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O.
Hollander :
21e
demi-brigade légère
(Drapeau du 3e bataillon)
Le
drapeau du 3e bataillon de la 21e demi-brigade légère fut perdu
à la bataille d'Alexandrie, le 21 mars 1801.
Des notes, rassemblées vers 1841 par le capitaine anglais Ford,
et que nous avons consultées à la Bibliothèque Royale, au Château
de Windsor, contiennent les renseignements dont voici la traduction
:
Drapeau
pris à la bataille d'Alexandrie, en Egypte.
Il a été pris par le simple soldat Anthony Lutz, du 97e régiment
ou Queen's Germans.
Il porte, d'un côté, le bonnet de liberté avec les faisceaux romains.
D'après l'ouvrage de Stewart, il paraît que le drapeau dessiné ci-contre
est celui qui a été pris par Lutz. (Deux régiments anglais s'attribuaient
la gloire, de cette capture.)
Il a été rendu par un officier français au major Stirlin, qui l'a
remis au sergent Sinclair, de son régiment, avec mission d'en avoir
la garde et de rester auprès d'un canon qui avait été également
pris sur l'ennemi. Le sergent, resté de faction ainsi qu'il avait
été commandé, fut renversé et étourdi par la cavalerie française
qui avait chargé sur les derrières (1). Lorsqu'il reprit ses sens,
le drapeau avait disparu et il lui était impossible d'en donner
aucun autre détail. Quelque temps après, un soldat du régiment de
Stuart apporta un drapeau à Sir Abercromby et déclara qu'il l'avait
pris à un officier de cavalerie française. On lui délivra un reçu
et une récompense de vingt dollars. (Stewart's
Highlanders, p. 459. Edit. 1825.)
Suivant l'ouvrage de Wilson, le certificat délivré à Lutz est ainsi
conçu :
Je certifie par les présentes qu'Anthony Lutz, simple soldat du
régiment de Minorque ou Stuart, a pris sur l'ennemi, le 21 mars
1801, durant l'action entre les armées française et anglaise, commandées
par sir Ralph Abercromby du côté anglais, et par le général en chef
Menou, ledit jour, à trois milles d'Alexandrie, un drapeau portant
diverses marques de distinctions honorifiques telles que le Passage
de la Piava et du Tagliamento, sous Bonaparte en Italie, et
au centre duquel est un cornet de chasse entouré de feuilles de
laurier.
Ce certificat porte ensuite que Lutz a reçu vingt piastres de l'adjudant
général Mac Donald et que le drapeau fut porté par ledit Anthony
Lutz à sir Ralph Abercromby qui était malade de ses blessures à
bord du Foudroyant et il est signé : John Mac Donald, asst
adjt génl', 3 avril 1801.
Au
sujet du drapeau pris aux Invincibles, sir Robert Wilson,
dans son ouvrage sur l'expédition d'Égypte, se livre à ces réflexions
:
Le général Reynier prétend que le bataillon auquel appartenait ce
drapeau, était composé principalement de Cophtes (2) ; mais, seul,
ce général pourrait expliquer comment les Cophtes portaient un drapeau
sur lequel étaient inscrits: Passage de la Scrivia, Passage du
Tagliamento Passage de l'Isonzo, Prise de Gratz, le Pont de Lodi.
J'ai
examiné, dit le capitaine Ford, dans ses Notes, le drapeau dessiné
ci-dessus étant debout sur une échelle, et je n'ai pu découvrir
une seule lettre restant des inscriptions ; car il ne subsiste qu'à
peine un peu plus du quart du drapeau après la hampe; toutefois,
c'est bien le drapeau représenté dans tous les imprimés du temps.
Ces
notes de l'officier anglais sont quelque peu confuses, mais il s'en
dégage assez nettement que le drapeau du 3e bataillon de la 21e
légère devait porter au centre et d'un côté, entre deux branches
de chêne un faisceau de licteur surmonté d'un bonnet rouge (3),
de l'autre côté, entouré d'une couronne de lauriers, un cornet,
signe distinctif de l'infanterie légère. Ce dernier côté, d'après
le certificat de Lutz, aurait eu entre autres inscriptions: Passage
de la Piava et du Tagliamento, actions auxquelles, en effet assista
bien la 21e légère.
D'après Wilson, il y aurait eu sur ce drapeau cinq inscriptions
: Passage de la Scrivia, Passage du Tagliamento, Passage de l'Isonzo,
Prise de Gratz, le Pont deLodi (4).
Le
Journal historique des opérations de la 21e légère, cite
la plupart de ces faits à l'actif du corps; toutefois on n'y trouve
ni le Passage de la Scrivia, ni le Pont de Lodi, et
quant à la Prise de Gratz, elle doit vraisemblablement être
celle de Gradisca.
En
1894 à notre tour, nous avons examiné les restes de ce drapeau conservés
au Royal Hospital Chelsea à Londres. Il ne restait plus qu'une
faible partie de l'étoffe dont les parcelles avaient été rassemblées
et collées sur de la gaze.
Le fragment principal consiste dans la partie centrale, celle qui
avait été le carré blanc, et dans quelques vestiges de la bordure
tricolore. Le peu qui subsiste permet de supposer que le dispositif
des trois couleurs devait être analogue à celui des drapeaux de
l'infanterie de bataille.
La peinture, presque entièrement effacée, ne permet pas de préciser
la nature du feuillage. Au milieu du cercle formé par la couronne,
figure un cornet brodé de soie jaune mêlée d'or. Le revers qui,
d'après la description de l'officier anglais, était orné de l'attribut
républicain, n'existe plus.
La hampe à laquelle ces débris ont été fixés est celle même de l'origine
;elle est surmontée d'une pique conforme au modèle donné à l'armée
d'Italie et possède une cordelière à glands en soie tressée, aux
couleurs nationales (1).
D'après
le livre : L'Egypte après la bataille d'Héliopolis, publié
en l'an X par le général de division Reynier, le drapeau du 3e bataillon
de la 21e demi-brigade légère fut perdu dans les circonstances suivantes
:
La 32e, ayant à sa tète le général Rampon, attaque ensuite
la première ligne des Anglais ; elle est repoussée ; ce général
est démonté et ses habits sont percés de balles. L'adjudant-commandant
Sornet, en marchant aussi sur la ligne ennemie, est blessé mortellement,
et les grenadiers qu'il commande ne peuvent pénétrer. Le général
Destaing suit la route d'Aboukir, et passe dans l'intervalle de
la droite et du centre de la première ligne des Anglais; il y reçoit
un feu très vif de la seconde ligne et des redoutes et se retire
après une blessure légère ; le chef de bataillon Hausser, qui commandait
sous ses ordres la 21e légère, avait eu la cuisse emportée
; cette demi-brigade reste sans chef au milieu de l'armée
anglaise; un régiment en est détaché pour lui couper la retraite
; le second bataillon parvient à se retirer, mais trois compagnies
du troisième bataillon, composées en partie de Cophtes enrôlés dans
la Haute-Égypte, et qui étaient dispersées en tirailleurs, sont
forcées de se rendre; trente hommes qui gardaient le drapeau se
font tuer avant de le céder aux ennemis.
Après
la campagne d'Égypte, les demi-brigades légères cessèrent d'emporter
leurs drapeaux en campagne.
Une note officieuse, insérée dans le Moniteur universel du 19 pluviôse
an X (8 février 1802) donne, relativement à cette mesure, les détails
généralement ignorés que voici : (voir le texte du Moniteur en
haut de l'article.) Notes
(1)
La charge des 3e et 14e dragons français fut conduite par
le général Boussart sur le 42e régiment anglais. Ce régiment est
percé. Dans cette situation, le régiment de Minorque, accouru pour
soutenir le 42e, se met en bataille dans l'intervalle
entre la redoute et les Gardes. Nouvelle charge des 15e, 18e et
20e dragons. Charge désespérée sur nos deux régiments (42e anglais
et Minorque) ... Un drapeau couvert d'emblèmes rappelant les exploits
militaires du corps auquel il appartenait, et qui, d'après le rapport
du général Reynier, était celui d'un bataillon de la 21e demi-brigade,
tomba au pouvoir du régiment de Minorque ou régiment allemand de
la Reine. Il fut pris par un soldat nommé Anthony Lutz qui reçut
de l'adjudant général un certificat de cette action d'éclat et une
somme de vingt dollars. Cet homme, ne sachant ni lire ni écrire,
ne put être nommé sergent, grade qu'il eût obtenu sans cela. Dès
le commencement de l'affaire, le 42e avait aussi enlevé un drapeau
aux Français ; mais, malheureusement, il fut repris dans la charge
impétueuse des dragons, qu'il essuya quelque temps après. (Journal
de l'expédition anglaise en Égypte..., du capitaine Th. Watts,
traduit de l'anglais par M. A. T.. 2e
édition, in-8. Paris, 1829 Levavasseur).
(2)
Reynier ne dit pas principalement, mais en partie de Cophtes. Le
général Kléber avait complété l'effectif de la 21e légère par l'incorporation
d'environ 300 Cophtes.
(3)
Rappelons que c'est sur cette face que figuraient les inscriptions
réglementaires : République Française - Discipline et Soumission
aux Loix militaires.
(4)
Les documents anglais ne mentionnent pas les inscriptions de batailles
que le drapeau de la 21e légère dut recevoir en Egypte; mais dans
les instructions que donne Bonaparte à Berthier, le 2o septembre
1798, pour la fête du Ier vendémiaire il dit: ... on leur attachera
avec une épingle un écriteau en lettres d'or où sera écrit: prise
d'Alexandrie, BATAILLE DE CHEBRERISSE, BATAILLLE DES PYRAMIDES.
Cet
« écriteau», faiblement attaché, a pu facilement disparaître, soit
au cours de la bataille d'Alexandrie, soit même auparavant.
(5)
Nous avons trouvé dans une édition française de l'ouvrage de Wilson,
publiée à Londres en 1803 de nouveaux renseignements relatifs à
la prise par le soldat Lutz de ce drapeau de la 21e légère, qui
complètent, sans les modifier sensiblement, ceux que nous avons
déjà reproduits.
Lutz fut, à cette occasion, l'objet d'une distinction qu'il n'est
pas sans intérêt de relever, nous semble-t-il, car la tradition
s'en est perpétuée dans l'armée anglaise.
Copie d'un ordre du régiment de Minorque dit Stuart actuellement
appelé régiment allemand de la Reine, du 4 avril 1801.
Le soldat Anthony Lutz, qui prit le drapeau à l'ennemi le 21 du
mois dernier, est invité à porter, sur le bras droit, la forme
d'un drapeau, d'après le modèle choisi par le brigadier-général,
comme une marque de sa bonne conduite.
D'après un ordre postérieur, cet insigne devait être porté sur le
côté gauche de la tunique.
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