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Dernière modification le 23 août 2006.

2 décembre 1804, le couronnement

Un jour si funeste à la liberté...

  Le général Beauvais, auteur des Victoires et Conquêtes, fut témoin du couronnement de l'Empereur. Il a raconté l'impression mitigée que lui a laissé cet impressionnant spectacle :
 
 

Le nouvel empereur connaissait, par l'expérience des temps passés, l'appui que prête au trône une religion dominante. Il chercha donc à faire sanctionner par la religion romaine, dont il se vantait d'être le restaurateur en France, les droits qu'il avait usurpés, et il résolut de reproduire aux yeux du peuple cette cérémonie du sacre, pratiquée pour les rois ses prédécesseurs, et qu'il croyait propre à exercer une haute influence sur l'esprit du vulgaire; mais ce fut à la manière du souverain qui, comme lui, avait porté le titre d'empereur, du fils de Pépin, de Charlemagne, en un mot, qu'il voulut recevoir l'onction sacrée des mains du suprême pontife du culte catholique. Avec plus de philosophie, et surtout plus de connaissance de l'état actuel des lumières, Napoléon se fût convaincu que cette cérémonie était illusoire pour lui, si elle n'était pas ridicule ; il eût reconnu le danger de ressusciter les prétentions toujours exagérées des ministres de la religion, il eût ambitionné la gloire d'affranchir la France et les souverains de la dépendance ultramontaine, source de tant de troubles et de malheurs en Europe, dans les siècles précédents. Puisqu'il se donnait pour l'élu de la nation, Napoléon, au commencement du dix-neuvième siècle, eût dû démontrer au monde que l'intervention d'un pontife n'ajoute rien aux droits des princes, ni aux obligations des peuples. La raison publique, l'intérêt général, réclamaient cette innovation: Napoléon, en relevant le trône, s'en fût montré peut-être plus digne, s'il eût eu le courage de le rendre à sa destination véritable, imprescriptible, celle de protéger les peuples contre les invasions des ambitieux et des méchants. Il devait s'écarter du sentier suivi par le commun des princes, et chercher son appui dans l'amour de la nation, dans l'estime des contemporains, dans le respect des peuples voisins, et surtout dans cette confiance généreuse qu'obtient la supériorité, toutes les fois qu'elle ne veut être que défensive pour elle-même, et protectrice pour les autres. Puisque Napoléon empereur se dirigeait sur des errements anciens, que n'essayait-il, à l'imitation de Henri VIII, de créer dans l'État une religion nationale, indépendante de toute influence étrangère? Il n'eût peut-être pas rencontré, depuis, les obstacles qui ont embarrassé sa carrière ; il n'eût pas vu se déclarer contre lui ceux qui ne lui avaient prêté leur appui que dans l'espoir d'être protégés à leur tour : le chef de l'Église romaine n'eût pas donné le premier à l'Europe l'exemple de la résistance au joug de l'oppression impériale.
Ainsi donc Napoléon, oubliant que, lorsqu'il n'était encore que général, il avait hautement professé des principes contraires, entreprit de rabaisser sur les Français le voile que la révolution avait soulevé. C'est dans le double but de se concilier les prêtres, et d'en imposer à la multitude, en se montrant à elle comme l'oint du Seigneur, qu'il crut devoir employer le prestige de la religion pour mieux solenniser la cérémonie de son inauguration impériale; et, pour donner, ainsi que nous l'avons déjà dit, plus d'éclat à la pratique consacrée, pour éblouir encore plus les yeux déjà fascinés du peuple, il voulut que le pape lui-même, le chef de la milice chrétienne, répandît l'huile sainte sur le front de celui qui avait arraché la tiare au successeur des apôtres ; qui avait proclamé que Mahomet était le véritable prophète de Dieu. Charlemagne s'était du moins conformé aux idées théologiques de son siècle, en allant se faire sacrer à Rome; mais Napoléon exige que le souverain pontife vienne donner à Paris le spectacle imposant et inusité d'un pape obéissant humblement à la voix du monarque de la France.
D'après les antiques usages de la cour de Rome, le seul souverain auquel le pape dût conférer l'onction royale, était l'empereur d'Allemagne, en sa qualité de roi des Romains, de représentant des Césars, de successeur de Charlemagne. Les princes revêtus de ce titre s'étaient toujours soumis à venir recevoir, dans la basilique de Saint-Pierre, ce témoignage de la bienveillance du serviteur des serviteurs de Dieu. Quelles raisons purent donc déterminer Pie VII à s'écarter d'une règle jusqu'alors invariable, et à entreprendre un voyage de cinq cents lieues, dans la saison la plus rigoureuse, pour légitimer les droits d'un soldat qui venait de placer sur sa tête le diadème impérial ? On a dit qu'il existait d'étroites liaisons entre le pontife et le guerrier, avant que l'un portât la tiare, et que l'autre s'emparât du sceptre; on a ajouté que le modeste évêque d'Imola devait à ces liaisons
la remise des clefs de saint Pierre entre ses mains. S'il faut ajouter foi à ces récits, ce serait donc la reconnaissance qui aurait entraîné Pie VII dans cette singulière démarche ; selon d'autres versions, Bonaparte consul aurait imposé cette condition expresse au successeur de Pie VI, en le mettant en possession des États laissés à l'Église romaine par le traité de Tolentino. Enfin, quelques écrivains ont voulu décider la question, en avançant que Napoléon employa les menaces, la violence même, pour le forcer à venir orner son triomphe.
Quoi qu'il en soit, le pape partit de Rome le 3 novembre, accompagné de quatre cardinaux, de deux archevêques et d'une suite nombreuse. La marche du souverain pontife, en Italie et en France, fut signalée par les hommages des fidèles au chef de la religion apostolique : Napoléon avait donné des ordres pour que, sur tout son passage, on rendît à Pie VII les honneurs dus à sa dignité et au ministère dont il allait s'acquitter à Paris. Le pape, parvenu à Fontainebleau le 25 novembre, rencontra, au lieu dit la Croix-de-Saint-Hérens, l'empereur des Français, qui s'était porté au devant de lui avec un brillant cortège, et il arriva le 29 à Paris, où l'empereur lui avait fait préparer un appartement dans le palais des Tuileries.
Napoléon avait convoqué dans la capitale des députations de toutes les autorités administratives et judiciaires, de toutes les gardes nationales de l'empire, de tous les corps militaires, les présidents des arrondissements de chaque préfecture, les maires des principales villes, etc. Indépendamment de ce surcroît de population, Paris vit accourir dans ses murs une multitude de curieux, empressés d'assister à une solennité dont la renommée exagérait encore la splendeur; les étrangers eux-mêmes vinrent pour admirer le complément de la fortune la plus extraordinaire du siècle. La cérémonie du sacre eut lieu le 2 décembre, et les fêtes données à cette oc
casion furent au dessus de ce que l'imagination avait pu se figurer. Le ciel, qui parut tant de fois si favorable aux desseins du souverain de la France, contribua à l'éclat de cette journée. La neige était tombée, la veille, sans interruption ; mais, le 2 décembre, le soleil se leva radieux, pour éclairer un jour si funeste à la liberté.
C'est à travers un concours immense de spectateurs de tout âge, au milieu du cortège le plus imposant, que le pape, Napoléon, et Joséphine son épouse, se rendirent à l'église métropolitaine de Notre-Dame, où devait s'effectuer la double cérémonie du sacre et du couronnement. Pie VII officia pontificalement et avec toute la pompe de l'Église romaine. Le nouvel empereur avait fait présent à la cathédrale de vases sacrés en vermeil et enrichis de diamants, d'ornements magnifiques, et généralement de tous les objets nécessaires au service divin (1). Napoléon et Joséphine furent oints de l'huile sainte sur le front et sur les deux mains. En attendant que les prières du sacre fussent achevées, l'empereur et l'impératrice furent s'asseoir sur leur trône, d'où ils s'avancèrent une seconde fois vers l'autel pour la cérémonie du couronnement. Immédiatement après que le pape eut béni les deux couronnes, Napoléon saisit brusquement celle qui lui était destinée, et se la plaça lui-même sur la tête, comme pour donner à entendre qu'il ne la tenait que de Dieu et de son épée : Charlemagne, moins hardi, avait reçu la sienne des mains du pape; mais Napoléon ne se piqua point d'imiter en cela la conduite de son modèle. Il prit ensuite l'autre couronne, et la posa sur le front de l'impératrice, qui était restée à genoux au pied de l'autel.
Quand l'office divin fut achevé, l'empereur, assis, la couronne sur la tête, et la main sur le livre de l'Évangile, que
tenait le grand-maître des cérémonies, de Ségur, prononça, devant les trois présidents du sénat, du corps législatif et du tribunat, le serment dont nous rapportons la formule:
« Je jure de maintenir l'intégrité du territoire de la république; de respecter et faire respecter les lois du Concordat et la liberté des cultes; de respecter et faire respecter l'égalité des droits, la liberté politique ou civile, l'irrévocabilité des ventes des biens nationaux; de ne lever aucun impôt, de n' établir aucune taxe qu'en vertu de la loi ; de maintenir l'institution de la Légion d'Honneur ; de gouverner dans la seule vue de l'intérêt, du bonheur et de la gloire du peuple français. »
Après quoi, le chef des hérauts d'armes s'écria d'une voix forte et élevée : « Le très-glorieux et très-auguste empereur Napoléon, empereur des Français, est couronné et intronisé : Vive l'empereur ! » Les voûtes de la basilique de Notre-Dame retentirent au même instant de cris répétés de Vive l'empereur ! Vive l'Impératrice ! Les deux époux sortirent ensuite de l'église, au bruit des mêmes acclamations, dans le même ordre et avec le même cérémonial qu'ils y étaient entrés. Témoins de ce spectacle extraordinaire, nous devons avouer que rien ne nous parut jamais plus imposant et plus majestueux. Toutefois, un sentiment pénible se mêla spontanément dans notre âme, à l'admiration que la vue de toutes ces choses y excitait, et nous ne les envisageâmes plus que comme le prélude de l'esclavage de la nation. Pendant trois jours, les fêtes et les réjouissances ne cessèrent point dans la capitale du nouvel empire ; mais le charme était détruit à nos yeux : les festons de fleurs qui ornaient les monuments publics, nous parurent des chaînes de fer, que l'éclat des illuminations nocturnes ne dissimulait plus.

 

 

 

 


 
  (1) Tous ces objets précieux forment encore aujourd'hui le trésor du chapitre de Notre-Dame. (retour au texte)  

 

 

 

 

 

 

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