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TRELLIARD
(le Comte Anne-François-Charles), lieutenant-général,
commandeur de la légion-d'honneur, chevalier de Saint-Louis,
né à Parme, le 9 février 1764, d'une famille
noble française. Il entra au service dans le régiment
de la Reine-dragons, comme cadet gentilhomme, le 6 novembre 1780
; il fut nommé sous-lieutenant le 19 octobre 1781, lieutenant
le 28 avril 1788, et passa, avec le même grade, au 3e régiment
de chasseurs a cheval, le 25 janvier 1792 ; capitaine au même
corps le 6 août de la même année, lieutenant-colonel
au 11e de chasseurs à cheval le 7 avril 1793, colonel au
même régiment le 15 fructidor an 2, général
de brigade le 24 fructidor au 7 ; il fut enfin nommé général
de division le 3 décembre 1806. Il a fait les campagnes de
1792 et 1793 aux armées du Nord, de la Moselle et des Ardennes
; de l'an 1er au Rhin, dans le Palatinat ; des années 2,
3, 4 et 5 aux armées du Sambre-et-Meuse et d'Allemagne ;
des années 6 et 7, en Hollande et en Suisse ; des années
8 et 9 à l'armée gallo-batave ; des années
12 et 13, à l'armée des côtes de l'Océan
; de l'an 14 et de 1806, à la grande-armée en Allemagne
et en Pologne ; de 1808, en Espagne ; de 1809, en Allemagne, grande-armée;
de 1810, 1811, 1812 et 1813, en Espagne et en Portugal ; enfin de
1814, à la grande-armée, en Champagne. Parmi les actions
remarquables qu'il a faites depuis 1792, nous citerons les suivantes.
Étant de grande garde avec 30 chevaux, en avant de Philippeville,
le 4 mars, il fut attaqué par les Autrichiens ; il tint ferme,
donna le temps à son régiment de se déployer,
et fut blessé dans l'action ; aux avant-postes de La Chapelle,
il reçut, en qualité de capitaine, l'ordre du général
Stengle, commandant l’avant-garde, de se porter en reconnaissance,
avec son escadron et trois compagnies d'infanterie, à Duren,
sur la rivière, d'occuper cette ville, et d'envoyer en avant
des partis pour s'armer si l'ennemi avait repassé le Rhin;
il fut attaqué dès son arrivée, à une
heure du matin, par un corps autrichien de 3.000 hommes. Il se maintint
jusqu'au jour, et assura sa retraite, qu'il fit en bon ordre. Envoyé
sur le Rhin, dans le Palatinat, et commandant, comme lieutenant-colonel,
300 chasseurs à cheval de différents corps, il prit
part à toutes les actions qui eurent lieu à la reprise
du Palatinat sur l'armée prussienne, et assista à
la bataille des lignes de Wissembourg ainsi qu'au déblocus
de Landau. A la suite de cette campagne, il fut rappelé avec
son régiment à l'armée des Ardennes, qui venait
d'être incorporée dans celle de Sambre-et-Meuse. Le
général Hébert le choisit pour prendre le commandement
d'un corps de partisans de 300 chevaux, pour inquiéter l'ennemi
sur ses derrières, et donner journellement au général
en chef Jourdan des renseignements sur les manœuvres de l'armée
autrichienne. A la bataille de Fleurus, il était, en qualité
de colonel, à l'avant-garde du corps commandé par
le général Moreau, qui formait l'aile droite de l'armée
de Sambre-et-Meuse ; il soutint avec son régiment, le jour
de la bataille, depuis deux heures du matin, les attaques réitérées
de la cavalerie légère des Autrichiens. Après
la bataille de Fleurus, il suivit le corps de Moreau, qui se dirigeait
sur le Rhin pour attaquer Coblentz ; le colonel Trelliard se distingua
en avant de cette ville, au village de la Tour-Blanche, où
il culbuta la cavalerie ennemie, la poursuivit, lui prit 180 chevaux,
et mit 200 hommes hors de combat. Le lendemain, à la prise
de Coblentz, il chargea avec son régiment les redoutes qui
étaient en avant de cette place, s'en empara pour suivre
les Autrichiens, et serait entré avec eux dans la ville s'ils
n'avaient promptement fait sauter une arche du pont sur la Moselle
: la ville capitula de suite, et l'armée y entra le même
jour. Il continua de servir à l'avant-garde de Moreau, le
suivit dans le Hourecouck et au blocus de Mayence, et se distingua
sur la Blire, où il commandait une avant-garde ; détaché,
coupé de son corps d'armée, il fut obligé de
se faire jour à travers l'ennemi, qui le poursuivit pendant
quatre lieues sans pouvoir l'entamer ; il rejoignit le corps de
Moreau sans autre perte que quelques tués et blessés.
En avant de Kreutsnack, il s'élança sur l'ennemi,
l'enfonça, et entra pêle-mêle dans la ville avec
lui ; il fit 2.500 prisonniers de toute arme au village de Sperimglienguien,
près de Kreutsnack. Dans une reconnaissance, il chargea le
régiment de Kerer hussards, et lui fit éprouver une
perte de 160 chevaux. Sur le plateau de Partenheim, au blocus de
Mayence, dans une sortie que fit l'ennemi, il attaque sa cavalerie,
forte de 1500 chevaux, l'enfonce, le poursuit, lui prend 200 chevaux,
et met 150 hommes hors de combat. A une autre époque, dans
les derniers jours de septembre, l'ennemi ayant fait une sortie
de Mayence, par un épais brouillard, l'armée attaqua
et culbuta les avant-postes, pénétra dans le camp
et les bivouacs de la ligne, et mit tout en désordre. Le
colonel Trelliard qui se trouvait a l'extrême gauche, et qui
n'avait pas été attaqué, prit sur lui de quitter
son poste pour se porter avec son régiment où était
le danger, et malgré le brouillard, le désordre et
la confusion, il se précipita sur l'ennemi ; après
trois charges consécutives et meurtrières, il arrêta
ses progrès, reprit l'artillerie dont il s'était emparé,
et le força a la retraite. Dans une autre rencontre, au village
de Marienbonne, sous Mayence, il chargea l'ennemi, fit un bataillon
de pandours prisonnier et 120 hussards. Lorsque le général
Marceau fut tué à Altenkirchen, il servit avec son
régiment à la division du général Grenier,
passa le Rhin à la tête de cette division et, chargeant
les redoutes en avant de Neuwied, il fit 2.000 prisonniers. Il servit
également à l'avant-garde du général
Souham, au commencement de l'an 7, en Suisse. Son régiment
n'eut aucune occasion de se distinguer à cette époque
; le colonel Trelliard fut rappelé de près de Bâle,
où il se trouvait, pour aller, comme général
de brigade, occuper le commandement de la cavalerie française
en Hollande. Il prit part aux différents combats qui eurent
lieu a la déroute de l'armée anglaise près
d'Alquemard (Alkmaar); il fit ensuite partie de l'armée gallo-batave,
commandée par le général en chef Augereau,
et commanda l'avant-garde du lieutenant-général Duhem.
Il se distingua particulièrement à Forkem, où
il se trouvait à l'aile gauche de l'armée, combattit
tout le jour, en avant de cette ville, un corps autrichien, numériquement
beaucoup plus fort que celui qu'il commandait, contint l'ennemi
par des manœuvres hardies, et lui opposa la plus vive résistance.
Appelé au camp de Boulogne le 21 frimaire an 13, il eut le
commandement de la brigade de hussards de la division du général
Bournier, marcha en Allemagne, à Ulm et à Austerlitz,
et commandait, à l'ouverture de la campagne, l'avant-garde
des grenadiers du général Oudinot ; il se distingua
au combat de Wertinguen, à la tête des 9e et 10e de
hussards, chargea l'ennemi, prit trois pièces d'artillerie,
et fit 700 prisonniers. A Braunau, sur le Danube, l'ennemi, qui
occupait encore cette place, avait les ponts ; le général
Trelliard fit mettre pied à terre à une partie de
ses hussards, s'empara des barques que l'ennemi avait négligé
d'emmener sur l'autre rive, passa le fleuve, entra dans la ville,
et en chassa l'ennemi. A Vienne, il eut ordre du grand-duc de Berg
(voy. Murat) de seconder le général Bertrand, aide-de-camp
de l'empereur, qui était chargé de s'emparer des ponts
sur le Danube. Il se porta ensuite avec sa brigade sur Stoerau pour
éclairer le corps du grand-duc de Berg, et dirigeait l'avant-garde
; il fit deux bataillons prisonniers. Chargé d'occuper Wichau,
ou Murarie, poste placé en pointe en avant de l'armée,
le général Trelliard reçut pour instruction
de ne point abandonner ce poste, n'importe le nombre des assaillants.
Les Russes vinrent attaquer Wichau le jour même où
il avait fait pousser des reconnaissances sur toutes les directions,
sans qu'on eût aucune nouvelle de l'ennemi ; il se croyait
en pleine sécurité, lorsqu'à onze heures du
soir les Russes culbutèrent ses postes avancés, et
entrèrent pêle-mêle dans la ville avec eux. Le
général défend de monter à cheval, donne
l'ordre que les hussards se rassemblent de suite sur la place avec
leur carabine, et bientôt il chasse l'ennemi ; mais les Russes
arrivent en force avec de l'artillerie, et après une attaque
de quatre heures, ils envoient au général Trelliard
un parlementaire lui annoncer que la place était bloquée
par un corps considérable, et le sommer de se rendre. Le
général s'y refusa , parvint à faire connaître
sa position au grand-duc de Berg, qui était à 14 lieues,
et, jusqu'à l'arrivée des forces qui le firent débloquer,
il se défendit avec la plus grande intrépidité.
A la bataille d'Austerlitz, il partagea avec l'armée la gloire
de cette journée, fut envoyé le soir à la poursuite
de l'ennemi, et fit grand nombre de prisonniers. Dans la campagne
de Prusse, en 1806, il eut le commandement de la division de cavalerie
légère attachée à l'avant-garde du 5e
corps, commandé par le maréchal Lasne. Le 10 octobre,
appuyé par une brigade d'infanterie de la division Suchet,
commandée par le général Reille, il chargea
l'ennemi dans son mouvement de retraite, le culbuta et le poursuivit.
Le résultat de cette brillante charge fut 6.000 prisonniers,
avec trois généraux, trois drapeaux, et trente pièces
d'artillerie. C'est à cette affaire que le prince Louis de
Prusse, qui commandait ce corps ennemi, fut tué dans la charge
par un sous-officier de la division de cavalerie légère.
A la bataille d'Iéna, le général Trelliard,
avec sa division, couvrait le flanc gauche du 5e corps ; il chargea
quatre carrés d'infanterie, fit 8.000 prisonniers, prit 4
drapeaux, 2 généraux, et 8 pièces d'artillerie.
Envoyé à la poursuite du corps prussien, commandé
par le général Blücher, qui se retirait sur Lubeck,
il atteignit deux fois son arrière-garde, et lui fit bon
nombre de prisonniers. Arrivé à Stettin, sur l'Oder,
le maréchal Lasne le détacha avec sa division pour
aller à la poursuite de l'ennemi jusqu'à la Vistule.
Il s'acquitta de cette mission avec un plein succès, fit
grand nombre de prisonniers, et força l'ennemi à passer
le fleuve ; il traversa la Vistule, toujours formant l'avant-garde
du maréchal Lasne. Au combat de Pultusk, où le maréchal
et le 5e corps firent des prodiges de valeur, le général
Trelliard fut grièvement blessé ; le maréchal
lui envoya le soir un officier lui dire que l'empereur l'avait nommé
général de division, en récompense de sa brillante
conduite durant cette campagne. Aussitôt que sa blessure lui
permit de monter à cheval, il sollicita auprès de
l'empereur la permission de retourner à l'armée. Il
fut envoyé en Espagne dans les premiers jours de 1808, où
il fut chargé du commandement de la province de Vittoria,
passa en Castille, et y fit une guerre active au corps espagnol
et aux bandes de guérillas. Appelé en 1809 à
la grande-armée, en Allemagne, il ne put arriver assez à
temps pour prendre part aux brillantes actions de cette campagne.
Renvoyé, en 1810, en Espagne, il y fit les campagnes de 1810,
1811, 1812 et 1813, tant en Espagne qu'en Portugal ; il commandait
en Portugal la réserve de cavalerie, se distingua avec sa
division a Coïmbre, et lorsque l'armée fit sa retraite.
Au retour du Portugal, il fut appelé a Madrid pour commander
la cavalerie légère de l'armée du centre ;
envoyé ensuite dans la Marche, il prit le commandement de
cette province, et celui de la 4e division de dragons. Il eut a
combattre les troupes espagnoles, qui cherchèrent à
s'en emparer, et les corps nombreux de guérillas qui infestaient
cette province. Le général Morillo, avec un corps
d'infanterie de 5.000 hommes, 500 chevaux, et 5 pièces d'artillerie,
voulait prendre Almagro, ville au centre de la Manche ; le général
Trelliard , prévenu de la marche du général
espagnol, part à minuit avec 300 chevaux, une pièce
d'artillerie légère et arrive à Almagro à
la pointe du jour, au moment où le général
Morillo attaquait les faubourgs ; il charge de suite en flanc sa
colonne, en lui envoyant un seul coup de canon ; met en fuite la
cavalerie et l'infanterie, fait grand nombre de prisonniers, et
le chasse de la province. Lorsque le roi Joseph (voy. Bonaparte
) fit sa retraite de Madrid sur Valence, le général
Trelliard fut chargé de couvrir ce mouvement avec la 4e division
de dragons qu'il commandait, forte seulement de 1.100 chevaux ;
il attaqua l'avant-garde anglaise, qui avait 1.500 chevaux, 5 batteries
et 5 pièces d'artillerie, se dirigeant sur Madrid ; il culbuta
l'ennemi entre les villages de Macalahouda et la Rosa, lui prit
3 pièces d'artillerie, 200 chevaux, tua 100 hommes, et en
mit 400 hors de combat. Cette affaire est un des plus beaux faits
d'armes de cavalerie par l'opiniâtreté de l'ennemi,
qui revint trois fois à la charge dans l'espérance
de reprendre son artillerie : ce ne fut qu'à la dernière
qu'il fut enfoncé. Cette brillante action assura la tranquillité,
la marche du roi sur Valence, et celle d'un convoi de plus de 12.000
voitures, la plupart remplies d'habitants de Madrid, qui emmenaient
avec eux leur famille. Le 1er janvier 1814, il fut appelé
de l'armée d'Espagne à la grande armée en Champagne,
avec la 2e division de cavalerie qu'il commandait. En avant de Nangis,
le 15 février, à la tête de sa division, soutenue
par le corps du comte Gérard, il attaqua et culbuta l'avant-garde
russe, lui prit 16 pièces de canon, fit 5.000 prisonniers,
et la poursuivit jusque sous Provins. Le 24 du même mois,
avec la 2e brigade de sa division, il attaqua l'arrière-garde
autrichienne, qui se retirait de la Maison-Blanche sur Bar-sur-Seine,
entama cette arrière-garde à la hauteur de la Maison-Blanche,
lui fit 1.200 prisonniers d'infanterie, prit un drapeau, poursuivit
la cavalerie pendant cinq lieues, fit prisonniers 100 canonniers
ou chevau-légers, tua bon nombre d'hommes, et en mit 200
hors de combat. A Arcis-sur-Aube, il soutint et couvrit la retraite
du corps commandé par le maréchal Oudinot, et quoique
l'ennemi le foudroyât de son artillerie et du feu de son infanterie,
il fit sa retraite par Echigni, et par sa contenance et sa fermeté
empêcha l'ennemi de l'entamer. Nommé gouverneur de
Belle-Île-en-Mer, au mois de juin 1814, il a été
mis a la retraite le 1er octobre 1835, après 35 ans de services.
Il jouit aujourd'hui (1825), dans sa famille, de l'estime de ses
concitoyens.
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