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En tout cas,
Napoléon III se donna toujours pour l’héritier de
la pensée de Napoléon Ier.
Son règne ne manqua pas d’apporter une contribution capitale
à la constitution scientifique de l’histoire du premier Empire.
La publication de la Correspondance de Napoléon
la remplit à peu près tout entier, puisque, commencée
en 1856, elle ne fut achevée qu’en 1870.
On ne saurait exagérer l’importance de cette publication.
Sans doute elle ne fut pas complète : Thiers déclare
avoir vu 30.000 lettres de l’Empereur, et la Correspondance publiée
n’en compte que 22.000 ; il est vrai que les 8.000 autres peuvent
ne pas être d’un grand intérêt. Quelques lacunes
ont été comblées par le baron Du Casse dans
la Revue historique, par M. August Fournier, par M. Hueffer, surtout
par MM. Lecestre et Brotonne ; malgré quelques lettres, ces
compléments n’ont pas produit de révélations
sensationnelles. Il serait bien utile sans doute d’avoir tout ce
qui a été détruit et brûlé dans
la retraite de Russie : on sait qu’au point de vue de la documentation
il y a eu là des pertes irréparables.
Certes encore il ne faut pas prendre la Correspondance de Napoléon
pour une source définitive. Elle n’a pas été
écrite par l’Empereur pour dire la vérité,
toute la vérité et rien que la vérité,
aux historiens d’aujourd'hui. Elle n’a été qu’un instrument
de communication, de gouvernement, et Napoléon n’y dit que
ce qu’il veut dire, ce qu’il veut qu’on sache, et il lui arrive
de vouloir que l’on croie autre chose que ce qui est. On se gardera
par exemple de faire l’histoire de ses campagnes avec le seul concours
des Bulletins de la Grande Armée. Il est nécessaire
d’apporter les mêmes adaptations et corrections à toute
la Correspondance.
Elle demeure surtout incomplète par les secrets que l’Empereur
a gardés sur tous points. Napoléon fut un solitaire
; il n’eut pas de confident ; il n’eut que des commis, sans en excepter
ses ministres, sans en excepter Talleyrand. Ainsi sa correspondance
ne peut pas livrer le fond de ses desseins.
Telle qu’elle est, elle est d’une importance unique ; mieux qu’aucun
autre document, elle permet d’approcher, sinon d’atteindre la pensée
de l’Empereur. Il était doué d’une activité
extraordinaire ; il n’y a pas de jour, pour ainsi dire, où
nous n’ayons de lui dix ou douze lettres, sur tous les sujets, si
bien qu’à suivre à l’aide de sa Correspondance toutes
les étapes de sa carrière, on éprouve l’impression
d’être tout près de lui, de l’entendre, de le connaître,
avec l’impatience d’aller plus avant, de franchir la distance où
il tenait son secrétaire. Nous sentons que nous touchons
là un élément essentiel de la vérité.
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