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La Belgique en 1801

 

     
Félix Faulcon fut successivement membre de l'assemblée constituante, du Conseil des Cinq-Cents et du Corps légisaltif de 1800 à 1804.
Il fit deux voyages en Belgique et en Hollande, en 1801 et en 1802, et il publia en 1805 ses notes de voyage dans un ouvrage intitulé "Voyages et Opuscules".
On y trouve, entre autres choses, des réflexions sur l'état d'esprit des Belges à cette époque (5 à 6 ans après l'annexion) mais aussi des observations sur la vie quotidienne.
   

 

Félix Faulcon, Voyages et opuscules, Paris 1805.

 
 

Paris - 30 messidor. [an 9 - juillet 1801]
Habitudes et Mœurs.
De retour à Paris depuis peu de jours, je veux profiter de mes premiers loisirs et du temps où j'ai encore la mémoire frappée de ce que j'ai vu, pour rassembler les observations successives que j'ai faites sur les pays divers que j'ai parcourus, autant du moins qu'une course rapide m'a permis de les recueillir : ces sortes de détails ne sont pas la partie la plus amusante d'un voyage ; mais ils en sont toujours la plus instructive.
Quant à la Belgique, déjà ce n'est plus la France : ce sont d'autres mets, d'autres lits, d'autres boissons ; c'est une autre forme de meubles, ainsi qu'une autre sorte de cuisine ; c'est de la bière qu'on boit ; c'est dans des assiettes d'étain qu'on mange ; c'est de la soupe sans pain et sans saveur ; ce sont des poissons et des gigots de mouton cuits à l'eau ; ce sont diverses sortes d'huiles fabriquées sur les lieux, et dont plusieurs répugnent à la fois au goût et à l'odorat.
On couche dans des lits inamovibles dont une partie, invariablement adossée contre la muraille, est nécessairement fort mal disposée pour ceux qui doivent y reposer : d'ailleurs, il arrive d'ordinaire que ces lits sont trop étroits et trop courts dans leurs dimensions comme dans leurs draps et couvertures, et il faut un grand bonheur ou beaucoup d'habitude pour ne pas se trouver tout nu dès le premier sommeil.
Au reste, il est difficile de rencontrer un pays qui soit plus riche en population, en industrie, en blé, et mieux fait pour devenir florissant sous un gouvernement sage et paternel.
La nature, partout si bienfaisante, en donnant à cette contrée de vastes plaines et très peu de bois, l'a gratifiée de mines inépuisables de houille, autrement dit charbon de terre, qui sert à chauffer les appartements et les cuisines, et dont une petite quantité suffit pour jeter une douce chaleur qui dure longtemps.
La main des hommes a beaucoup fait aussi pour l'avantage de ce pays : elle a multiplié le nombre des canaux navigables, et, partout où il se trouve des ruisseaux, elle a fécondé les campagnes qu'ils arrosent par la distribution la mieux entendue de leurs eaux.
Il est quelques contrariétés auxquelles doivent s'attendre ceux des voyageurs français qui parcourent les nouveaux départements de la Belgique et des bords du Rhin : d'abord, leur langue n'y est pas comprise par le peuple dont ils ne comprennent pas davantage les divers patois ; on leur parle tantôt brabançon, tantôt flamand, tantôt liégeois, tantôt mauvais allemand, et il est beaucoup de circonstances où il est fort désagréable d'être comme muet et de ne parler qu'à des sourds ; mais une incommodité beaucoup plus grave et surtout plus onéreuse est celle qui résulte de la diversité des monnaies.
On n'y reçoit qu'une partie des monnaies de France et encore toujours à perte ; on y donne en échange des pièces de toute nature dont l'arrivant ignore la valeur, comme florins, couronnes, demi-couronnes, escalins de Brabant, escalins de Liège, plaquettes, pièces d’Aix-la-Chapelle, etc.. etc. ... le désordre est tel dans cette partie, qu'à peine les propres habitants peuvent-ils y connaître quelque chose : qu'on juge combien les étrangers qui n'y connaissent absolument rien doivent être dupes, avant d'avoir acquis quelques éléments d'instruction!
(...)
Quant au caractère particulier des habitants de la Belgique et de la Hollande, j'ai demeuré trop peu de temps parmi eux, pour qu'il n'y eût pas de la témérité de ma part, malgré la continuité de mes observations, à prétendre m'en rendre juge ; je ne pourrais qu'en concevoir l'opinion la plus avantageuse, si je la formais sur les sociétés particulières où j'ai été admis, et où j'ai trouvé un aimable ensemble de cordialité, d'aisance, et de courtoisie.
Je dirai seulement des Belges, qu'en général et sauf plusieurs exceptions, ils m'ont paru soucieux, opiniâtres, peu communicatifs, peu enclins à la joie, et surtout peu disposés à sentir l'amour d'une patrie quelconque.
Ils ont prouvé souvent qu'ils n'étaient point amis de l'Autriche, et maintenant ils ne sont point Français de cœur ; ils ne peuvent pardonner à la France les torts qu'ont eus nos ex-gouvernants de leur envoyer habituellement pour administrateurs et pour juges des hommes souillés d'excès et tout à fait perdus dans l'opinion : d'après les nombreux exemples d'immoralité et de brigandage qu'ils ont eus sous les yeux, ils ont conçu des préventions très défavorables à tout ce qui porte le nom Français ; aussi, dans les lieux où j'étais bien connu, regardait-on comme une sorte de prodige de ce qu'ayant traversé aux premiers rangs les scènes orageuses de la révolution, j'ai pu conserver quelque réputation de probité et de droiture.

 

 

 

 

 

 

 

     

 

 

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