D'ailleurs,
les deux cartes auxquelles se réfère Bernard Coppens montrent l'existence
du bois, mais signalent également la présence de bâtiments par un
idéogramme conventionnel.
Au surplus, dès l'échec de la première attaque menée par la brigade
Baudouin, le commandement français avait constaté de visu, l'existence
des bâtiments au-delà du bois, ce qui amena leur bombardement, certes
tardif, et leur destruction presque complète.
2.
Le problème de Mont-Saint-Jean
La thèse de l'auteur tient en quelques mots :
“ Napoléon a cru que les Anglais étaient à Mont-St-Jean retranchés
dans un village alors qu'en réalité ils étaient en rase campagne,
abrités et dérobés à la vue par la
crête du terrain... ”.
Cette erreur d'appréciation aurait entraîné la formation vicieuse
des troupes du 1er corps : “...
les colonnes de d’Erlon croient monter à l'assaut d'un village et
se préparent à un corps à corps.
Elles ne s'attendent pas à être surprises par la cavalerie,
elles sont formées en colonnes massives et c'est le désastre...
” .
Comment l'auteur établit-il ce qu'il croit être une grossière erreur
de lecture des cartes par l'Empereur ?
Les cartes montrent que la route de Bruxelles passait derrière la
ferme de Mont-Saint-Jean, à l'est de celle-ci, alors qu'en réalité,
elle passait devant les bâtiments à l'ouest et Bernard Coppens en
déduit que : “ Cette erreur
explique le fait que Foy, et Napoléon ont pris la ferme de la Haie-Sainte
pour celle de Mont-Saint-Jean ”. Cette affirmation relève de
la pétition de principe.
Pareille erreur est d'autant plus improbable que l'Empereur avait
à sa disposition, le guide Decoster chargé de répondre à ses interrogations
quant à la configuration du terrain.
L'état major français ne pouvait non plus se méprendre sur le dispositif
de Wellington : un rideau de troupes couronnait les crêtes, en appui
de l'artillerie placée en avant de la ligne.
Les colonnes de d'Erlon avaient pour mission d'enfoncer la
position anglaise en marchant vers le hameau de Mont-Saint-Jean,
mais leur objectif premier n'était pas la prise de celui-ci dérobé
à leur vue.
Bernard Coppens tire aussi argument des termes du Bulletin de l'armée
: “ Une brigade de la 1ère division du comte d’Erlon s'empara du village de
Mont-Saint-Jean ”
et du discours de Drouot devant la Chambre des Pairs, pour en déduire
que Napoléon a confondu la ferme de Mont-Saint-Jean avec la ferme
de la Haie-Sainte.
Ce texte et cette déclaration doivent être replacées dans leur cadre
: la confusion des esprits quant aux circonstances et aux péripéties
des combats et la volonté de présenter sous un jour acceptable,
la cuisante défaite du 18 juin.
En fait, les troupes françaises ne réussirent à s'emparer
de la Haie-Sainte que vers six heures du soir et non au moment de
la grande attaque du 1er corps.
A fortiori, les troupes françaises n'ont pu s'emparer à ce
moment, du hameau de Mont-Saint-Jean, bien en arrière
de la ligne britannique.
Bernard Coppens utilise également de manière curieuse le témoignage
du général Foy qui, dans une lettre du 23 juin, relatait :
“ L'Empereur s'est placé d'abord sur un pic peu élevé derrière la
Belle Alliance... après
la charge de la cavalerie française, il s'est porté à la Haie-Sainte...
”.
Relevant que l'Empereur s'était tenu à Rossomme au début de la bataille
et non à l'arrière de la Belle Alliance, l'auteur en conclut que
“ Foy dit Belle Alliance
pour Rossomme et la Haie-Sainte pour la Belle Alliance.
Il a donc dû, par suite logique, prendre la Haie.Sainte pour
la ferme de Mont-Saint-Jean et le carrefour de la route et du chemin
creux pour le hameau de Mont-Saint-Jean”. Mais pourquoi en déduire
que “ Napoléon a fait la
même erreur et Drouot aussi, et Gourgaud.
Et probalement aussi toute l'armée française ” ?
Si Foy se trompe, rien ne permet d'en inférer que Napoléon et toute
l'armée française aient fait de même.
Les arguments de Bernard Coppens ne justifient donc en aucune manière
ses affirmations péremptoires : “
Il semble donc évident que Napoléon a pris la ferme de la Haie-Sainte
pour celle de Mont-Saint-Jean et le carrefour de la route de Bruxelles
avec le chemin creux, pour le village de Mont-Saint-Jean où est
l'intersection des routes ”. Même si Napoléon a commis des erreurs
à Waterloo, il était encore capable de lire correctement une carte
et malgré les affirmations de l'auteur, on voit mal les conséquences
que ces confusions, à supposer qu'elles aient existé, auraient pu
avoir sur le déroulement de la bataille.
Les “ découvertes ” de Bernard Coppens ne méritent donc guère de
crédit même si sa bonne foi n'est pas en cause.
Mais s'agit-il vraiment de découvertes ou bien l'auteur
s'est-il inspiré d'un ouvrage anonyme : “ The battle of Waterloo...
by a near observer ”, publié à Londres chez John Booth en 1816,
dont il cite deux passages qui coïncident exactement avec la thèse
qu'il soutient (5) ?
Jacques Logie
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