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Paris,
7 octobre.
M. le comte Ganteaume, pair de France, vice-amiral, grand officier
de l'Ordre royal de la Légion-d'Honneur, et commandeur de
l'Ordre royal et militaire de Saint-Louis, est mort le 28 septembre
dans sa terre, à Aubagne, des suites d'une goutte remontée ;
il était âgé de 63 ans. Il a été
inhumé à Aubagne le 29 à deux heures après-midi.
Des troupes de marine de la garnison de Toulon, et celles de la
garnison de Marseille, lui ont rendu les honneurs funèbres
militaires. Tous les officiers supérieurs de la marine assistaient
au convoi, à la tête duquel étaient M. le lieutenant-général
baron de Damas, commandant la huitième division militaire.
M. le comte du Muy, pair de France ; M. le comte de Villeneuve,
préfet des Bouches-du-Rhône ; M.Hamelin, contre-amiral,
major-général de la marine ; M. le maréchal-de-camp
Husson ; M. de Taulignan, capitaine de vaisseau, et M. le marquis
de Seignelay, colonel de la légion des Bouches-du-Rhône,
tenaient les coins et les côtés du poêle.
M. le comte Ganteaume était très aimé à
Aubagne, et les larmes répandues à ses obsèques
par toute la population qui y assistait, ont présenté
l'éloge le plus sincère, comme le plus éloquent
des vertus du défunt.
On ne lira pas sans intérêt la notice suivante, qui
contient un précis de sa vie politique :
« Le comte Honoré Ganteaume, vice-amiral, né
à la Ciotat en 1759, se destina de bonne heure au service
de la marine, et débuta dans la guerre d'Amérique.
Nommé officier auxiliaire en 1778, il fut remarqué
par le comte d'Estaing au combat de la Grenade, servit ensuite sur
l'escadre du bailli de Suffren, dans l'Inde, et devint sous-lieutenant
de vaisseau en 1786. En 1791 et 1792, il commanda un vaisseau de
la compagnie des Indes, avec lequel il pénétra jusqu'à
Suez, par la mer Rouge, et fut fait prisonnier au commencement de
1793.
» Elevé au grade de capitaine de vaisseau, après
sa sortie des prisons d'Angleterre, et devenu chef de division en
1795, il fut chargé d'une expédition dans l'Archipel,
où il débloqua l'escadre française, retenue
dans le port de Smyrne, et revint à Toulon avec le navire
anglais la Némésis, dont les frégates la Sensible
et la Sardine s'étaient emparées.
» Au mois de juin 1797, il eut le commandement d'une escadre
destinée à observer les mouvements de l'ennemi, protéger
le cabotage, et faire le service d'avant-garde de l'armée
navale alors en rade. En 1798 , il accompagna Buonaparte en Égypte,
en qualité de chef de l'état-major de l'escadre, et
déploya beaucoup de talent et de sang-froid à la bataille
d'Aboukir, où il faillit perdre la vie par l'explosion du
vaisseau amiral sur lequel il se trouvait. Buonaparte demanda alors
pour lui , au Directoire, le grade de contre-amiral.
» Après la destruction de la flotte, Ganteaume fut
chargé de quelques expéditions sur la côte d’Égypte
et de Syrie ; et ce fut lui qui, en août 1799, reçut
ordre d'armer la frégate, l'aviso et la tartane qui ramenèrent
Buonaparte en France.
» Le 28 brumaire (19 novembre 1799), il fit partie de la commission
nommée par les consuls pour s'occuper d'un travail relatif
à la marine. Il passa quelque temps après au Conseil
d'Etat, avec le titre de commandant d'une division de la flotte
de Brest. En janvier 1801, il commanda l'expédition sortie
du port de cette ville, s'empara d'un vaisseau anglais de 74, et
tenta, mais sans succès, de porter des renforts à
l'armée d'Égypte. En 1802, il fut désigné
pour diriger l'expédition de Saint-Domingue, où il
arriva au mois de février. Il revint en France, avec son
escadre, au mois d'avril suivant. Nommé le 30 mai préfet
maritime à Toulon, et vice-amiral quelque temps après,
il présida, en 1804, le collège électoral du
Var, et fut décoré du grand cordon le 1er février
1805. Il prit ensuite le commandement de l'escadre de Brest ;
et le 18 septembre 1807, il fut chargé, comme orateur du
gouvernement, de notifier au Tribunat le sénatus-consulte
qui ordonnait sa dissolution.
» En janvier 1808, le vice-amiral Ganteaume partit de Toulon
avec son escadre et celle du contre-amiral Allemand, pour ravitailler
Corfou, qui était alors bloquée par une escadre anglaise.
Il arriva à Corfou le 23 février, y fit entrer ses
convois, et remit à la voile pour Toulon, où il était
de retour le 10 avril. Le comte Ganteaume fut nommé, à
la suite de cette expédition, inspecteur-général
des côtes de l'Océan, et le 10 janvier 1812, président
du corps électoral du Cher. Au mois de décembre 1813,
il fut envoyé dans la 8e division à Toulon, pour y
prendre des mesures de salut public. En avril suivant, il envoya
son adhésion, ainsi conçue, à la déchéance
de Buonaparte et au retour des Bourbons :
"Messeigneurs, j'ai l'honneur de vous supplier de de vouloir
bien recevoir mon adhésion entière et absolue à
l'acte constitutionnel décrété par le Sénat,
qui rappelle au trône de France les princes de cette antique
dynastie qui, pendant huit cents ans, fit la gloire et le bonheur
des Français.»
Le 29 mai 1814, le comte Ganteaume fit partie de la commission chargée
d'examiner les services des officiers de la marine, et fut créé
chevalier de Saint-Louis le 3 juin suivant. Resté sans emploi
pendant l'interrègne, il accepta, après le second
retour du Roi, une mission délicate, dont il s'acquitta avec
autant de zèle que de succès ; ce fut d'aller
proposer au général Brune, qui était alors
à Toulon, de se soumettre aux ordres de S. M. Il fut nommé
pair de France le 17 août 1815, et commandeur de Saint-Louis
le 3 mai 1816.
On trouve dans la Correspondance interceptée de l'armée
d’Égypte, Paris 1799, des lettres de l'amiral Ganteaume,
qui jettent un grand jour sur le désastre de notre marine
à Aboukir. »- - - |
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