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Insurrection de Nancy, août 1790

     

 

L'Art de vérifier les dates depuis l'année 1770 jusqu'à nos jours, Tome 1er, Paris 1821, page 30.

   
 

Toute l'armée était, à cette époque, livrée à une effroyable insubordination. La garnison de Nancy, surtout, portait à l'excès l'indiscipline ; et, sous prétexte que les officiers lui faisaient d'injustes retenues, elle allait souvent jusqu'à les maltraiter, jusqu'à les consigner. Ces scènes de désordre se passent dans l'intervalle du 16 au 31 août 1790. L'assemblée nationale, en ayant été instruite, prend les mesures les plus vigoureuses pour réprimer l'anarchie militaire. Elle rend, sous l'inspiration du comte de Mirabeau, un décret sévère contre la garnison de Nancy. Cette garnison était composée de trois régiments, celui du Roi, celui de Mestre-de-Camp, cavalerie, et le régiment suisse de Châteauvieux. M. de Malseigne, officier distingué parles sentiments d'un excellent Français, et remarquable par une force de corps prodigieuse, est chargé d'aller lire à la garnison rebelle de Nancy le décret qui lui ordonne de rentrer dans le devoir. Les deux régiments français écoutent avec une vive impatience la lecture du décret; mais le régiment de Châteauvieux se montre encore plus emporté dans son insubordination. Il menace M. de Malseigne ; un soldat d'abord veut l'arrêter, en lui présentant la baïonnette ; l'officier français l'écarte, et se retire: il a bientôt affaire au régiment tout entier, et ce n'est qu'après une lutte opiniâtre et qui honore à jamais son courage et son dévouement, qu'il lui est permis de gagner sa maison. Le lendemain d'une journée où il a couru de si grands dangers, vers midi, il part pour Lunéville, où résident huit escadrons de carabiniers. Lorsqu'il est près d'arriver dans cette ville, il se voit poursuivi par plusieurs cavaliers de la garnison de Nancy ;heureusement il aperçoit en ce moment sur la route un détachement des carabiniers de Lunéville ; il les somme de lui prêter main-forte, ils obéissent, et il revient à leur tête contre les cavaliers rebelles ; il en blesse neuf ou dix, et met le reste en fuite. Le lendemain, toute la garnison de Nancy, irritée du traitement qui a été fait à ses soldats, vient à Lunéville pour en demander vengeance. Les carabiniers qui, la veille , avaient prêté à M. de Malseigne un appui généreux, ont la lâcheté de le trahir ; ils le surprennent dans le sommeil, et le livrent pieds et poings liés à la garnison révoltée. Dans le même temps, celle-ci maltraitait et arrêtait un grand nombre de ses officiers.
M. le marquis de Bouillé était alors gouverneur militaire à Metz ; son gouvernement se composait des anciennes provinces de la Lorraine , des trois évêchés, de l'Alsace et de la Franche-Comté. Ce général, loin d'imiter la conduite de tous les officiers qui avaient fait la guerre d'Amérique, était entièrement dévoué à la famille royale, et s'était déjà fait connaître par quelques actes opposés à la révolution. Aussitôt qu'il est instruit que la garnison de Nancy s'est mise en pleine révolte, il compose à la hâte une petite armée de la garde nationale de Metz, et d'un régiment suisse ; et, le 31 août, marche à sa tête contre les rebelles. Déjà il est près des murs de Nancy ; les rebelles s'effrayent; ils lui envoient des députés ; il leur répond avec inflexibilité : il exige qu'on mette sur le champ en liberté tous les officiers arrêtés, qu'on pose les armes, et qu'on sorte de la ville. La première condition est remplie; et déjà les révoltés s'apprêtaient à remplir les deux autres, lorsque le régiment de Châteauvieux, campé à la porte Stainvîlle, voyant que ce sont des Suisses, des compatriotes, qui marchent contre lui, s'abandonne à la fureur, et se prépare à combattre. Le beau, le noble dévouement d'un jeune officier du régiment du Roi, M. Désilles, ne peut fléchir sa colère. Ce généreux jeune homme s'est placé à l'embouchure d'un canon ; rien ne peut l'en arracher, et il s'y tient cramponné, jusqu'à ce que, percé de plusieurs coups de feu, il tombe sans connaissance. Huit jours après, ce brave officier meurt de ses blessures. Cependant les soldats de Châteauvieux tirent leur canon contre leurs compatriotes ; c'est le signal du combat. L'armée de M. de Bouillé, enflammée de fureur, se précipite dans la ville par la porte Stainville, poursuit avec acharnement les rebelles, leur tue et leur blesse un grand nombre d'hommes ; le désordre est à son comble dans la malheureuse ville de Nancy. Heureusement le régiment du Roi ne peut venir prendre part au combat ; il s'est tenu enfermé dans sa caserne, par les conseils de ses officiers. Sans cette sage précaution, Nancy avait tout à craindre des fureurs du soldat. Les révoltés, poursuivis partout vigoureusement, se sont retirés dans les maisons ; et des fenêtres et des toits, ils combattent encore l'armée fidèle de M. de Bouillé. Enfin, au bout de trois heures de résistance, à sept heures du soir, le combat finit ; les rebelles se soumettent , et implorent leur pardon par l'organe de leurs officiers M. le marquis de Bouillé déploie, dans cette circonstance, toute la fermeté nécessaire, et mérite de justes éloges. L'assemblée nationale se charge de prononcer le jugement des soldats français qui ont si fort compromis, par leur révolte, la tranquillité publique. Quant aux Suisses, il sont livrés à la justice de leur régiment ; dix-sept d'entr'eux sont pendus, et vingt-deux envoyés aux galères.

  Désilles  
      Régiments suisses  
 

 

  Kellermann  
 
 

Régiment de Châteauvieux

 

Insurrection de Nancy

 

 
         

 

 

 

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