrangers. Tel fut l’objet de l’ambassade dont
M. Hastings, gouverneur général du Bengale, chargea M. Turner.
(...)
Quoique
situé près du tropique, le Thibet est très froid. Cette température
est due à ses hautes montagnes, qui sont couvertes de neige jusqu’en
juillet. L’air y est extrêmement sec ; ce qui fait que le bois ne
s’y pourrit point, et que la viande que l’on fait geler en hiver,
se conserve toute l’année sans se corrompre. Cette viande gelée,
ainsi que la chair crue, forment, avec le riz grillé, la nourriture
des habitants. La sécheresse de l’air est quelquefois si grande
qu’elle fend la terre ; alors, on découvre dans les fentes de l’or
en abondance. Ordinairement, ce métal se présente en poudre dans
les ruisseaux et les rivières ; le plus souvent on en voit attaché
à de petits morceaux de pierres, et quelquefois on le trouve en
gros blocs. Cette poudre d’or ne donne que 12 pour 100 de rebut.
La
population se divise en deux classes, celle qui travaille et qui
multiplie l’espèce, celle qui prie et qui garde le célibat. Celle-ci
occupe exclusivement tous les emplois : aussi est-elle très nombreuse.
Chaque famille qui a plus de quatre enfants mâles, est obligée de
lui en fournir un, indépendamment de ceux que l’ambition ou la piété
engagent à y entrer. Les individus qui composent cette seconde classe,
portent le nom de Gylongs.
On en compte des milliers, divisés par ordres, et formant une
hiérarchie ecclésiastique, dont le Grand-Lama est le chef suprême,
comme le pape l’est du clergé catholique. Tous font vœu de pauvreté,
de chasteté, d’humilité, et le gardent, dit-on, mieux que les moines
chrétiens. Les soins
qu’entraîne parmi nous le gouvernement civil et politique, sont
peu de chose dans un pays sans commerce et sans aucun rapport avec
les étrangers, et dont la rare population est aussi disséminée dans
les campagnes. Aussi l’unique occupation des Gylongs et des Lamas
est-elle de vaquer à une prière continuelle. Ils font, trois fois
le jour, retentir les temples de leurs chants et de leurs instruments
de musique. La cour des Lamas est un véritable monastère, où l’on
ne s’occupe que des choses du ciel, et fort peu de celles de la
terre. Les femmes n’y sont jamais admises ; aussi, le séjour en
est-il un peu triste pour des Européens. L’auteur en fait l’aveu.
Les enfants sont admis dans la classe des Gylongs, à l’âge de 10
ans. Ils reçoivent une éducation soignée, et sont instruits dans
toutes les connaissances que ces prêtres cultivent. On trouve dans
tous ceux qui sont en place de l’esprit, des lumières, les formes
les plus agréables, les attentions les plus délicates, et ce ton
d’urbanité qui distingue les personnes polies. Les principes de
la religion sont la douceur, l’humanité, la bienveillance. Le peuple
et les Gylongs la mettent en pratique ; ce sont les plus doux des
hommes.
Le
Grand-Lama est le représentant de la Divinité. Il ne meurt jamais
; ou, s’il lui plaît de quitter sa dépouille mortelle, il passe
sur-le-champ dans une autre. A l’époque où l’ambassadeur anglais
arriva au Thibet, le Grand-Lama venait de mourir à la Chine, où
l’empereur l’avait prié de se rendre. On découvrit bientôt qu’il
s’était réincarné dans un enfant de 18 mois. L’identité fut constatée
par les Gylongs, et l’inauguration du jeune Grand-Lama fut faite
avec la plus grande pompe. L’ambassadeur sollicita vivement, et
il obtint avec bien de la peine, le privilège signalé d’offrir ses
hommages à l’Enfant-Dieu. Il lui dit : “qu’en apprenant la nouvelle
de sa mort en Chine, le gouverneur général du Bengale avait été
accablé de chagrin, et qu’il avait continué à le regretter, jusqu’au
moment où le nuage qui obscurcissait la nation tibétaine avait été
dissipé par son retour ; qu’alors le gouverneur général avait ressenti
bien plus de joie qu’il n’avait auparavant éprouvé de tristesse,
qu’il désirait qu’il pût longtemps éclairer le monde par sa présence,
et qu’il espérait que l’amitié, qui avait autrefois subsisté entr’eux,
loin de diminuer, s’accroîtrait encore, etc.” L’enfant Lama, déjà
formé à la représentation, et répondant, sans doute, aux intentions
de son prédécesseur, réincarné en lui, daigna fixer l’ambassadeur
d’un air grave, accepter ses présents, et lui donner du sucre de
sa coupe d’or. Mais cette faveur a coûté cher aux Anglais. L’empereur
de la Chine, qui connaît leur ambition, et qui jouit d’une grande
autorité au Thibet, avait défendu d’admettre leur ambassadeur à
l’audience du jeune Lama : la violation de cette défense a amené
les événements qui les ont fait expulser de ce pays.
Le
mariage est peu en honneur au Thibet ; les chefs du gouvernement,
les officiers de l’état, et tous ceux qui aspirent à le devenir,
regardent comme au-dessous de leur dignité et de leurs devoirs,
le soin d’avoir des enfants. Le mariage est même pour le peuple
un fardeau gênant et honteux, que tous les mâles d’une famille cherchent
à rendre plus léger en le partageant entre eux. Aussi une femme
y épouse-t-elle plusieurs maris, et il n’est pas rare d’en voir
une seule associer sa fortune et sa destinée à tous les frères d’une
famille, quel que soient leur nombre et leur âge. On conçoit que
plusieurs d’entre elles doivent se vouer au célibat ; elles se retirent
dans des couvents, où elles vaquent aux mêmes exercices que les
Gylongs.
On
distingue au Thibet trois sortes de funérailles. Les corps des Lamas
sont embaumés et conservés dans des châsses de métal précieux ;
ceux des Gylongs sont brûlés, et leurs cendres déposées dans des
idoles creuses, que l’on expose à la vénération des fidèles ; ceux
du peuple sont laissés en plein champ, et dévorés par les chiens
et les oiseaux de proie.
Nous
le répétons, il est peu de relations qui excitent autant d’intérêt
que celle-ci. On aime avec l’auteur à fixer son attention sur cette
religion des Lamas, dont la douceur et la charité forment le caractère,
dont les lois sont révérées depuis les frontières du royaume de
Cachemire jusqu’aux extrémités de la Chine, dont la pratique adoucit
les mœurs de ces hordes errantes de Tartares, disséminées dans les
vastes contrées de la Haute-Asie ; et l’on se convainc, avec le
traducteur, que cette religion est plus politique, qu’elle n’a semblé
ridicule à quelques écrivains célèbres, qui en ont parlé sans savoir
ce qu’elle était.
Cette
traduction offre le mérite si rare aujourd’hui d’un style net et
précis, élégant et pur. Elle ajoute un nouveau titre à la réputation
que le citoyen Castéra s’est justement acquise dans ce genre d’écriture.
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