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Peu
après, il passa à l'armée du Rhin, comme adjoint
de l'adjudant-général Donzelot, et il y fit la campagne
pendant laquelle les lignes de Wissembourg furent reprises et Landau
fut débloqué. En 1794, il suivit, avec Donzelot, le
général Pichegru, lorsque ce dernier passa à
l'armée du Nord ; et fit, avec lui, la campagne d'été
en Belgique, et celle d'hiver en Hollande. Enfin, pendant les années
1792, 93, 94, passant toujours des armées qui cessaient d'agir
à celles qui devenaient actives, il fit six campagnes toutes
célèbres, savoir : trois d'été
et trois d'hiver. En 1795, l'adjudant-général Jouy
étant revenu de son émigration, le capitaine Thiébault
le rejoignit de nouveau comme adjoint, et servit avec lui à
l'armée de l'intérieur, où il se trouva à
l'affaire du 13 vendémiaire. Cet adjudant-général
ayant quitté le service , M. Thiébault devint adjoint
de l'adjudant-général Solignac, et se rendit avec
lui à l'armée d'Italie, où il fit les campagnes
de 1796 et 97. A la seconde bataille de Rivoli, il combattit de
la manière la plus active, et fut fait chef de bataillon
à la fin de cette campagne. En 1798, il servit à l'armée
de Rome, fut nommé, par le général en chef
Gouvion Saint-Cyr, chef de l'état-major de la seconde division,
et chargé de plusieurs expéditions, qu'un entier succès
couronna. A la réorganisation de l'armée de Rome,
par Championet, il devint chef d'état-major de la gauche
de cette armée, successivement commandée par Casabianca
et Duhesme, et il fit en cette qualité la campagne de 1799.
A la prise de Naples, dans le même mois de février,
après deux tentatives inutiles, il fut chargé de la
troisième attaque ; et à la tête du septième
régiment de chasseurs à cheval, et des soixante-quatrième
et soixante-treizième de ligne, il prit, à la chute
du jour, onze pièces de canon, et s'empara de tout le faubourg
de Capoue, brûlé pendant ce combat, pour mettre fin
à la fusillade qui partait des croisées de tontes
les maisons. Les ordres du général Duhesme lui firent
évacuer Naples pendant la nuit. Le 2 au matin, il reprit
le faubourg de Capoue, à la tête d'un bataillon, et
enleva huit pièces de canon. Ayant ainsi commandé
pendant cinquante-quatre heures de feu, jusqu'à six régiments,
il fut nommé adjudant-général sur le champ
de bataille. Il fit ensuite la campagne de la Pouille, et lorsque
l'armée française quitta cette contrée pour
revenir dans la haute Italie, la ville d'Isola refusa le passage
au général Olivier qui avait remplacé le général
Duhesme. Une canonnade de plusieurs heures commença l'action,
que termina l'attaque de vive-force exécutée par l'adjudant-général
Thiébault à la tête des grenadiers de la division,
en passant sous un feu meurtrier le pont du Garigliano, sur l'une
des arches duquel il ne restait qu'une poutrelle. Le passage de
ce pont coûta soixante grenadiers. Il rejoignit ensuite à
Gênes la général Masséna, auquel il fut
spécialement attaché. Bientôt cette place fut
bloquée. Le 20 germinal, vers la fin de ce long et terrible
combat livré en avant de Varagio, par douze cents Français
contre quatorze mille Autrichiens le général Masséna
lui dit ce mot connu : La mort, Thiébault, n'a donc pas voulu
de nous! Le 10 floréal an VIII, il fut nommé général
de brigade sur le champ de bataille, pour avoir enlevé le
fort de Guezzy , après douze heures d'un combat inégal
et très acharné. En 1800, il fut nommé à
un commandement dans le corps d'observation de la Gironde, destiné
à servir d'auxiliaire aux Espagnols, pour l'attaque du Portugal.
En 1802 et 3 , il commanda le département d'Indre et Loire,
et en 1804, le département de Seine-et-Oise. Le 4 juin 1804,
il fut nommé commandant de la Légion d'honneur, dont
il était membre depuis la fin de 1803. En 1805 , il fut employé
à la grande armée, fit la campagne d'Autriche ;
se trouva à la prise de Memmingen, à l'investissement
d'Ulm, et à Austerlitz. Au début de cette bataille,
il s'empara, à la baïonnette, du village de Pratten ;
et bientôt après commença, pour sa brigade,
cette lutte pendant laquelle trois mille cinq cents Français
résistèrent, durant sept heures, aux efforts de vingt
mille Autrichiens et Russes, les repoussèrent sur tous les
points, et, en gardant les hauteurs, coupèrent en deux l'armée
des alliés, et l'empêchèrent de former sa ligne
de bataille. Vers le soir, le général Thiébault,
après avoir enlevé le château de Sackolnitz,
voulut s'emparer, à la tête de cent vingt hommes, des
six dernières pièces de canon que les Russes avaient
de ce côté. Les pièces furent prises ;
mais le général Thiébault fut frappé
par une balle de mitraille qui lui brisa le bras droit et l'épaule,
blessure affreuse et dont la guérison fut regardée
comme un phénomène en chirurgie. Le général
Thiébault avait perdu à cette bataille son aide de
camp et ses deux officiers d’ordonnance ; il avait eu deux
chevaux tués sous lui. Pendant la campagne de Iéna,
ses blessures étant encore ouvertes, il fut nommé
gouverneur du pays de Fulde. Il y avait à peine un mois qu'il
était dans cette ville, lorsque l'insurrection de la Hesse
l'entoura de trente mille insurgés ; ses forces consistaient
en treize gendarmes ; mais il s'était fait aimer, et,
en dix jours, il eut un corps de trois mille Fuldois organisés,
armés et prêts à combattre ; de sorte qu'à
l'arrivée d'un renfort que le maréchal Kellermann
lui envoya de Maïence, il n'avait plus besoin de secours. Rappelé
à la grande armée, il reçut du pays de Fulde,
en reconnaissance, une belle épée d'or. A la paix
de Tilsitt, il fut nommé chef d'état-major-général
du premier corps d'observation de la Gironde, devenu armée
de Portugal, et fit avec lui cette expédition si terrible
par les souffrances qui marquèrent la marche de l'armée
de Salamanque à Lisbonne (voy. Junot dans la Biographie universelle
). Débarqué à Quiberon, après la capitulation,
avec les trois quarts des troupes, il régla leur mouvement
sur Baïonne. Le 17 novembre 1808, il fut fait général
de division, et dans le mois de janvier 1809, il fut nommé
gouverneur des trois provinces de la Biscaye et de la Vieille-Castille.
L'état de ces provinces était horrible ; Burgos
était encombrée de troupes de passage, malades ;
une épidémie y exerçait ses fureurs ;
aucun service n'était possible ; un désert s'était
formé autour de cette malheureuse ville : en six semaines
tout fut rétabli ; et par les soins du général
Thiébault, un monument en l'honneur du Cid et de Chimène
s'éleva des débris de leur tombeau, détruit
par des pillards, à St.-Pierre de Cardegna. Au nombre des
combats que le général Thiébault livra dans
la Vieille-Castille, on doit citer celui dans lequel, avec cinquante-cinq
chasseurs de Nassau, il attaqua, à la vue de tous les habitants,
700 hommes de cavalerie espagnole, en bataille devant Logrogno,
les mit en déroute, et les poursuivit pendant 3 lieues. Il
fit construire, à Burgos, ce fort dans lequel, en 1812, le
général Dubreton fit une si belle défense,
et fut le premier qui, en Espagne, fit retrancher les lieux d'étape,
et les villes qu'il était le plus important d'occuper. En
1810, il fut nommé chef d'état-major du 9e corps,
destiné à renforcer l'armée du maréchal
Masséna, en Portugal. Cette opération ne s'étant
faite qu'en partie, il quitta le 9e corps, et fut nommé gouverneur
des provinces de Salamanque, Toro, Zamora, Ciudad-Rodrigo et Almeida.
Le 31 juin 1811, il fut créé baron. Joignant à
une administration sage et régulière, une grande modération
, il conquit dans son nouveau gouvernement l'estime de tous les
habitants, et laissa à Salamanque deux monuments : le
premier est une place publique qui mit en regard le palais épiscopal
et la cathédrale, et à laquelle son nom fut donné ;
le second fut un rapport général sur l'université,
seul ouvrage qui contienne l'histoire de cette école, aussi
ancienne que célèbre. Ce travail valut à son
auteur d'être nommé docteur de cette université.
Les efforts du baron Thiébault pour épargner des charges
au pays, ou pour les diminuer, la justice qu'il rendit à
tous, pendant 15 mois que dura son administration, au milieu des
convulsions d'une guerre nationale, et sans y avoir fait périr
un homme, firent de son départ un sujet de consternation
et de larmes. Un plan d'opérations médité dans
le secret, et qui fut exécuté par neuf colonnes de
cavalerie et quinze colonnes d'infanterie, le mit à même
d'attaquer et de poursuivre les insurgés à l'improviste,
et sur tous les points à la fois : deux de leurs troupes
furent détruites, les autres perdirent 5 à 600 hommes,
1800 déposèrent les armes, et don Julien entra en
négociation pour se soumettre. Le retour de l'armée
de Portugal,qui eut lieu sur ces entrefaites, anéantit cet
important résultat, et rendit à la guerre nationale
une nouvelle énergie dans cette partie de l'Espagne. Lorsque
les armées du Portugal et du nord de l'Espagne se réunirent,
en octobre 1811, pour ravitailler Ciudad-Rodrigo, le baron Thiébault
ajouta à son gouvernement le commandement de la première
division de cette armée, et soutint à Aldea de Ponte
un combat dans lequel 3000 hommes d'infanterie et 1500 chevaux luttèrent
pendant trois heures contre l'arrière-garde du duc de Wellington,
qui était de 15000 hommes. En novembre 1811, il fut chargé
de conduire un nouveau convoi de Salamanque à Ciudad Rodrigo,
pendant que le général en chef de l'armée du
Nord se rendait avec toutes ses troupes de Valladolid à Pampelune.
Tous les risques et toutes les difficultés se rattachaient
à cette opération : des ruses, qui toutes réussirent,
des dispositions dont le succès fut complet, et une marche
d'une rapidité sans exemple, firent arriver le convoi en
entier, et revenir le dernier homme. Le baron Thiébault,
ayant quitté Salamanque, parce que ce territoire était
cédé à l'armée de Portugal, revint à
Vittoria, où il commanda par intérim l'armée
du Nord. En mars 1813, il passa à la grande armée ;
organisa à Wesel la 3e division, la conduisit à Bremen,
commanda un moment les provinces à la gauche de l'Elbe ;
passa de-là au commandement supérieur de Hambourg
, et fut nommé gouverneur de Lubeck, qu'il occupa avec sa
division, jusqu'après l'armistice. Il fit la campagne du
Mecklembourg, durant laquelle sa division livra le combat de Mastow,
le 21 août. Il revint à Lubeck , et rentra avec l'armée
à Hambourg, où il soutint le blocus. En 1814, il rentra
en France avec l'armée, et fut mis en non-activité.
Le 31 juillet, il fut nommé chevalier de Saint-Louis, et
le 19 mars 1815, chargé du commandement de Charenton :
il y était encore le 20 au soir, continuant ses dispositions
de défense, et il y resta jusqu'à l'arrivée
d'un officier supérieur de l'état-major, qui lui apporta
l'ordre de faire cesser les travaux, de renvoyer les troupes, et
de se retirer chez lui. Il chargea le général Rouget
de l'exécution des deux premiers ordres, et obéit
au dernier. Le 8 juillet suivant, et sans demande de sa part, il
reçut des lettres de service pour le camp de Montrouge, camp
qui n'eut jamais un homme présent, et ne donna lieu à
aucun service. Au départ de l'armée pour se rendre
derrière la Loire, il resta à Paris. Le 7 septembre
1815, il fut nommé commandant de la 18e division. Les témoignages
de satisfaction du ministre de la guerre, et les marques de bienveillance
qu'il a reçues à Dijon, prouvent qu'il y concilia
tout ce qui était possible, dans les circonstances délicates
où il se trouvait. A la fin de décembre 1815, il quitta
ce commandement, et resta depuis en non-activité, jusqu'au
27 mai 1818, où il fut nommé l'un des huit lieutenants-généraux
de l'état-major. Il préside en ce moment la commission
chargée de rédiger les programmes des cours de l'école
d'application de l'état-major, et le conseil chargé
d'examiner les lieutenants et sous-lieutenants qui désirent
faire partie de l'état-major de l'armée. Le général
Thiébault allie aux connaissances militaires le goût
des lettres, et mérite d'être placé au rang
de nos bons écrivains militaires. Ses ouvrages publiés
sont :
I. Manuel des Adjudants-Generaux et des Adjoints employés
dans les états-majors divisionnaires, in-8°., 1799.
II. Vues sur la réorganisation des Quartiers généraux,
et des états-majors, in-8°., 1810 ; ouvrage dans
lequel il provoqua une grande partie de l'organisation que le corps
royal vient de recevoir.
III. Journal des opérations du siège et du blocus
de Gênes; ouvrage, que, dans son traité de la
défense des places, Carnot a déclaré classique,
in-12, in-8°. et in-4°., 1800 , deux éditions;
IV. Recueil de Romances, gravées, mais non mises
en vente, in 4°., 1810.
V. Recueil de Pensées, in-12, 1811, non mis en vente
( ouvrage refait et extrêmement augmenté ).
VI. Rapport général et historique sur l'université
de Salamanque, traduit en espagnol, et imprimé en cette
langue à Salamanque, in-8°., 1811.
VII. Du Chant et de la Romance, in-8°., 1813, imprimé
sans nom d'auteur.
VIII. Manuel général du service des états-majors
généraux et divisionnaires dans les armées,
in-8°., 1813.
IX. Discours prononcé sur la tombe du maréchal
Masséna, prince d'Esling, 1817.
X. Relation de l'expédition du Portugal, en 1807 et 1808,
in-8°., 1818.
Le baron Thiébault a encore plusieurs ouvrages inédits,
tel qu'un roman dont le but est de prouver, contradictoirement à
Richardson et Laclos, que la raison et la vertu peuvent et doivent
triompher du vice. On lui attribue la Lettre d'un Officier français
à lord Wellington sur ses six dernières campagnes,
1815, 2°. édit.
F. |
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