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Malte-Brun

 

     
Quelques réflexions sur la situation du royaume des Pays-Bas en 1821 par le célèbre géographe (d'origine danoise) Malte-Brun :    

 

Nouvelles Annales des Voyages, de la Géographie et de l'histoire, ou recueil (...) Tome IX, 1821

   
  (...)
Les Pays-Bas, quoique tranquilles sous un gouvernement équitable , ont continué à offrir des preuves journalières de la vérité des observations que nous avons présentées dans notre tableau précédent sur l'absurdité d'une réunion intime et absolue entre la Belgique et la Hollande. Nous avons insisté sur l'opposition de l'intérêt commercial des Hollandais avec l'intérêt agricole des Belges, sur l'impossibilité d'avoir une assemblée délibérante unique dans un pays où il existe quatre ou cinq idiomes dont aucun ne peut être aboli (1), enfin sur le peu de compatibilité d'une dynastie protestante avec une majorité de sujets catholiques. Nous avons indiqué un remède; nous n'avons rien à y ajouter. Le but du congrès de Vienne, de placer aux portes de la France une puissance secondaire susceptible d'une résistance quelconque contre l'ambition d'un nouveau Louis XIV, est tout-à-fait manqué.
 

Royaume des Pays-Bas

 

 

 

 
 

Ce royaume nouveau n'a pas même un nom, adopté en commun par les habitants ; car ceux qui le nomment les Pays-Bas et ceux qui l'appellent le Neerland , se traitent réciproquement d'étrangers et d'ennemis.
Une simple discussion législative a fait éclater aux yeux des observateurs attentifs ce schisme moral et politique de la Hollande et de la Belgique, ou, comme on dit ministériellement, des
provinces septentrionales et des provinces méridionales. Un jurisconsulte savant, M. Kemper, avait été chargé par le gouvernement de rédiger un nouveau code civil ; il y a mis bien du savoir, de la prudence et du talent ; ses définitions générales préalables étaient d'une justesse et d'une précision admirables, quoique peut-être trop minutieuses ; elles étaient en partie tirées de Domat, de Potbier. On pouvait les modifier, les repousser même comme inutiles ; mais tout a été décidé par un motif que l'esprit de parti pouvait seul dicter. « Le code civil français est ce qu'on a vu de plus parfait en législation. Comment un Hollandais, un Néerlandais a-t-il pu le réformer? Qu'il retourne dans ses marais ! Ce n'est pas aux Néerlandais à donner des lois à un peuple hautement civilisé, à un peuple qui a participé aux immortelles lumières de la révolution française ! » Telles sont les déclamations par lesquelles on repousse la révision d'un code que personne n'admire en France, pas même les libéraux les plus ignorants, d'un code particulièrement contraire aux intérêts d'un pays agricole comme la Belgique. Mais il faut soutenir la révolution française et proclamer la haine contre les Hollandais ; voilà tout le système du parti français à Bruxelles.
Comme cette discussion continue encore et continuera longtemps, il faut voir si, lors de la
présentation des articles positifs, le bon sens des Belges ne prévaudra pas sur l'esprit de parti.
On a vu , dans les discussions des états-généraux des Pays-Bas , combien une circonstance, puérile en elle-même, peut donner d'audace aux esprits essentiellement faux et légers qui adoptent aveuglément les systèmes de la révolution française. Parler et écrire le français avec correction, avec élégance, est assurément un mérite essentiel dans un Français ; mais, dans tout autre Européen, c'est un avantage étranger aux grandes qualités de l'homme public, du savant, et même du littérateur. M. Pitt et M. Fox, avec leur accent anglais, étaient certainement des hommes d'état fort supérieurs à tel prince russe qui enchante les dames parisiennes par son ton et son langage ; les poèmes de Byron, de Goethe, d'Alfieri, survivront assurément aux vers français de Frédéric II et du prince de Ligne. Eh bien! le parti de l'opposition à Bruxelles est d'avis que, lorsqu'on ne parle pas le français avec toute la pureté brabançonne, on n'est pas digne de donner des lois aux Belges. Des hommes d'Etat hollandais ont eu la faiblesse de vouloir s'exprimer dans une langue qui leur est étrangère. Chaque faute de grammaire qui leur est échappée a été considérée comme une preuve du peu de capacité de ces pauvres Néerlandais. Nous qui lisons avec la même impartialité les discours dans l'une et
l'autre langue, nous ne pouvons nous empêcher de reconnaître dans les Hollandais plus de vues politiques et plus de connaissances administratives que dans leurs concitoyens méridionaux.
Nous parlerons, dans un autre endroit, des relations coloniales de ce royaume.

     
  (1) Le hollandois est parlé par deux- millions ; le français par un ; le wallon ou françois gaulois pur un million et demi, et le flamand par six à sept cent mille.      

 

 

 

     

 

 

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