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Rapport à Wellington
sur l'état de la France,
du 22 avril 1815

 

Supplementary Despatches, Correspondence and Memoranda of Field Marshal Arthur, Duke of Wellington, K. G., edited by his son, (...) Vol. 10, (March to July, 1815), London, 1863 :

   
 

Correspondant B. à Son Excellence Monseigneur le Feld Maréchal Duc de Wellington.

Nouvelles de Paris, du 22 Avril 1815.

Bruxelles, le 25 Avril 1815, à 11 heures du soir.

     
 

Sur le Gouvernement de Buonaparte.

Il est difficile de s'imaginer l'activité que met le gouvernement de Buonaparte à organiser une nombreuse armée. Tous les raffinements d'administration, toutes les ressources que peuvent offrir un état presque délabré et des finances épuisées, en un mot, tous les calculs d'économie politique qui avaient autrefois formé l'une des principales bases sur lesquelles reposait la puissance de Buonaparte, sont mis en mouvement avec une vigueur redoublée. C'est par ces moyens extraordinaires qu'il cherche dans sa position actuelle à étayer un pouvoir qui disparaîtrait au moment où la nullité en serait démontrée au peuple français.
Entre les ressorts multipliés qu'on fait agir aujourd'hui en France, il en est deux puissants, qui sont, la constitution dont Buonaparte berce le peuple, et le prétendu changement opéré dans son caractère. Comme il a toujours aimé à passer pour un homme extraordinaire, ses partisans s'efforcent encore en cette occasion de prêter à son génie quelque chose de merveilleux ; tandis que dans toutes ses actions on voit évidemment ses craintes et sa défiance envers la nation, présages sûrs de l'avenir qui l'attend. Cependant, il ne néglige rien de tout ce qui lui est suggéré par les hommes qui ont opéré son retour, et dont le salut est désormais inséparable du sort de Buonaparte. Carnot, Fouché, Caulaincourt, Savary, Maret, Cambacérès, Regnaud, Ney, Suchet, sans nommer une quantité d'autres personnes de rang inférieur, sont les principaux instruments de Buonaparte. Ces hommes, en variant à l'infini les ressources et le pouvoir que Buonaparte leur laisse, étendent à l'infini les branches qui toutes sortent de la même souche. C'est ainsi que Carnot travaille l'intérieur, qu'Eckmuhl façonne l'esprit de l'armée, où ils entretient des agents qui répandent des nouvelles propres à former la morale du soldat. C'est ainsi que Maret, Caulaincourt, Savary, et Fouché envoient des agents dans toutes les parties de l'Europe, pour y épier la disposition des cabinets, et pour y déployer toutes les intrigues dignes du machiavélisme de Buonaparte. J'ose appeler sur ce point l'attention de Son Excellence. Il y a beaucoup de personnes qui avaient suivi le Roi, et qui retournent successivement en France. Ces personnes, pour faire leur cour aux nouveaux gouvernants, ne manquent jamais de les informer de tout ce qui peut les intéresser. J'ai vu même, les jours derniers, arriver de Bruxelles un officier français déguisé en bourgeois ; je l'avais vu quelque tems auparavant à Paris, en uniforme et avec la croix de la Légion d'Honneur. Cet officier se rendait en hâte à Paris. Je crois à propos de remarquer ici à Son Excellence que M. Lavalette, directeur-général des postes, a donné ordre à tous les bureaux de postes, sur les différents points de la France, d'arrêter tous les journaux étrangers, et de ne pas répondre aux abonnés qui les réclameraient ; de sorte que le gouvernement est le seul qui les reçoit, et qui en fait extraire ce qui convient à ses intérêts ; tandis que la vérité est cachée au public. Aussi son ignorance est-elle entière sur ce qui se passe à l'extérieur ; et il est par conséquent aisé de lui faire accroire tout ce que le gouvernement juge à propos de lui communiquer. Toutes ces précautions, cependant, n'empêchent pas de manifester de temps en temps le mécontentement qui règne dans la capitale. On y a arrêté un grand nombre de personnes qui, usant de la prétendue liberté d'opinion, ont osé hautement la manifester. On a aussi arrêté plusieurs militaires.

     
 

Esprit de l'Armée et des Habitants.

Je ne dissimulerai point à Son Excellence que si l'enthousiasme dans l'armée est au-dessous de toute expression, une apathie complète règne dans le peuple. Il est aisé d'assigner la raison de l'enthousiasme du soldat. D'abord, oubliant son ancien orgueil et son despotisme, Buonaparte se montre aujourd'hui comme simple général, comme père du soldat ; loin de souffrir ces épargnes minutieuses que le gouvernement de Louis XVIII a fait exercer au détriment de tant de milliers d'officiers, la plupart sans fortune, Buonaparte les a mis à même de reconnaître un bienfait qu'ils ne pouvaient plus attendre du Roi. Ensuite, il a confirmé presque toutes les promotions dans l'armée, et autorisé les décorations de la Légion d'Honneur qui avaient été accordées par le Roi.
Mais il y a en outre d'autres motifs qui animent l'armée. Le gouvernement fait répandre dans toute la France que l'Autriche ne fera pas la guerre à Buonaparte ; que l'armée Napolitaine est victorieuse ; que les puissances alliées ne sont pas d'accord entre elles ; que l'Angleterre est la première à entrer en négociation avec lui ; enfin, mille semblables mensonges. Il a été établi à cet effet un véritable atelier de fabrication de nouvelles, dirigé par un membre de l'Institut, créature du Général Savary, et autrefois secrétaire de Maret. C'est là où l'on fabrique des lettres de Vienne, Venise, Bruxelles, &c. ; et comme la liberté de la presse n'existe que nominativement, mais que le peuple dans les provinces croit véritablement exister, on ajoute une foi implicite à tout ce qui est débité dans ces feuilles mensongères. De là vient que l'armée française ne croit point qu'on fera la guerre à Buonaparte, qu'elle regarde déjà comme fermement rassis sur le trône, et qu'elle fait des paris pour la paix.
L'esprit dans le peuple français est bien différent de celui de l'armée. La capitale en présente un exemple frappant ; l'inquiétude et la tristesse sont peintes sur tous les visages. Le commerce est dans une entière stagnation ; les impositions sont demandées avec sévérité. La circulation de l'argent est gênée; la solde de l'armée ne se paye que par des à-comptes ; et les fournisseurs ne couvrent que difficilement les avances qu'ils sont obligés de faire.

     
 

Forces armées.

On estime qu'avec tout ce qui a pu rentrer jusqu'à présent dans l'armée active, soldats en congé limité ou illimité, ou prisonniers de guerre, Buonaparte peut avoir une armée de 250 mille hommes ; mais il rencontre la plus grande difficulté à former une cavalerie, qui dans ce moment n'excède pas vingt mille hommes. Cependant, comme ses conseillers ne manquent jamais de quelqu'expédient, ils lui ont suggéré le moyen suivant : Les préfets, les commandants de départements, les maires, etc., ont reçu des instructions pour disposer la gendarmerie dans les départements à offrir leurs chevaux à Buonaparte, ce qu'elle fit en effet, bon gré mal gré ; et l'on compte qu'il a acquis de cette manière, tout-à-coup, vingt mille chevaux dressés, qu'il a promis de rembourser après les affaires arrangées. Depuis ce don volontaire personne ne doute en France qu'il ne fasse de même avec les propriétaires pour les chevaux de trait, dont il a un grand besoin.
Les forces françaises sur la ligne qui avoisine la Belgique sont évaluées par les officiers de la garnison de Valenciennes à 80 mille hommes ; mais d'après les données que j'ai eues des fournisseurs on peut les estimer à 60 mille. Le général d'Erlon, qui commande, à Lille et aux environs, le 1er corps d'armée d'observation, a trois lieutenants-généraux sous ses ordres, dont l'un est le Général Donzelot. La garnison de Lille est forte de huit mille hommes ; la place est bien armée et bien approvisionnée.
Le Général Reille commande le 2e corps d'armée d'observation, et a son quartier-général à Valenciennes ; il a également trois lieutenants-généraux sous ses ordres, dont l'un est le Général Barrois, et l'autre Excelmans : ce dernier commande la cavalerie, composée de trois régiments, savoir, les chasseurs du Duc de Berri, le 6e de lanciers, et le 7e de hussards.
Le 1er régiment d'infanterie de ligne, ou régiment du Roi, le 29e de ligne, le 2e d'infanterie légère, et un fort détachement du 7e de hussards forment la garnison de Valenciennes, qui, comme place de guerre de seconde classe, est bien armée et bien approvisionnée.
Je dois finalement ajouter que l'état actuel de la France ressemble parfaitement à celui de 1792 ; que si Buonaparte remportait des avantages, il chercherait à soulever les peuples voisins ; que les officiers font déjà entendre qu'il faudrait faire la guerre aux Souverains, et offrir aux peuples une constitution libérale ; qu'enfin le moment était arrivé de réaliser ce que le peuple Français voulut effectuer en 1792. Aussi cherche-t-on à nationaliser la guerre, à enflammer les esprits, afin d'obtenir les mêmes résultats. Mais quant au peuple Français, il paraît entièrement revenu de ce vertige ; et tout le monde est d'avis, que malgré l'appel pompeux de deux millions de gardes nationaux, il ne marchera aucun citoyen hors de son département, à moins d'être forcé par la baïonnette. La garde nationale parisienne déclare d'avance ce sentiment ; et Buonaparte a pu voir à la dernière revue de cette garde combien peu il doit compter sur ses services. Les journaux avaient annoncé que les douze légions avaient défilé pendant deux heures ; mais le fait est qu'il n'y avait qu'à peu près 6.000 hommes présents sous les armes, ce qui fait bien les cadres des douze légions parisiennes. Il est à remarquer que les employés du gouvernement, qui sont presque tous membres de la garde nationale, ne s'étaient point présentés le jour de la revue.
Je prends la liberté d'observer finalement à Son Excellence que plus on laisse de temps à Buonaparte, plus le peuple français et l'armée se persuadent que les puissances alliées sont prêtes à le reconnaître ou qu'elles le craignent ; et voilà ce que disent déjà les officiers. Il est certain qu'à la première déclaration des hautes puissances lancée contre Buonaparte seul, sa cause deviendrait désespérée, et que le courage de ceux qui haïssent son gouvernement sera aussitôt relevé pour opérer peut-être d'une manière avantageuse aux vues des puissances alliées.
Mais je dois répéter ici de nouveau, d'après tous les renseignements que j'ai recueillis sur l'opinion publique à l'égard des Bourbons, que cette famille a perdu en France tout son crédit; qu'on n'en veut plus ; et que la majorité de la nation préférerait plutôt d'appartenir à l'Angleterre ou à l'Autriche que de rentrer sous la domination de ces princes. J'ai moi-même entendu plus d'une fois exprimer ce sentiment même par des militaires.

B.

     

 

 

Rapport à Wellington sur l'état de la France, du 22 avril 1815

     

 

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