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Joseph Vernet   1714-1789

     

  Revue étrangère de la littérature, des sciences et des arts, Tome 30, juin 1839.    
 

Joseph Vernet, fils d'Antoine Vernet (peintre lui-même), naquit à Avignon, en l'année 1714. Son père, dont nous ne connaissons aucun tableau, lui donna les premières leçons de dessin et de perspective ; puis, lorsqu'il vit les rapides progrès du jeune homme, il l'envoya faire ce pèlerinage que tout bon peintre doit entreprendre une fois au moins, le voyage de Rome. Joseph Vernet arriva dans la capitale des arts à dix-huit ans. Riche de courage, d'enthousiasme, de volonté, et pauvre d'argent, il entra à l'école de Bernardin Fergioni ; mais comme il lui fallait à la fois peindre pour vivre et pour étudier, il passait la moitié de son temps à apprendre les secrets de l'art, et l'autre moitié à appliquer ce qu'il en connaissait déjà. Pendant tout le temps qu'il reçut les leçons de Bernardin Fergioni, il vécut du revenu assez maigre que lui rapportait la vente de quelques petits tableaux faits loin de l'œil et des conseils de son maître. C'est à cette circonstance que nous devons attribuer le grand nombre de toiles signées de son nom. Toutefois cette première manière, où il ne traitait que du paysage, est bien loin des œuvres qui lui valurent la célébrité. Comme tous les grands artistes, il douta longtemps, il s'essaya dans plusieurs genres ; à mesure qu'il en abandonnait un pour un autre, son exaltation éphémère faisait place à un découragement passager ; il voulait sa satisfaction personnelle avant tout : les éloges des autres n'étaient rien pour lui. C'était cet applaudissement intérieur, cette conscience de son mérite que seule il ambitionnait, et il cherchait toujours sa route ; enfin il la trouva. Un jour, fatigué de faire des arbres et des palais, des plaines et des montagnes, éprouvant plus vivement que jamais ce désespoir, heureusement fugitif, qui est comme l'aurore de nouvelles et plus belles espérances, il s'enfuit de Rome, et ce fut Dieu sans doute qui le mena au bord de la mer. Là, l'aspect de cet élément, d'une magnificence si variée, miroir du ciel, gouffre sans fond, image de l'infini, si tranquille et si bruyant, beau jusque dans ses horreurs, aussi sublime dans le calme que dans la tempête, l'aspect de cette majesté immuable étonna l'esprit de Joseph Vernet, fit battre son cœur, éveilla son génie. Sûr désormais d'avoir un sujet aussi vaste qu'inépuisable, il reprit le pinceau et commença cette série de tableaux qui lui mérita bien vite le titre de premier peintre de marine. De retour à Rome , il épousa mademoiselle Virginie Parker, issue d'une famille distinguée de Londres. Quelque temps après ce mariage, déjà célèbre par plusieurs compositions applaudies, il obtint son premier honneur, le plus doux toujours, sinon le plus glorieux, celui d'être nommé membre de l'académie de Saint-Luc. De cette époque date pour Joseph Vernet une vie nouvelle. Plus d'essais, plus de découragement, plus de gêne ; il était maître en son art, sûr de son génie, recherché et choyé. Ce ne fut cependant qu'au bout de 22 ans d'absence qu'il songea à retourner dans sa patrie. Fidèle à son amour pour le genre qu'il avait adopté, curieux d'ailleurs d'étudier plus profondément l'élément qu'il peignait déjà si bien, il résolut de revenir en France par mer. Durant cette traversée, on le vit sans cesse le crayon à la main. Enfin, un jour, pendant une tempête que le bâtiment essuyait, il se fit attacher à un mât pour pouvoir étudier sur le pont du navire, en face du danger, ce grand bouleversement, dont il devait faire son chef-d'œuvre. En arrivant à Paris, sa réputation, déjà grande, lui valut tout de suite les éloges de ses compatriotes et les faveurs de la cour. Le roi Louis XV, qui sut dignement l'apprécier, le chargea de peindre tous les ports de France. Ce travail fut long. Joseph Vernet s'en tira bien, et sut vaincre avec talent des sujets ingrats et monotones. La collection de ces ports remplit toute une salle du musée Charles X. Tous ces tableaux furent gravés et obtinrent un grand succès à leur apparition. Ils sont tous exacts, quelques-uns sont pittoresques, comme le port de St-Malo ; d'autres pleins de grandeur, comme le port de Brest ; ceux-ci remplis d'activité et de vie, comme Marseille et Bordeaux ; ceux-là d'un aspect triste et sévère, comme La Rochelle et Cherbourg. Malgré ces différents mérites, nous préférons la Tempête, tableau conçu avec audace, traité avec amour. Dans ce dernier ouvrage, surtout, on reconnaît le grand peintre, à la composition hardie, au coloris vigoureux. Ici Joseph Vernet est poète autant que peintre, car il prête des sentiments aux éléments, et l'on croit, en voyant son tableau, à la rage des vents et à la colère de la mer. - En 1752, Joseph Vernet fut reçu à l'Académie de peinture ; en 1766, il en fut nommé conseiller ; en 1788 enfin, il eut le bonheur d'y voir son fils Carle nommé membre. Malheureusement il ne jouit pas longtemps du plaisir de siéger à l'Académie auprès de son fils : il mourut en 1789, à l'âge de soixante-quinze ans, plein encore de vigueur, de santé et de talent, et à l'instant d'exécuter un tableau avec Carle, dont le sujet était le passage de la mer Rouge par les Hébreux.
Suite de l'article : voir Carle Vernet.

     

 

 

 

     
 

     

 

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