|
Le 7 septembre
1792, une délégation d’hommes libres de couleur présente
une pétition à l’Assemblée nationale demandant
à pouvoir se former en compagnies franches. Un décret
du même jour reconnaît leur zèle en formant une
Légion franche des Américains du Midi. (Il
faut noter ici que le terme "Américain"
désigne les habitants des Antilles, et non ceux des Etats-Unis.
Cette légion doit être composée de 800 chasseurs
à pied et 200 à cheval. Elle se forme à Paris
sous le commandement du chevalier de Saint-Georges. Celui-ci est
un mulâtre, fils d’un fermier général de la
Guadeloupe, né en 1749.
Le 7 novembre, la légion, forte alors de 400 hommes à
pied et 150 à cheval, quitte Paris pour se rendre à
Amiens.
Un décret du 6 décembre transforme la légion
- corps mixte de cavalerie et d’infanterie- en un corps de troupe
à cheval “à l’instar des chasseurs à cheval”.
Le corps prendra le numéro 13 dans cette arme. Il compte
alors sept compagnies sur les 8 prévues, dont seule la première
est composée d’hommes de couleur.
Le 21 février 1793, le régiment quitte Laon pour se
porter vers Lille où il doit achever son équipement,
afin de pouvoir entrer en campagne.
Le 25 février 1793, le général Bécourt
écrit de Lille au ministère de la guerre : Le
13e régiment de chasseurs dit St Georges est arrivé
ici avant-hier, il est dans un grand dénuement, je vous ferai
passer l'état de leurs besoins quand ils voudront me le donner
; ils n'ont que 14 officiers présents, 5 à l'armée,
treize manquent, ils s'amusent à Paris (...) voilà
le rapport du lieutenant-colonel Dumas ; une compagnie est sans
officier.
Ce lieutenant-colonel Dumas, il faut le signaler en passant, était
également mulâtre. Véritable force de la nature,
il accomplira des exploits dignes des héros de l’antiquité,
deviendra général, sera disgracié par Napoléon
et mourra en 1806. C’est le père de l’auteur des “Trois mousquetaires”.
Le 13e régiment de chasseurs à cheval, plus connu
sous le nom de hussards de Saint-Georges, prend part à la
campagne de Belgique. Le 5 mars 1793, il entre à Bruges.
Saint-Georges, au moment de la trahison de Dumouriez, fait échouer
une tentative du général Miazinski de s’emparer de
Lille.
Malgré ce fait, St Georges est dénoncé par
Dufresse, commissaire du pouvoir exécutif (mai 1793) :
"Saint-Georges est un homme à surveiller, criblé
de dettes. Il s’est avisé de lever un corps ; il lui a été,
je crois, accordé et payé 300.000 livres par la nation
pour fournir aux équipages de ses soldats qui, nonobstant
cela, ont de grands besoins. Je suis persuadé qu’il n’a pas
été affecté 100.000 livres aux besoins de ce
corps ; le reste a servi à payer les dettes de Saint-Georges,
qui affiche un luxe insolent et a, dit-on, à l’écurie
plus de 30 chevaux dont plusieurs coûtent 3,000 francs chacun."
Appelé à Paris pour rendre compte de ses agissements,
puis arrêté comme suspect, Saint-Georges est destitué
pour incivisme, en même temps que dix autres officiers de
son régiment (26 septembre 1793). On lit dans le Moniteur
du 22 brumaire an 2 (12 novembre 1793) :
"Le corps dit de Saint-Georges, 13e des chasseurs, était
le seul dont la composition pût ne pas inspirer toute confiance.
Il n’a pas échappé à la surveillance du ministre
de la guerre, qui vient de lui donner pour chef un vrai sans-culotte."
Saint-Georges ne recouvrira la liberté qu’à la chute
de Robespierre, le 9 thermidor.
Le 26 nivôse an 3, le 13e régiment de chasseurs à
cheval, qui avait été renforcé des dragons
de la Manche, de ceux de la Seine-Inférieure et de la cavalerie
de la légion batave, et le 13e régiment de chasseurs
bis, formé au moyen de la cavalerie de la légion
de la Moselle, de celle de la légion du Nord et de plusieurs
compagnies de cavalerie nationale, sont licenciés, et les
éléments de ces deux corps forment un nouveau régiment,
le 13e régiment de chasseurs à cheval.
D’après le général Thiébault, Saint-Georges
était véritable roi des armes et le premier homme
du monde en tout ce qui était agilité, force et adresse.
Il "dansait dans la perfection, montait à cheval
à merveille et patinait de première force ; il jouait
même du violon en artiste et composait des concertos que les
amateurs ont exécutés longtemps".
D’après lui, Saint-Georges se fit, à la tête
de son régiment, peu d’honneur : quelques personnes prétendirent
que les balles et les boulets, ne pouvant se parer, ne s’étaient
pas trouvées de son goût. Thiébault corrige
cependant en disant “le général Margaron, mon
ami et qui avait été le sien, m’a cependant assuré
qu’il était très brave”.
Le capitaine Choppin, dans son étude sur les corps francs
de cavalerie (le Spectateur militaire, 1891) écrit : "Saint-Georges
a conduit sa troupe avec beaucoup d’entrain, montré toujours
de l’enthousiasme et de la valeur devant l’ennemi."
Le peintre
brugeois Coppieters a dessiné un cavalier de la Légion
Saint-Georges (Musée royal de l’Armée, Bruxelles).
Il porte un habit assez semblable à celui que portait le
régiment Royal Allemand : bleu de roi, col, parements et
retroussis rouges, brandebourgs ou tresses blancs ; bonnet à
poil orné d’une flamme rouge. Cette tenue est confirmée
par un dessin anonyme qui se trouve dans une série conservée
dans la collection Anne S.K. Brown (Carnet de la Sabretache, 104,
1990). Le plumet est blanc à la base, bleu, et rouge au sommet.
La schabraque est bleu foncé, bordée d’un galon rouge
vers l’extérieur, et d’un galon plus étroit blanc,
vers l’intérieur.
|
|
|
|