| Dernière modification: 22/11/2002 Marbot Relation 1830 Cette lettre a également été publiée dans les Mémoires du général Marbot. On remarquera qu'elle est en contradiction totale avec la lettre écrite le 26 juin 1815.
Lettre écrite en 1830 à
Grouchy. Mon général, J'ai reçu la lettre par
laquelle vous exprimez le désir de connaître la marche des reconnaissances
dirigées par moi sur la Dyle, le jour de la bataille de Waterloo. Je m'empresse
de répondre aux questions que vous m'adressez à ce sujet. Il me serait impossible,
après un laps de temps de quinze années, de fixer au juste l'heure à laquelle
le détachement dirigé vers Moustier parvint sur ce point, d'autant plus que le
capitaine Éloy, qui le commandait, avait reçu de moi l'injonction de s'éclairer
au loin et de marcher avec la plus grande circonspection. Mais en remarquant
qu'il partit à onze heures du champ de bataille et n’avait pas plus de deux
lieues à parcourir, on doit présumer qu'il les fit en deux heures, ce qui
fixerait son arrivée à Moustier à une heure de l'après-midi. Un billet du
capitaine Éloy, que me transmirent promptement les postes intermédiaires,
m'apprit qu'il n'avait trouvé aucune troupe à Moustier, non plus qu'à
Ottignies, et que les habitants assuraient que les Français laissés sur la
rive droite de la Dyle passaient la rivière à LimaI, Limelette et Wavre. J'envoyai ce billet à
l'Empereur par le capitaine Kouhn, faisant fonction d'adjudant-major. Il revint
accompagné d'un officier d'ordonnance, lequel me dit de la part de l'Empereur
de laisser la ligne des postes établie sur Moustier, et de prescrire à
l'officier qui éclairait le défilé de Saint-Lambert de le passer, en poussant
le plus loin possible dans les directions de Limal, Limelette et Wavre. Je
transmis cet ordre, et envoyai même ma carte au chef du détachement de Lasne
et Saint-Lambert. Un de mes pelotons, s'étant
avancé à un quart de lieue au-delà de Saint-Lambert, rencontra un peloton de
hussards prussiens auquel il prit plusieurs hommes, dont un officier. Je prévins
l'Empereur de cette étrange capture, et lui envoyai les prisonniers. Informé par ceux-ci
qu'ils étaient suivis par une grande partie de l'armée prussienne, je me
portai avec un escadron de renfort sur Saint-Lambert. J'aperçus au-delà une
forte colonne se dirigeant vers Saint-Lambert. J'envoyai un officier à toute
bride en prévenir l'Empereur, qui me fit répondre d'avancer hardiment, que
cette troupe ne pouvait être que le corps du maréchal Grouchy venant de Limal
et poussant devant lui quelques Prussiens égarés, dont faisaient partie les
prisonniers que j'avais faits. J'eus bientôt la
certitude du contraire. La tête de la colonne prussienne approchait, quoique très
lentement. Je rejetai deux fois dans le défilé les hussards et lanciers qui la
précédaient. Je cherchai à gagner du temps en maintenant le plus possible les
ennemis, qui ne pouvaient déboucher que très difficilement des chemins creux
et bourbeux dans lesquels ils étaient engagés; et lorsque, enfin, contraint
par des forces supérieures, je battais en retraite, l'adjudant-major, auquel
j'avais ordonné d'aller informer l'Empereur de l'arrivée positive des
Prussiens devant Saint-Lambert, revint en me disant que l'Empereur prescrivait
de prévenir de cet événement la tête de colonne du maréchal Grouchy, qui
devait déboucher en ce moment par les ponts de Moustier et d'Ottignies,
puisqu'elle ne venait pas par Limal et Limelette. J'écrivis à cet effet au
capitaine Éloy; mais celui-ci, ayant vainement attendu sans voir paraître
aucune troupe, et entendant canon vers Saint-Lambert, craignit d'être coupé.
Il se replia donc successivement sur ses petits postes, et rejoignît le gros du
régiment resté en vue du champ de bataille, à peu près au même instant que
les escadrons qui revenaient de Saint-Lambert et Lasne, poussés par l'ennemi. Le combat terrible que
soutinrent alors derrière les bois de Frichemont les troupes que je commandais
et celles qui vinrent les appuyer, absorba trop mon esprit pour que je puisse spécifier
exactement l'heure; mais je pense qu'il pouvait être à peu près sept heures
du soir; et comme le capitaine Éloy se replia au trot et ne dut pas mettre plus
d'une heure à revenir, j'estime que ce sera vers six heures qu'il aura quitté
le pont de Moustier, sur lequel il sera, par conséquent, resté cinq heures. Il
est donc bien surprenant qu'il n 'ait pas vu votre aide de camp, à moins que
celui-ci ne se soit trompé sur le nom du lieu où il aura abordé la Dyle. Tel est le précis du
mouvement que fit le régiment que je commandais pour éclairer pendant la
bataille de Waterloo le flanc droit de l'armée française. La marche, la
direction de mes reconnaissances furent d'une si haute importance dans cette mémorable
journée, que le maréchal Davout, ministre de la Guerre, m'ordonna à la fin de
1815 d'en relater les circonstances dans un rapport que j'eus l'honneur de lui
adresser et qui doit se trouver encore dans les archives de la guerre. Des faits que je viens de
raconter est résulté pour moi la conviction que l'Empereur attendait sur le
champ de bataille de Waterloo le corps du maréchal Grouchy. Mais sur quoi cet
espoir était-il fondé? C'est ce que j'ignore, et je ne me permettrai pas de
juger, me bornant à la narration de ce que j'ai vu. J'ai l'honneur d'être,
etc. ___________________________________
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