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Stevens (Corneille)

     

  L’Ami de la religion et du roi, journal ecclésiastique, politique et littéraire. Tome cinquante-huit. Paris 1829, p. 72 :    
 

L’abbé Stevens, si connu par son opposition au Concordat de 1801, vient de mourir dans un âge assez avancé. Corneille Stevens était né le 26 décembre 1747 à Wavre, dans les Pays-Bas. Il étudia dans sa jeunesse à l’université de Louvain, et fut le 7e de la 1re ligne. Ordonné prêtre en 1774, il devint successivement professeur au collège d’Arras, président du petit collège, chanoine de Namur, examinateur synodal du diocèse, et membre du conseil du cardinal de Frankenberg, lors de la condamnation de l’enseignement des professeurs de Louvain en 1789. Il fut depuis grand-vicaire de Namur de 1799 à 1802. La chaleur avec laquelle il se prononça contre le concordat de 1801 l’exposa à de longues traverses. Il fut obligé de se cacher, et on prétend que sa tête fut mise à prix sous Buonaparte. On le regardait comme le chef des dissidents de la Belgique. On doit regretter qu’un homme, qui avait du zèle et de la capacité, ait fomenté si longtemps des troubles si affligeants pour l’Eglise. Il écrivit beaucoup sur ces disputes, et son testament, que nous allons donner, n’indique même pas de rétractation formelle. Il est mort à Wavre, le 4 septembre dernier, après avoir reçu les derniers sacrements, et donné, dit le journal auquel nous empruntons ces détails, de grandes marques de piété. Ses obsèques ont eu lieu le 7, avec un grand concours de fidèles. Il avait consigné dans son testament, déposé chez un notaire à Wavre, une sorte de profession de foi que nous croyons devoir faire connaître ; on y verra qu’il promet une obéissance entière et parfaite et entière au vicaire de J.C. et à ses décisions, et qu’il lui avait soumis ses écrits ; cependant, on aurait désiré quelque chose de plus précis, et qui indiquât une renonciation formelle aux principes du schisme. Quoiqu’il en soit, voici la profession de foi de l’abbé Stevens :

"Au nom de N. S. J. C., Moi soussigné, Corneille Stevens, prêtre, considérant la faiblesse actuelle de mon corps, qui paraît tendre à une dissolution prochaine, je fais ici mon testament olographe,tout écrit de ma main, et de la manière que , dans les circonstances présentes, je crois la plus agréable à Dieu, auquel seul soit honneur et gloire, tout dans ce monde n'étant que vanité et indigne des affections de notre cœur créé pour le ciel, après lequel j'aspire , espérant d'y parvenir par la miséricorde divine, et d'être ainsi uni à jamais à mon créateur et rédempteur dans la société des saints, et entièrement absorbé en lui. Je lui dévoue donc mon cœur et tout ce que je suis, et tout ce qui dépend de moi pour être à toujours son fidèle serviteur.
"Je le remercie de toutes mes forces de tant de miséricordes, qu'il a exercées envers moi depuis le premier instant de ma vie , et entre autres, de m'avoir fait naître de parents catholiques, sincèrement et fortement attachés à la foi de l'Eglise catholique, apostolique et romaine, laquelle ils m'ont fait sucer avec le lait ; c'est aussi dans cette foi et dans cette Eglise, hors desquelles je professe qu'il n'y a pas de salut, que je veux continuer sans cesse à vivre et enfin mourir, et de même dans une obéissance parfaite et entière envers le pontife romain, vicaire de Jésus-Christ, et ses décisions, déclarant itérativement ici, après l'avoir tant de fois professé , que je soumets très humblement tous mes écrits à son jugement, voulant dès à présent pour lors corriger ou révoquer ce qu'il y jugerait un jour demander correction ou révocation.
"C'est dans cet esprit de soumission que, passé plusieurs années, je lui ai fait parvenir ces écrits par une occasion favorable et sûre, et je sais qu'ils n'ont pas tardé de lui être remis.
Je remercie grandement toutes les personnes qui ont eu charitablement l'attention et l'attachement de venir à mon secours depuis nombre d'années, où, dépouillé, j'ai été obligé de vivre de bienfaits et de dons. Je n'ai pas manqué de recommander ces personnes au Seigneur, et j'espère de continuer le reste de ma vie.
"Je demande humblement pardon à tous ceux que, dans tant de combats ou questions que j’ai eu à soutenir, j’aurais peut-être, contre les sentiments de mon cœur, offensés, et je pardonne de tout mon cœur à tous ceux qui m’ont offensé, et j’offre au Seigneur, pour leur bien et bénédiction, l’acceptation des peines qu’ils m’ont causées.
"

 
 

 

  Pluquet, Dictionnaire des hérésies, des erreurs et des schismes, ou mémoires pour servir à l’histoire des égarements de l’esprit humain par rapport à la religion chrétienne :    
 

En 1802, Corneille Stevens, qui avait administré le diocèse de Namur, en qualité de vicaire général, reconnut sans difficulté la légitimité du concordat et la mission des nouveaux évêques ; mais comme on demandait aux ecclésiastiques de souscrire une formule de soumission, non pas au concordat seulement, mais à la loi du 18 germinal an X, ce qui comprenait les articles dits organiques, il protesta contre les peines ecclésiastiques dont le nouvel évêque de Namur menaçait ceux qui refuseraient de se soumettre. Depuis qu’il eût cessé ses fonctions de vicaire apostolique par suite de la prise de possession des nouveaux évêques de Namur et de Liège, il continua, comme docteur particulier, d’adresser au clergé et aux fidèles, des lettres, des avis et des instructions où il condamnait tout ce qui avait la moindre apparence d’une approbation tacite de la loi de germinal.
En 1803, quelques fidèles du diocèse de Namur, qui avaient à leur tête trois prêtres, ayant fait un schisme véritable, Stevens blâma leur opposition schismatique ; et comme ils ne voyaient qu’en lui leur chef spirituel, à raison de son ancienne qualité de grand vicaire, il déclara aux prêtres qu’il leur retirait tous leurs pouvoirs. Quoiqu’il ait toujours rejeté ces schismatiques, on les appelait stevenistes par une méprise qui a été la source de jugements erronés portés sur Stevens. Plus tard les trois schismatiques s’appelèrent les non-communicants.
Stevens traita d’illicite le serment de la légion d'honneur, comme renfermant la loi de germinal. Quand parut le catéchisme de l’empire, non seulement il enseigna que les curés ne pouvaient l’adopter, mais il voulait qu’un curé auquel on l’envoyait déclarât ouvertement son opposition. Lors du décret du 18 février 1809, sur les hospitalières, il soutint que les anciennes hospitalières ne pouvaient en conscience accepter les statuts impériaux. Il s’éleva avec force contre les décrets de 1809 qui établissaient l’université. Après la bulle d’excommunication contre l’empereur, il écrivit qu’il ne comprenait pas comment un curé qui continuait les prières publiques pour Napoléon pouvait être tranquille devant Dieu et devant l’Eglise. Les écrits de Stevens fomentèrent le mécontentement de la Belgique, aussi la police mit-elle sa tête à prix. Il échappa aux recherches en vivant, depuis la fin de 1802, dans une profonde retraite à Fleurus, et l’année 1814 lui apporta sa délivrance : mais il ne reprit point de fonctions, et continua, dans sa résidence de Wavre, une vie simple et modeste qu’il ne termina qu’en 1828.
Stevens avait toujours protesté de sa soumission au Saint-Siège. Il envoya même à Rome tous ses écrits imprimés et manuscrits, en priant le pape d’examiner sa doctrine et de décider quelques questions ; mais le Saint-Siège ne paraît point avoir voulu revenir sur ces questions épineuses dont la solution n’était plus nécessaire. Le testament de Stevens est un nouveau témoignage de son obéissance au pontife romain, et, s’il poussa l’opposition à l’excès, du moins on n’est pas en droit de le ranger parmi les anticoncordataires.

 
 

 

         
 

     

 

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