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Joseph Vernet, fils d'Antoine
Vernet (peintre lui-même), naquit à Avignon, en l'année
1714. Son père, dont nous ne connaissons aucun tableau, lui
donna les premières leçons de dessin et de perspective ;
puis, lorsqu'il vit les rapides progrès du jeune homme, il
l'envoya faire ce pèlerinage que tout bon peintre doit entreprendre
une fois au moins, le voyage de Rome. Joseph Vernet arriva dans
la capitale des arts à dix-huit ans. Riche de courage, d'enthousiasme,
de volonté, et pauvre d'argent, il entra à l'école
de Bernardin Fergioni ; mais comme il lui fallait à
la fois peindre pour vivre et pour étudier, il passait la
moitié de son temps à apprendre les secrets de l'art,
et l'autre moitié à appliquer ce qu'il en connaissait
déjà. Pendant tout le temps qu'il reçut les
leçons de Bernardin Fergioni, il vécut du revenu assez
maigre que lui rapportait la vente de quelques petits tableaux faits
loin de l'œil et des conseils de son maître. C'est à
cette circonstance que nous devons attribuer le grand nombre de
toiles signées de son nom. Toutefois cette première
manière, où il ne traitait que du paysage, est bien
loin des œuvres qui lui valurent la célébrité.
Comme tous les grands artistes, il douta longtemps, il s'essaya
dans plusieurs genres ; à mesure qu'il en abandonnait
un pour un autre, son exaltation éphémère faisait
place à un découragement passager ; il voulait
sa satisfaction personnelle avant tout : les éloges
des autres n'étaient rien pour lui. C'était cet applaudissement
intérieur, cette conscience de son mérite que seule
il ambitionnait, et il cherchait toujours sa route ; enfin
il la trouva. Un jour, fatigué de faire des arbres et des
palais, des plaines et des montagnes, éprouvant plus vivement
que jamais ce désespoir, heureusement fugitif, qui est comme
l'aurore de nouvelles et plus belles espérances, il s'enfuit
de Rome, et ce fut Dieu sans doute qui le mena au bord de la mer.
Là, l'aspect de cet élément, d'une magnificence
si variée, miroir du ciel, gouffre sans fond, image de l'infini,
si tranquille et si bruyant, beau jusque dans ses horreurs, aussi
sublime dans le calme que dans la tempête, l'aspect de cette
majesté immuable étonna l'esprit de Joseph Vernet,
fit battre son cœur, éveilla son génie. Sûr
désormais d'avoir un sujet aussi vaste qu'inépuisable,
il reprit le pinceau et commença cette série de tableaux
qui lui mérita bien vite le titre de premier peintre de marine.
De retour à Rome , il épousa mademoiselle Virginie
Parker, issue d'une famille distinguée de Londres. Quelque
temps après ce mariage, déjà célèbre
par plusieurs compositions applaudies, il obtint son premier honneur,
le plus doux toujours, sinon le plus glorieux, celui d'être
nommé membre de l'académie de Saint-Luc. De cette
époque date pour Joseph Vernet une vie nouvelle. Plus d'essais,
plus de découragement, plus de gêne ; il était
maître en son art, sûr de son génie, recherché
et choyé. Ce ne fut cependant qu'au bout de 22 ans d'absence
qu'il songea à retourner dans sa patrie. Fidèle à
son amour pour le genre qu'il avait adopté, curieux d'ailleurs
d'étudier plus profondément l'élément
qu'il peignait déjà si bien, il résolut de
revenir en France par mer. Durant cette traversée, on le
vit sans cesse le crayon à la main. Enfin, un jour, pendant
une tempête que le bâtiment essuyait, il se fit attacher
à un mât pour pouvoir étudier sur le pont du
navire, en face du danger, ce grand bouleversement, dont il devait
faire son chef-d'œuvre. En arrivant à Paris, sa réputation,
déjà grande, lui valut tout de suite les éloges
de ses compatriotes et les faveurs de la cour. Le roi Louis XV,
qui sut dignement l'apprécier, le chargea de peindre tous
les ports de France. Ce travail fut long. Joseph Vernet s'en tira
bien, et sut vaincre avec talent des sujets ingrats et monotones.
La collection de ces ports remplit toute une salle du musée
Charles X. Tous ces tableaux furent gravés et obtinrent un
grand succès à leur apparition. Ils sont tous exacts,
quelques-uns sont pittoresques, comme le port de St-Malo ;
d'autres pleins de grandeur, comme le port de Brest ; ceux-ci
remplis d'activité et de vie, comme Marseille et Bordeaux ;
ceux-là d'un aspect triste et sévère, comme
La Rochelle et Cherbourg. Malgré ces différents mérites,
nous préférons la Tempête, tableau
conçu avec audace, traité avec amour. Dans ce dernier
ouvrage, surtout, on reconnaît le grand peintre, à
la composition hardie, au coloris vigoureux. Ici Joseph Vernet est
poète autant que peintre, car il prête des sentiments
aux éléments, et l'on croit, en voyant son tableau,
à la rage des vents et à la colère de la mer.
- En 1752, Joseph Vernet fut reçu à l'Académie
de peinture ; en 1766, il en fut nommé conseiller ;
en 1788 enfin, il eut le bonheur d'y voir son fils Carle nommé
membre. Malheureusement il ne jouit pas longtemps du plaisir de
siéger à l'Académie auprès de son fils :
il mourut en 1789, à l'âge de soixante-quinze ans,
plein encore de vigueur, de santé et de talent, et à
l'instant d'exécuter un tableau avec Carle, dont le sujet
était le passage de la mer Rouge par les Hébreux.
Suite de l'article : voir Carle Vernet.
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