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La lettre qui suit a été publiée dans le tome III des Mémoires
du général Marbot. On remarquera qu'il
y dit qu'il était flanqueur de droite, et qu'on l'avait assuré que
le maréchal Grouchy devait arriver. Ce qui montre qu'il n'a pas
effectué de reconnaissances, contrairement à ce qu'il prétendra
en 1830 : il était trop faible pour ça, et d'ailleurs "on"
l'avait "assuré". Au lieu de Grouchy, c'est Blücher qui
débouche... Surprise totale, donc, et manque de reconnaissance sur
la droite. Il semble bien que les flancs de l'armée n'étaient en
rien assurés. Et ça, c'est une grosse faute... le genre de faute
qui peut entraîner les conséquences les plus lourdes. |
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Laon, 26 juin
1815.
Je ne reviens pas de
notre défaite!... On nous a fait manœuvrer comme des citrouilles.
J'ai été, avec mon régiment, flanqueur de droite
de l'armée pendant presque toute la bataille. On m'assurait
que le maréchal Grouchy allait arriver sur ce point, qui
n'était gardé que par mon régiment, trois pièces
de canon et un bataillon d'infanterie légère, ce qui
était trop faible. Au lieu du maréchal Grouchy, c'est
le corps de Blücher qui a débouché!... Jugez
de la manière dont nous avons été arrangés!...
Nous avons été enfoncés, et l'ennemi a été
sur-le-champ sur nos derrières!... ... On aurait pu remédier
au mal, mais personne n'a donné d'ordres. Les gros généraux
ont été à Paris faire de mauvais discours.
Les petits perdent la tête, et cela va mal... J'ai reçu
un coup de lance dans le côté ; ma blessure est assez
forte, mais j'ai voulu rester pour donner le bon exemple. Si chacun
eût fait de même, cela irait encore, mais les soldats
désertent à l’intérieur; personne ne les arrête,
et il y a dans ce pays-ci, quoi qu'on dise, 50 000 hommes qu'on
pourrait réunir; mais alors il faudrait peine de mort contre
tout homme qui quitte son poste et contre ceux qui donnent permission
de le quitter. Tout le monde donne des congés, et les diligences
sont pleines d'officiers qui s'en vont. Jugez si les soldats sont
en reste! Il n'y en aura pas un dans huit jours, si la peine de
mort ne les retient... Si les Chambres veulent, elles peuvent nous
sauver; mais il faut des moyens prompts et des lois sévères...
On n'envoie pas un bœuf, pas de vivres, rien...; de sorte que les
soldats pillent la pauvre France comme ils faisaient en Russie...
Je suis aux avant-postes, sous Laon; on nous a fait promettre de
ne pas tirer, et tout est tranquille...
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