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ACADEMIE
FRANÇAISE. Le cardinal de Richelieu l’avait instituée
en 1635 pour perfectionner la langue. Ses membres étaient
au nombre de quarante. Il n‘existait entre eux aucune distinction.
Cette compagnie avait un directeur et un chancelier qui se tiraient
au sort tous les trois mois, et un secrétaire perpétuel.
Elle nommait par la voix du scrutin aux places vacantes. Mais l’élection
était soumise à l'agrément du roi. L’académie
s’assemblait trois fois la semaine au Vieux-Louvre. Ses séances
n’étaient publiques que lorsqu’il y avait des réceptions,
et le 25 août, fête de Saint-Louis, où elle distribuait
alternativement des prix de poésie et d’éloquence
de la valeur de 600 livres. Dans les dernières années
elle décernait aussi le même jour des prix de vertu
et d’encouragement. Les Souverains et les princes qui voyageaient
en France se faisaient un honneur d’assister à ses séances.
Les écrivains les plus distingués les rendaient intéressantes
par la lecture de leurs productions inédites. A chaque assemblée
quarante jetons de la valeur de 3 livres étaient partagés
entre les membres présents. Le secrétaire seul avait
un logement au Louvre. La devise de cette académie était
à l’Immortalite.
Son dictionnaire de la langue française est le meilleur ouvrage
qu’on ait fait en ce genre.
Plusieurs hommes de génie ont manqué à sa gloire.
On cite particulièrement Molière, les deux Rousseau,
Piron. Mais il serait injuste d’en accuser les académiciens.
Leurs statuts excluaient tous ceux qui n’avaient pas d’état
civil, et tels étaient les comédiens, et les non-catholiques.
D’ailleurs le talent ne suffisait pas pour être admis. Il
fallait au moins ne s’être déshonoré ni par
des productions cyniques, ni par d’atroces libelles. L’auteur de
la Métromanie l’était aussi de l’Ode
à Priape, et plus d’une fois Jean-Baptiste Rousseau
avait fait de sa plume un poignard. Mais pour quelques écrivains
célèbres que l’académie elle-même regrettait
de n’avoir pu s’associer, que de grands noms l’ont immortalisée,
Corneille, Racine, Lafontaine, Boileau, Bossuet, Fénélon,
Massillon, Daguesseau, Crébillon, Fontenelle, Montesquieu,
Buffon, Voltaire !
En janvier 1789 elle comptait encore de dignes héritiers
de tant de gloire, Bailly, St. Lambert, Beauzée le premier
de nos grammairiens s’il ne manquait pas quelquefois de clarté ;
Delille nommé par Voltaire l’abbé Virgile ;
de la Harpe le Quintilien-Français, connu d’ailleurs par
trois bons ouvrages dramatiques, Varvic, Mélanie et Philoctète ;
Ducis qui a quelquefois égalé Sophocle dans son Œdipe
chez Admète ; Lemierre poète dur, mais plein
de verve, surtout dans ses tragédies d’Hypermnestre, et de
Guillaume-Tell : Maury que ses panégyriques de Saint-Louis
et de Saint Augustin ont placé au premier rang des orateurs
de la chaire ; le chevalier de Boufflers aussi aimable, mais
beaucoup plus instruit qu’Anacréon ; le comte de Choiseul-Gouffier
auteur d’un voyage de la Grèce, ouvrage utile et bien exécuté ;
Florian dont les fables sont lues avec plaisir par ceux qui aiment
le plus Lafontaine ; Daguesseau,digne de son nom ; Marmontel
à qui ses contes moraux, ses éléments de littérature,
Bélisaire, Bidon, Lucile, le Sylvain, l’Ami de la Maison
avaient mérité le suffrage de tous ses confrères
pour succéder à d’Alembert dans la. place de leur
secrétaire perpétuel.
L’abbé Barthélemi ne siégeait point parmi les
quarante en. janvier 1789 : Il y a été appelé
depuis : Anacharsis a fermé ce temple de la
littérature.
Le titre d’académicien était devenu un brevet d’honneur
qui figurait avec ceux de maréchal de France et de ministre.
Des ducs et pairs, des princes même l’ambitionnaient. Champfort
homme de beaucoup d’esprit, mais d’un talent médiocre, disait :
il y a de tout dans notre académie française, même
des gens de lettres.
Après la mort de Conrart, un grand seigneur fort ignorant
se présenta pour le remplacer. Patru, l’un des quarante,
détourna l’académie d’un tel choix par cet apologue :
un ancien grec avait une lyre admirable à laquelle il se
rompit une corde. Au lieu d’en remettre une de boyau, il en voulut
une d'argent, et la lyre n’eût plus d’harmonie. |
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