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  Waterloo battle 1815

 

 

 

 

 

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Réfutation par Jacques Logie

     

  Paru dans le Bulletin de la Société belge d'Etudes napoléoniennes, n° 36 (2001) :    
 

A propos d'une explication nouvelle de la défaite de Waterloo

  par Jacques Logie, auteur de "Waterloo, l'évitable défaite".

Dans le n° 10 de la revue La Patience (juin 1999), Bernard Coppens qui en est l'animateur et l'éditeur responsable, présente une thèse originale pour expliquer la défaite de Napoléon à Waterloo.

Selon lui, c'est à Sainte-Hélène que l'Empereur aurait découvert ses erreurs dans la conduite de la bataille : “ Napoléon s'était planté, il était tombé dans le panneau, il avait commis une faute qu'un élève officier n'aurait pas dû commettre ”. Il aurait mal lu les cartes à sa disposition, d'où son ignorance de l'existence d'une ferme-château derrière le bois de Goumont et sa conviction que l'armée anglaise était établie au hameau de Mont-Saint-Jean.

     
 

Cette explication très personnelle mérite d'être soumise à la critique historique.

     
 

Tout d'abord Bernard Coppens entend prouver que tous les écrits de Sainte-Hélène n'eurent d'autre but que de cacher ces erreurs en attribuant la défaite aux fautes des lieutenants de l'Empereur.

     
 

Ensuite, il s'attache à justifier sa théorie à partir de quelques textes, comme le Bulletin de l'armée du 21 juin 1815 et le discours de Drouot à la Chambre des Pairs le 23 juin.

     
 

1.   Le problème du Goumont

Bernard Coppens s'interrogeant sur les motifs de l'échec des troupes de Jérôme devant le Goumont, trouve une réponse simple : si le Goumont n'a pas été bombardé et détruit par l'artillerie, c'est que Napoléon ignorait son existence.  A l'appui de son raisonnement, il relève que le Goumont n'était pas visible de la Belle Alliance, que le Bulletin de l'armée ne parle que du bois du Goumont, qu'il en est de même de la relation de Jérôme Bonaparte et de celle du général Foy.

Ces éléments ne suffisent pas pour emporter la conviction.

     
 

Tout d'abord, la relation de Reille montre que l'intention de Napoléon n'était pas de s'emparer du château de Goumont, mais bien “ ... de se tenir dans le fond, derrière le bois, en entretenant en avant, une bonne ligne de tirailleurs ”(1).  Dans ce cas, peu importait la présence ou non du château-ferme derrière le bois.

     
 

D'ailleurs, les deux cartes auxquelles se réfère Bernard Coppens montrent l'existence du bois, mais signalent également la présence de bâtiments par un idéogramme conventionnel.

Au surplus, dès l'échec de la première attaque menée par la brigade Baudouin, le commandement français avait constaté de visu, l'existence des bâtiments au-delà du bois, ce qui amena leur bombardement, certes tardif, et leur destruction presque complète.

 

2.    Le problème de Mont-Saint-Jean

La thèse de l'auteur tient en quelques mots : “ Napoléon a cru que les Anglais étaient à Mont-St-Jean retranchés dans un village alors qu'en réalité ils étaient en rase campagne, abrités et dérobés à la vue par la crête du terrain... ”.

Cette erreur d'appréciation aurait entraîné la formation vicieuse des troupes du 1er corps : “... les colonnes de d’Erlon croient monter à l'assaut d'un village et se préparent à un corps à corps.  Elles ne s'attendent pas à être surprises par la cavalerie, elles sont formées en colonnes massives et c'est le désastre... ” .

Comment l'auteur établit-il ce qu'il croit être une grossière erreur de lecture des cartes par l'Empereur ?

Les cartes montrent que la route de Bruxelles passait derrière la ferme de Mont-Saint-Jean, à l'est de celle-ci, alors qu'en réalité, elle passait devant les bâtiments à l'ouest et Bernard Coppens en déduit que : “ Cette erreur explique le fait que Foy, et Napoléon ont pris la ferme de la Haie-Sainte pour celle de Mont-Saint-Jean ”. Cette affirmation relève de la pétition de principe.

Pareille erreur est d'autant plus improbable que l'Empereur avait à sa disposition, le guide Decoster chargé de répondre à ses interrogations quant à la configuration du terrain.

L'état major français ne pouvait non plus se méprendre sur le dispositif de Wellington : un rideau de troupes couronnait les crêtes, en appui de l'artillerie placée en avant de la ligne.  Les colonnes de d'Erlon avaient pour mission d'enfoncer la position anglaise en marchant vers le hameau de Mont-Saint-Jean, mais leur objectif premier n'était pas la prise de celui-ci dérobé à leur vue.

Bernard Coppens tire aussi argument des termes du Bulletin de l'armée : “ Une brigade de la 1ère division du comte d’Erlon s'empara du village de Mont-Saint-Jean ” et du discours de Drouot devant la Chambre des Pairs, pour en déduire que Napoléon a confondu la ferme de Mont-Saint-Jean avec la ferme de la Haie-Sainte.

Ce texte et cette déclaration doivent être replacées dans leur cadre : la confusion des esprits quant aux circonstances et aux péripéties des combats et la volonté de présenter sous un jour acceptable, la cuisante défaite du 18 juin.  En fait, les troupes françaises ne réussirent à s'emparer de la Haie-Sainte que vers six heures du soir et non au moment de la grande attaque du 1er corps.  A fortiori, les troupes françaises n'ont pu s'emparer à ce moment, du hameau de Mont-Saint-Jean, bien en arrière de la ligne britannique.

Bernard Coppens utilise également de manière curieuse le témoignage du général Foy qui, dans une lettre du 23 juin, relatait : “ L'Empereur s'est placé d'abord sur un pic peu élevé derrière la Belle Alliance... après la charge de la cavalerie française, il s'est porté à la Haie-Sainte... ”.

Relevant que l'Empereur s'était tenu à Rossomme au début de la bataille et non à l'arrière de la Belle Alliance, l'auteur en conclut que “ Foy dit Belle Alliance pour Rossomme et la Haie-Sainte pour la Belle Alliance.  Il a donc dû, par suite logique, prendre la Haie.Sainte pour la ferme de Mont-Saint-Jean et le carrefour de la route et du chemin creux pour le hameau de Mont-Saint-Jean”. Mais pourquoi en déduire que “ Napoléon a fait la même erreur et Drouot aussi, et Gourgaud.  Et probalement aussi toute l'armée française ” ?

Si Foy se trompe, rien ne permet d'en inférer que Napoléon et toute l'armée française aient fait de même.

Les arguments de Bernard Coppens ne justifient donc en aucune manière ses affirmations péremptoires : “ Il semble donc évident que Napoléon a pris la ferme de la Haie-Sainte pour celle de Mont-Saint-Jean et le carrefour de la route de Bruxelles avec le chemin creux, pour le village de Mont-Saint-Jean où est l'intersection des routes ”. Même si Napoléon a commis des erreurs à Waterloo, il était encore capable de lire correctement une carte et malgré les affirmations de l'auteur, on voit mal les conséquences que ces confusions, à supposer qu'elles aient existé, auraient pu avoir sur le déroulement de la bataille.

 

Les “ découvertes ” de Bernard Coppens ne méritent donc guère de crédit même si sa bonne foi n'est pas en cause.  Mais s'agit-il vraiment de découvertes ou bien l'auteur s'est-il inspiré d'un ouvrage anonyme : “ The battle of Waterloo... by a near observer ”, publié à Londres chez John Booth en 1816, dont il cite deux passages qui coïncident exactement avec la thèse qu'il soutient (5) ?

 

                                                                                    Jacques Logie

     

Notes

   
 

1. Relation de Reille citée par H. Houssaye, 1815-Waterloo, Paris, 1903, p. 329, note 3.
(Retour au texte.)

     
 


2. Il s'agit de la carte chorégraphique de Ferraris et de celle de Capitaine et Chanlaire en usage dans l'armée française en 1815.

     
 


3. Nous ne reviendrons pas sur le fait que pareille formation ait été ordonnée par Napoléon lui-même à diverses reprises, comme le relève l'auteur, citant le témoignage du colonel Bugeaud (note 14).

     
 
4. Le témoignage de Foy doit être replacé dans son contexte quant aux déplacements de Napoléon à Waterloo, v. J. Logie, “ Napoléon à Waterloo ”, Revue belge d’Histoire militaire, XXI, 6, 1976, pp. 583-594.
     
 
5. “ Il is said the ennemy were ignorant of the strength of the position, the garden wall being concealed by the wood and hedge ”, p. 3 et “ It is evident that here, as in other French accounts, Mont-St.-Jean is put for la Haye-Sainte”, p. 10.
(Retour au texte.)
     

 

 

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