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Au jour, le 18 juin, chacun essuyait ses armes et bientôt
l'attaque générale commença. Ce fut Ney qui,
trompé par l'ennemi, donna avec la cavalerie de la garde
contre des carrés d'infanterie anglaise, disposés
à dessein pour nous attirer, mais soutenus par des réserves
masquées d'artillerie et de cavalerie. Quelques carrés
furent, il est vrai, enfoncés, et des drapeaux pris, mais
notre élite de cavalerie avait été écrasée.
Le premier acte de ce grand drame était pour les Anglais.
À midi, le corps du comte d'Erlon, de l'extrême droite,
s'ébranla contre la gauche ennemie, vers la Haye-Sainte.
Nous étions formés par bataillons échelonnés.
Aucun carré ne pouvait nous servir de point d'appui en cas
de retraite. Le général Marcaguet, en se portant en
avant, proposa au général d'Erlon de former une de
ses brigades en carré, attendu la hauteur des blés
et des seigles et les vallons boisés que nous traversions.
«Allez en avant, répondit d'Erlon, n'ayez
pas peur.»
Nous allâmes donc en avant, en répondant, au milieu
des boulets, des obus, des feux à la Congrève et des
balles, que nous n'avions pas peur ! Nous atteignions, l'arme au
bras, sans avoir fait sortir un seul tirailleur de nos rangs ni
riposté un seul coup à l'ennemi, le point de la ligne
anglaise, lorsqu'un corps de cavalerie, ventre à terre, tomba
sur nous, passa devant nous, les généraux, sans nous
menacer, et tourna les bataillons par derrière, les uns après
les autres ; ces bataillons, sans brûler une amorce, se formèrent
en rond, élevant leurs baïonnettes au-dessus de leurs
têtes pour parer les coups de sabre. Ainsi cette cavalerie,
après avoir désuni les troupes qui tombèrent
sous ses coups les premières, continua de les enfermer jusqu'à
la queue de notre colonne. Là se livrait une bataille sur
notre flanc gauche. Les cuirassiers du général Lefebvre-Desnouettes
sabrèrent et anéantirent à leur tour cette
cavalerie anglaise.
J'avais été blessé d'une balle à la
main gauche, étant sur mon cheval ; je ralliai, revenant
en arrière, quelques débris de ma brigade sur le lieu
d'où nous avions commencé notre marche en avant. Là
je me fis panser, mais refusai nettement de me laisser enlever la
main.
A trois heures de l'après-midi, nous vîmes sur notre
droite, un peu en arrière de nous, les Prussiens échappés
au maréchal Grouchy. Le comte de Lobau, avec sa réserve,
marcha contre eux, mais, inférieur en forces, dut battre
en retraite. Nous suivîmes ce mouvement vers cinq heures.
Alors, et après les derniers efforts tentés sur le
centre par l'Empereur, l'armée toute entière se replia
par Genape, les Quatre-Bras, vers Charleroi.
(...)
Les deux colonels de ma brigade furent blessés. Leurs régiments
étaient les 23e et 63e de ligne.
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