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MARCHENA
(Joseph), littérateur espagnol, né vers 1770, à
Utrera en Andalousie, fit de bonnes études et se destina
à l'état ecclésiastique. Une supériorité
d'esprit assez remarquable, le désir d'acquérir de
nouvelles connaissances, lui firent rechercher avec avidité
les ouvrages philosophiques prohibés en Espagne. Il y puisa
des opinions contraires à la religion catholique, et se permit
de les manifester assez haut pour éveiller l'attention des
inquisiteurs. Des amis le prévinrent au moment même
où il devait être arrêté, et il eut à
peine le temps de se sauver en France. La Révolution venait
d'y éclater : il en embrassa les principes avec toute
la fougue de son âge et de son caractère, excitée
encore par la persécution à laquelle il venait d'échapper.
Après quelque séjour à Bayonne, Marchena se
rendit à Paris. Versé dans la connaissance des langues
et de la littérature ancienne, doué d'une mémoire
et d'une facilité prodigieuses, il déploya une capacité
qui le fit bien accueillir de plusieurs hommes influents. Il s'attacha
notamment à Brissot et au parti Girondin, ce qui le fit arrêter
à Bordeaux, après le 31 mai, et conduire à
Paris, où il fut emprisonné. Les écrits virulents
qu'il publia de sa prison, et ses réclamations énergiques
ne purent lui faire obtenir la palme de martyr de la liberté,
qu'il sollicita à plusieurs reprises : le 9 thermidor
ouvrit les portes de sa prison. C'est après cette époque
qu'il obtint une place dans les bureaux du Comité de salut
public, en même temps qu'il coopérait à la rédaction
de l'Ami des lois, journal du député Poultier ;
mais le parti thermidorien s'étant divisé en deux
sections, Marchena s'attacha à celle qui perdit sa prépondérance
en août 1795, parce qu'elle ne voulut pas rétrograder
dans les voies de réparation ; et il se vit privé
presque en même temps de sa place au Comité et de son
travail au journal. Il s'occupa alors à rédiger des
pamphlets politiques, dirigés principalement contre Tallien,
Legendre et Fréron, chefs du parti victorieux ; ceux-ci,
fatigués de ses attaques, le dénoncèrent à
l'époque du 13 vendémiaire (5 octobre 1795), comme
un des agitateurs des sections de Paris, et le firent proscrire
par suite de cette journée. Quoiqu'il appartînt au
parti républicain, il se récriait vivement contre
les injustices de l'époque, en même temps qu'il écrivait
contre les royalistes. Ce système déplut au Directoire
qui, après l'amnistie, voulut une seconde fois le proscrire
comme royaliste, en lui appliquant, en juin 1797, la loi du 21 floréal
contre les étrangers ; et en conséquence le fit
conduire de brigade en brigade hors des frontières. Marchena
adressa de la Suisse, une pétition au Conseil des Cinq-Cents
pour réclamer la continuation de la jouissance des droits
de citoyen français, qui ne lui étaient pas contestés
depuis cinq années. Le Corps Législatif, alors opposé
au Directoire, fit droit à sa réclamation, et il rentra
en France.
En 1801, Marchena fut attaché à l'administration de
l'armée du Rhin, comme secrétaire du général
en chef Moreau. Il y faisait l'amusement de l'état-major,
par sa manie de vouloir faire croire que les plus belles femmes
étaient éprises de lui, ce qui lui attira beaucoup
de lettres supposées, écrites par les aides de camp
du général. Ses prétentions en ce genre étaient
d'autant plus ridicules, qu'avec une taille de quatre pieds huit
pouces, l'ensemble de sa personne présentait l'image d'une
véritable caricature. Chargé de travailler sur la
statistique de diverses contrées de l'Allemagne, Marchena
se mit à étudier la langue allemande qu'il ne connaissait
pas, et parvint à l'apprendre en peu de jours. Il lut alors
les meilleurs ouvrages de statistique qui existent dans cette langue,
et composa de leurs extraits, et de ses propres observations, un
travail que les généraux, qui eurent occasion de le
consulter, trouvèrent bien fait et d'une grande utilité.
Revenu à Paris aussi pauvre qu'il en était sorti,
Marchena y continua de rester auprès de Moreau en qualité
de secrétaire, et témoigna beaucoup de fidélité
à ce gl à l'époque de ses malheurs.
Après son départ pour l'exil, Marchena vécut
dans l'obscurité jusqu'à l'époque de la première
invasion des Français en Espagne. On vint le chercher pour
l'employer comme journaliste et agent. Il partit avec l'armée ;
et après avoir erré quelque temps dans les camps,
le gouvernement de Joseph le nomma chef d'une division du ministère
de l'intérieur ; en même temps il rédigeait
un journal en faveur du nouveau système et faisait jouer
sur les théâtres de Madrid ses traductions espagnoles
du Tartufe et du Misanthrope, qui obtinrent un grand succès.
Rentré en France avec nos armées, Marchena s'établit
à Nîmes, où il publia un grand nombre de traductions
espagnoles d'ouvrages philosophiques français. Après
la révolution de 1820, il se hâta de rentrer en Espagne ;
mais son attachement au parti de Joseph le priva de la considération
qu’il aurait pu obtenir, et il mourut à Madrid, dans l'indigence,
au commencement de l'année 1821. C'était un homme
d'un esprit inquiet et flexible, naturellement généreux,
mais sans principes fixes et sans beaucoup de moralité.
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