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Delort
(Jacques-Antoine-Adrien, baron), lieutenant- général,
naquit à Arbois en Franche-Comté, le 16 novembre 1773.
Il s'enrôla le15 août 1791, comme volontaire national
dans le 4e bataillon du Jura
; fut fait sous- lieutenant au 8e régiment d'infanterie de
ligne, le 16 juin 1792, et lieutenant le 18 septembre suivant. Son
courage et sa conduite l'ayant bientôt fait distinguer, il
obtint le grade d'adjoint aux adjudants généraux,
le 15 juin 1793, et fut nommé capitaine de cavalerie le 28
août de la même année. Il fut attaché
au 24e régiment de cavalerie, le 21 octobre 1797, et passa
avec son grade de capitaine dans le 22e régiment de la même
arme, le 29 décembre suivant. Il avait fait en ces diverses
qualités toutes les premières campagnes de la révolution.
Employé à l'armée d'Italie, il s'y distingua
à la bataille du 26 mars 1799, et y mérita d'être
élevé au grade de chef d'escadron au 2e régiment
de cuirassiers*. Il
se signala de nouveau aux affaires des 5 et 6 mai suivant. En 1801,
il servait devant Mantoue, lorsque, à la tête d'un
escadron de cavalerie, il força les postes avancés
de l'ennemi à rentrer dans la place. Il fut nommé
à l'emploi de major de nouvelle création, dans le
9e régiment de dragons, le 29 octobre 1803. On le créa
membre de la Légion d'Honneur, le 26 mai 1804. Le colonel
Maupetit ayant été blessé à l'affaire
de Wertingen, en 1805, Buonaparte confia au major Delort le commandement
des escadrons de guerre de ce régiment. A la bataille d'Austerlitz,
le 2 décembre 1805, Delort chargea à la tête
de ce corps contre les Cosaques de l'armée russe, eut un
cheval tué sous lui, et reçut deux coups de lance.
Ses blessures étaient assez graves pour le mettre hors de
combat ; mais se trouvant dégagé des mains de l'ennemi
par le feu de l'artillerie de la garde impériale, et apercevant
le cheval d'un chef d'escadron qui avait été grièvement
blessé, il le monta , et continua de commander le régiment
jusqu'à la fin de l'action, quoiqu'il souffrît beaucoup,
et que ses habits fussent tout trempés de son sang. En récompense
de ses services distingués, le major Delort fut nommé
colonel du 24e régiment de dragons le 1er mai 1805. Il fut
créé chevalier de l'empire, avec dotation, le 18 janvier
1808. Employé en cette dernière année à
l'armée d'Espagne, il y commanda son régiment aux
sièges de Roses, de Gironne, d'Hostalrich, de Tortose et
de Tarragone. Il le commanda aussi aux batailles de Cardaden, le
16 novembre ; du Pont-du-Roi, le 2 décembre ; de Vals, le
25 février 1809, et de Wich, le 20 février 1810. Il
s'était distingué à la bataille du Pont-du-Roi,
en enlevant, à la tête de la compagnie d'élite
de son régiment, 25 pièces d'artillerie et tout le
bagage de l'ennemi, et en poursuivant les Espagnols jusqu'à
Vilta-Franca, 4 lieues en avant de l'armée française.
Dans cette action, plusieurs officiers supérieurs et autres
officiers espagnols furent faits prisonniers de guerre : cette charge
fut considérée comme l'une des plus brillante et des
plus hardies, et elle fut exécutée avec autant de
rapidité que d'efficacité. A la bataille de Vals,
le 24e régiment de dragons contribua éminemment à
la victoire remportée sur les Espagnols et le colonel Delort
reçut un coup de feu à la jambe droite. A Santa-Coloma,
près de Gironne, le 1er novembre 1809, 80 dragons du 24e
régiment chargèrent 400 hussards ou dragons espagnols,
et les taillèrent en pièces. A l'expédition
sur Olotl, le 25 décembre suivant, le colonel Delort commanda
l'avant-garde française, qui défit le 4e régiment
suisse sous les murs de cette ville, et qui tua un nombre considérable
de miquelets. Au col de Cespina,
le 16 janvier 1810, le colonel Delort faisant toujours les fonctions
de général d'avant-garde, parvint à contenir
l'ennemi par sa fermeté, et aida la division du général
Souham à se maintenir sur le champ de bataille. Le colonel
Delort commanda son régiment à la bataille de Wich
le 20 février 1810, y dirigea des charges brillantes, et
fut blessé d'un coup de sabre au bras gauche, dans la première
de ces charges. Le colonel Delort, faisant de nouveau les fonctions
de général de brigade, enleva de nuit le poste du
col de Cespina à la tête des carabiniers du 3e régiment
d'infanterie légère, et malgré le feu très
vif et très soutenu que faisaient les Espagnols. Il fut créé
officier de la Légion d'Honneur, le 7 mars 1810. Avec la
7e compagnie et le 4e bataillon du 3e d'infanterie légère,
il attaqua à Vendrell, le 23 du même mois, 1'avant-garde
de l'armée espagnole, composée d'infanterie et de
cavalerie, et la mit complètement en déroute. A Villa-Franca,
le 9 avril suivant, étant à la tête de 100 dragons,
le colonel Delort fit à l'ennemi 100 prisonniers, tant cavaliers
montés que fantassins, et s'empara du colonel espagnol qui
commandait cette troupe, et de 7 autres officiers : dans cette affaire
les hussards d’Olivença laissèrent 50 des leurs sur
le champ de bataille. Le colonel Delort fut de nouveau récompensé
de ses services par le titre de baron d'empire, que Napoléon
lui conféra, le 15 août, en joignant à ce titre
une dotation. A Cervera, le septembre août (sic)
de la même année 1810, le 24e régiment de dragons,
ayant à sa tête le baron Delort, poursuivit vivement
et mit en déroute les dragons espagnols de Sant-Yago, qui
avaient obtenu un succès assez complet sur les chasseurs
à cheval napolitains. Il reprit aux Espagnols les prisonniers
qu'ils avaient faits, enleva leurs équipages, ainsi que les
ambulances, tua 20 cavaliers et prit 40 chevaux. Au combat de Vals,
le 15 janvier 1811, le baron Delort s'étant mis à
la tête de 155 dragons du 1er escadron du 24e régiment,
arrêta tout court 7 escadrons espagnols, dont moitié
cuirassiers, et empêcha, par ce moyen, l'entière défaite
de la division italienne du général Palombini, qui
se trouvait fortement menacée et compromise. Dans la charge
que le baron Delort fit faire sur l'ennemi, et qui fui exécutée
avec un dévouement vraiment héroïque, et digne
des plus grands éloges, les Espagnols eurent près
de 80 cuirassiers mis hors de combat Le colonel Delort tua de sa
main , dans cette terrible mêlée, plusieurs Espagnols.
Blessé grièvement de plusieurs coups de sabre, et
perdant tout son sang, il tomba au milieu des ennemis, dont il serait
demeuré le prisonnier, ainsi que les braves dragons qui l'accompagnaient,
si une nouvelle compagnie de son régiment ne fût venu
les dégager. Malgré l'énorme supériorité
du nombre des ennemis, les dragons du 24e régiment restèrent
maîtres du champ de bataille, et la division italienne fut
sauvée (1).
Le 28 juin de la même année 1811, jour de l'assaut
donné à la place de Tarragone, le 24e régiment
de dragons, commandé par le baron Delort, descendit rapidement
de la position qu'il occupait, et se porta sur la toute de Barcelone,
pour appuyer une division italienne qui commençait à
arrêter les fuyards de la garnison de Tarragone. A l'aspect
de cette cavalerie, une partie des Espagnols se jeta à la
mer pour se mettre à couvert sous la protection des croisières
anglaises ; mais les dragons poursuivent les fuyards sur le rivage
; et, malgré le feu des canonnières anglaises, ils
sabrent les Espagnols, dont bientôt plus de 600 furent étendus
morts. De concert avec la brigade italienne, le 24e régiment
de dragons ramena en outre au quartier du général
Harispe, une colonne forte d'environ 9700 hommes, faits prisonniers,
parmi lesquels se trouvaient le gouverneur de Tarragone, un grand
nombre d'officiers supérieurs, et 3 maréchaux-de-camp.
Pour prix de ses brillants services, et des preuves de valeur qu'il
avait si souvent données, le baron Delort fut élevé
au grade de général de brigade, le 21 juillet suivant.
En septembre de la même année, l'armée française
d'Aragon marchait sur le royaume de Valence : le général
Delort, placé à l'avant-garde avec le 24e régiment
de dragons, fit charger, le 27, près de Villa-Real, plusieurs
escadrons ennemis qui furent poursuivis pendant plus de trois lieues,
et jusqu'au-delà de Mollet, couvrant la route de morts, d'armes
et de débris. Dans cette action, on enleva aux dragons espagnols
du roi et de la reine un nombre considérable d'hommes et
de chevaux. A la bataille de Sagonte, le 25 octobre, le général
Delort reçoit l'ordre de culbuter l'ennemi avec le 24e de
dragons; il l'exécute avec une haute valeur, et le pousse
jusqu'au-delà d'Albalate, sans se laisser arrêter par
le feu de plusieurs bataillons embusqués ; " il enleva
sur la route un obusier, une pièce de 4 et 30 canonniers.
"(Rapport officiel du maréchal Suchet.) La ville de
Valence ayant été investie, le général
Delort, toujours commandant l'avant-garde de l'armée d'Aragon,
et ayant sous ses ordres la presque totalité de la cavalerie,
que flanquaient 8 compagnies de grenadiers et de voltigeurs, balaya
tous les postes ennemis sur la rive gauche du Xugar, mit en fuite
les corps de Mahi et d'Obispo, et occupa la ville de San-Felipe
( 2 ).
Le général Delort fut créé chevalier
de l'ordre de la Couronne-de-Fer, le 3 janvier 1812, et commandant
de la Légion d’Honneur, le 16 mars suivant. Le 21 juillet
de la même année, le général Delort était
détaché à Castalla, petite ville près
d'Alicante, où il commandait l'avant-garde de l'armée
d'Aragon, ayant sous ses ordres le 7e régiment d'infanterie,
le 24e régiment de dragons et 4 pièces d'artillerie.
Toutes les forces réunies de cette avant-garde ne s'élevaient
pas au-delà de 1500 combattants. Le général
Joseph O'Donnel, à la tête des 2e et 3e corps de l'armée
espagnole, forts d'environ 12.000 hommes, vint attaquer inopinément
le général Delort dans cette position isolée.
Ce dernier, à l'aspect des nombreux Espagnols qui venaient
l'attaquer, rallia promptement ses troupes disséminées
dans divers cantonnements, évacua Castalla, exécuta
lentement un mouvement de retraite par échelons, en disputant
le terrain pied à pied, et vint prendre position de manière
à couvrir tous les passages et surtout le chemin d'Ibi. Son
l'artillerie, qu'il avait placée avantageusement, fit sur
l'ennemi un feu vif et soutenu, pendant que le 24e de dragons, le
7e régiment et un escadron du 13e de cuirassiers, redoublaient
d'énergie et de bravoure pour arrêter le mouvement
des Espagnols. Le général Delort s'étant aperçu
d'un moment d'hésitation dans les manœuvres des Espagnols,
le mit à profit, et ordonna une charge qui fut exécutée
avec une vigueur telle qu'une batterie ennemie fut enlevée
en un instant. L'infanterie et la cavalerie française, sous
le commandement du baron Delort, se précipitent alors dans
Castalla, renversent tout ce qui se trouve sur leur passage, jonchent
les rues de morts, et mettent dans le plus grand désordre
la ligne entière de l'ennemi, qui fuit de toutes parts. Dès
8 heures du matin,le feu avait cessé sur le champ de bataille
; mais le général Delort ordonna en ce moment à
2 compagnies du 7e régiment d'infanterie de déposer
leurs havresacs, et de se porter, au pas de course,sur Ibi. A l'approche
de cette troupe soutenue par 50 cuirassiers, le général
anglais Roche,commandant l'aile droite de l'armée espagnole,et
qui faisait alors l'attaque du château et du village d'Ibi,
se hâta de fuir et de gagner les montagnes escarpées
qui avoisinent Ibi. Dans ce combat extraordinaire plus de 1000 fantassins
espagnols, tués ou blessés, restèrent sur le
champ de bataille, tandis que du côté de l'avant -
garde française la perte ne s'éleva qu'à 13
hommes, dont un officier. Quelques jours après, le maréchal
Suchet ayant donné ordre à la division Harispe de
marcher sur Aspe, le général Delort, à la tête
du 4e de hussards, du 24e de dragons et de quelques compagnies de
voltigeurs, poursuivit le général O’Donnel à
Yecia, d'où il le chassa: l'attaqua ensuite au-delà
de Jumilla , le battit encore et lui enleva un convoi considérable
en grains. Delort revenant sur ses pas, surprit, sur la ronte d'Almanza,
un poste de cavalerie qui fut entièrement pris ou tué.
Le 8 octobre, près de Villena, le général Delort
chargea, à la tête du 4e de hussards, un bataillon
calabrais commandé par des officiers anglais, l'enfonça,
le dispersa, tua 100 hommes à l'ennemi, et prit 30 dragons
anglais, 2 officiers et 20 chevaux. Ayant été informé
que le général ennemi Elio devait passer a Yecla,
dans la nuit du 20 octobre, pour se rendre à Alicante, sous
la protection d'une escorte assez nombreuse, le général
Delort se mit en marche, à six heures du soir, avec 400 fantassins
d'élite et 300 hussards du 4e régiment. Il surprit,
au milieu de la nuit, la cavalerie espagnole, la sabra et la poursuivit
au-delà de Jumillac. Le commandant do cette cavalerie, 50
chevaux, et beaucoup d'armes et d'effets, furent pris, et un grand
nombre de cavaliers ennemis furent tués dans les rues d'Yecla,
qu'à peine le général Elio
(3) venait de quitter, lorsque le général
Delort et sa troupe y entrèrent. En 1813, le général
Delort, toujours employé à l'armée d'Aragon,
se trouva, le 13 juin, au combat de Xucar. Pendant cette affaire,
il se porta avec six escadrons et 4 bataillons à Bunol, Chiva
et Cheste, tint les Espagnols occupés sur tous les points,
cl les empêcha, par ses manœuvres, de rien entreprendre. L'armée
française d'Aragon se retirant sur la Catalogne, dans le
mois de juillet, le général Delort fut chargé
de couvrir la retraite. En août, il poursuivit, avec la cavalerie
sous ses ordres, un corps de dragons anglais que l'avant-garde française
avait rencontrée près de Nuller, mit ce corps en déroute,
et lui fit éprouver une perte assez considérable en
hommes tués ou blessés. Il concourut, le 13 septembre,
à l'enlèvement du col d'Ordal, et à la poursuite
de l'armée anglo-espagnole. Les manœuvres qu'il fit exécuter
en cette occasion furent remarquables par leur précision
et leur vigueur. Eu octobre de la même année, d'après
les ordres du maréchal duc d'Albufera, le général
Delort marcha sur le défilé de Gariga, tourna l'ennemi
qui s'était établi dans 12 redoutes échelonnées
et qui prit la fuite précipitamment après une courte
résistance : le général Delort fit raser toutes
ces redoutes. Il rentra en France au commencement de 1814, et y
fut employé dans la grande-armée destinée à
s'opposer à la marche des troupes alliées sur la capitale.
Il se trouva, le 18 février, à la bataille de Montereau,
où, à la tête d'une faible brigade de cavalerie
légère, il arrêta et chargea à trois
reprises plusieurs escadrons de hussards autrichiens. Dans cette
même journée, il fit encore exécuter, sur la
route de Melun, une charge de cavalerie contre le flanc de l'armée
alliée, pénétra au centre d'une colonne qui
avait déjà atteint les maisons du faubourg de Melun,
sabra lui-même le général qui la commandait,
et força 4 régiments autrichiens de mettre bas les
armes et de se rendre prisonniers de guerre. Pendant l'action, le
général Delort fut grièvement blessé
d'un coup de feu , ce qui ne l'empêcha pas de continuer à
combattre avec sa valeur accoutumée. Cette action d'éclat
valut au général Delort un témoignage honorable
de la satisfaction de Napoléon, et le grade de général
de division, qui lui fut accordé le 26 du même mois.
Après la restauration du trône des Bourbons, le baron
Delort fut créé, par S. M. Louis XVIII, chevalier
de l'ordre royal et militaire du Saint-Louis. Le général
Delort était sans activité, en Franche-Comté,
lors de l'invasion de Buonaparte en France, au commencement de 1815.
Il reçut alors du maréchal Ney, qui avait pris parti
pour Buonaparte, l'ordre de se rendre à Lons-le-Saulnier,
pour y prendre le commandement de la cavalerie de son corps d'armée.
Le général Delort fit la campagne des cent jours à
la tête d'une division de cuirassiers. Il la commanda à
la bataille de Ligny, le 16 juin, et décida la victoire remportée
dans cette journée par les charges qu'il fit exécuter
(4). Sa division
de cuirassiers fut aussi une de celles qui combattirent avec le
plus de valeur à Waterloo, le 18 du même mois. Le général
Delort reçut, dans cette journée, un coup de feu à
la jambe, et huit balles dans ses habits ou dans son chapeau. Il
y eut aussi trois chevaux tués sous lui. Depuis le second
retour du roi en France, en 1815, le général Delort
a été classé parmi les lieutenants-généraux
disponibles, et s'est retiré à Arbois, sa ville natale,
ou de nombreux traits de bienfaisance le font universellement estimer
et chérir de ses concitoyens (5).
(Etats et brevets militaires, Moniteur, annales du temps.) |
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