Le Portugal vivait en paix avec la France depuis
le traité de Madrid, conclu le 29 septembre 1801. Le gouvernement
portugais s’efforçait de maintenir la neutralité entre l’Angleterre
et la France, et de résister aux pressions exercées par chacun de
ces deux pays, pour l’entraîner dans son camp. En août 1806, une
escadre britannique mouilla devant Lisbonne pour faire pression
sur le cabinet de Lisbonne et pour le déterminer à entrer dans les
vues du gouvernement de Londres, mais ce fut en vain. Cependant,
l’attitude de Lisbonne ne satisfaisait pas davantage Napoléon, qui
reprochait aux Portugais de continuer à admettre les navires britanniques
et leurs cargaisons dans leurs ports, allant ainsi à l’encontre
de la philosophie politique que Napoléon tentait d’imposer à l’Europe
par l’application du blocus continental, décrété à Berlin le 21
novembre 1806. Napoléon, ne pouvant admettre une entorse à son système,
se résolut à assurer la fermeture des ports portugais par ses troupes.
C’est pourquoi, après avoir rassemblé un corps de troupes autour
de Bayonne sous la dénomination de premier corps d’observation de
la Gironde, il fit adresser à la cour de Lisbonne un ultimatum lui
enjoignant de fermer rigoureusement les ports du Portugal à l’Angleterre
et de faire arrêter tous les sujets britanniques se trouvant sur
le territoire portugais. Le Prince-Régent eut beau se soumettre
aux injonctions de l’Empereur, celui-ci, qui avait décidé que la
maison de Bragance avait cessé de règner, avait déjà mis ses troupes
en marche (le 17 octobre 1807), sous la conduite du général Junot,
et elles ne devaient s’arrêter qu’à Lisbonne. Pour prix de la complaisance
que l’Espagne - ou plutôt la cour de Madrid- mettait à vouloir seconder
l’Empereur dans son projet, un traité secret fut signé à Fontainebleau
le 27 octobre qui prévoyait la division du Portugal en trois morceaux,
dont l’un devait être érigé en royaume au profit du roi d’Etrurie,
prince de la maison d’Espagne, un deuxième devait être donné au
favori de roi et de la reine d’Espagne, Manuel Godoy; quant au sort
de la troisième partie, il devait être ultérieurement fixé.
Après la marche la plus pénible et la plus
affreuse que jamais une armée s’avançant pour combattre ait osé
entreprendre , comme la qualifia le général Thiébault, chef
d’état-major de l’armée, Junot entra à Lisbonne le 30 novembre 1807,
à la tête de soldats harassés, à peine en état de se soutenir. Il
annonça qu’il venait sauver l’indépendance du Portugal en fermant
ses ports aux navires et aux marchandises anglaises, ce qui était
dans l’intérêt bien compris de ce pays.
Le
prince-régent avait quitté précipitamment sa capitale pour se réfugier
au Brésil, et , grâce à l’imprévoyance de l’ancien gouvernement,
à l’effet de surprise, et au fait que la légion de police
de Lisbonne était commandée par un Français, le comte de Novion,
Junot put prendre en main l’administration du pays et procéder à
son démembrement. L’armée portugaise fut disséminée.
(à suivre.)