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SALICETTI
(Christophe), né à Bastia en 1757, d'une famille originaire
de Plaisance, et qui était venue s'établir en Corse
par suite de la prescription des Gibelins par les Guelfes, fit ses
études chez les barnabites de Bastia et étudia le
droit à l'université de Pise. De retour dans sa patrie,
il devint avocat au conseil supérieur de la Corse. Salicetti
se prononça avec ardeur pour la liberté de son pays,
et entretint des relations avec Paoli alors réfugié
à Londres. Nommé en 1789 député du tiers
état de la Corse aux états généraux,
il obtint le décret de réunion de la Corse à
la France, et l'admission de ses compatriotes au titre de citoyens
français. Il provoqua ensuite le décret du 30 novembre
qui rappela Paoli qu'il fit nommer commandant général
de la garde nationale de Corse. L'année suivante, en qualité
de membre du comité d'aliénation des domaines nationaux,
il fit décréter la saisie et l'aliénation de
ces biens. C'est sur sa proposition que la Corse forma un département
séparé et que Biron y fut envoyé pour le commander.
Nommé procureur syndic de ce département, après
la session, il fut, en septembre 1792, envoyé à la
Convention nationale où il vota avec la Montagne, la mort
de Louis XVI sans appel et sans sursis. En mai 1795, il fut envoyé
en Corse où Paoli cherchait tous les moyens de rendre l'indépendance
à son pays. Salicetti dénonça à la Convention
Paoli qui venait de se faire proclamer généralissime,
et fit tous ses efforts pour s'opposer aux projets de son ancien
ami. Mais son parti étant le plus faible, il quitta précipitamment
la Corse et se rendit en Provence où il fut nommé,
conjointement avec Barras, Robespierre le jeune, Fréron,
Gasparin et Ricord, commissaire auprès de l'armée
du Midi chargée de réduire Marseille et Toulon révoltées
contre la Convention. Envoyé l'année suivante à
l'armée d'ltalie, comme commissaire de la Convention, il
communiqua au peuple génois la proclamation à l'occasion
de l'entrée des troupes françaises sur son territoire.
Rappelé comme terroriste, après le 9 thermidor, il
fut décrété d'arrestation, mais il ne tarda
pas à être compris dans l'amnistie décrétée
par la Convention avant qu'elle se séparât. Au mois
de février 1795, le Directoire l'envoya comme commissaire
à l'armée d'ltalie commandée par le général
Bonaparte. Salicetti, qui reconnut promptement la rare capacité
du héros dont il était chargé de surveiller
la conduite et de contrarier les plans, se dévoua aussitôt
à ses intérêts et les vanta au Directoire. Lorsque
les Français entrèrent à Milan, il publia des
proclamations pour appeler les Lombards à la liberté.
Il prit part ensuite à l'armistice conclu avec le pape et
à l'occupation de plusieurs villes de l'État de l'Église.
Envoyé en Corse vers la fin de 1796 en qualité de
commissaire, il fut nommé député au conseil
des Cinq-Cents, où il siégea en avril 1797. Il y prit
la défense du Directoire contre les conseils, demanda, deux
jours après le 18 fructidor, que le Directoire fût
autorisé à faire des visites domiciliaires, et s'opposa
à la radiation du député Siméon de la
liste des émigrés. Salicetti resta fidèle à
ses principes républicains, et fit partie de la société
du Manège et de celle de la rue du Bac ; mais le retour
d'Égypte de Bonaparte, pour lequel il professait la plus
haute estime, vint changer entièrement ses opinions ;
et il seconda puissamment, quoiqu'en secret, l'attentat du 18 brumaire.
Dans la nuit du 19 au 20, une douzaine de députés
du conseil des Cinq-Cents, accompagnés de Bernadotte, s'étant
rassemblés chez Salicetti leur collègue, qu'ils ne
soupçonnaient point de trahison, convinrent que le lendemain
la séance du conseil s'ouvrirait dès neuf heures à
Saint-Cloud, qu'on n'en préviendrait que les députés
de leur opinion, et qu'à l'imitation du conseil des Anciens,
qui avait nommé Bonaparte général de sa garde,
le conseil des Cinq-Cents nommerait Bernadotte au commandement de
la sienne. Salicetti courut aussitôt informer Bonaparte de
ce projet. Fouché, ministre de la police, prit des mesures,
plaça aux abords de Saint-Cloud des postes militaires, avec
ordre de ne pas laisser passer les conjurés, et fit entièrement
échouer leur tentative. En 1800, Bonaparte le chargea d'une
mission en Corse, et l'envoya ensuite à Lucques comme ministre
extraordinaire, afin d'y présider à l'établissement
d’une nouvelle constitution. En mars 1802 , il fut envoyé
à Gênes avec la même qualité, pour y faire
voter la réunion de ce pays à la France ; mais
il ne put réussir dans sa mission. En 1806, à l'avènement
de Joseph Bonaparte au trône de Naples, Salicetti fut nommé
son ministre de la police générale et ensuite ministre
de la guerre ; il déploya dans ces deux postes une grande
énergie et sut déjouer par sa fermeté les projets
des nombreux ennemis du nouveau gouvernement. Pendant le siège
de Gaëte, il s'opposa avec force à ce que Joseph, qu'effrayait
l'insurrection de la Calabre, abandonnât sa capitale, et lui
rappela que lorsqu'on se faisait roi il fallait savoir mourir à
son poste. On a reproché à Salicetti des actes arbitraires,
l'emploi d'agents provocateurs, une sévérité
implacable, et d'avoir enfin établi à Naples une sorte
de terreur. Il serait juste toutefois de reconnaître qu'entouré
d'ennemis, tant à l'intérieur qu'au dehors, et que
dans la nécessité de se défendre contre des
insurrections sans cesse renaissantes excitées par les Anglais
et l'ancienne famille royale de Naples réfugiée en
Sicile, Salicetti ne fit autre chose que ce que lui commandaient
la difficulté de sa position et la conservation d'un trône
qu'il s'était chargé de défendre. Sa conduite
fut bien moins cruelle et surtout bien plus motivée que celle
des ministres de la restauration des maisons de Bourbon à
Naples, en Espagne et en France, lesquels, sous de faux prétextes
de paix publique, n'exercèrent que des vengeances inutiles
contre des hommes inoffensifs. La paix de Tilsitt ayant rétabli
le calme dans le royaume de Naples, Salicetti renonça aussitôt
aux mesures de rigueur que les circonstances où il s'était
trouvé l'avaient forcé de prendre, et prouva, par
sa modération, sa justice et sa générosité,
qu'il n'était ni cruel ni vindicatif. Lorsque Joseph échangea
la couronne de Naples contre celle d'Espagne, Salicetti préféra
rester a son poste plutôt que de suivre Joseph, et gouverna
seul le royaume jusqu'à l'arrivée de Murat. Il continua
à se concilier l'affection des Napolitains, et lorsque Joachim
eût pris possession de son trône, l'opinion publique
le détermina à continuer Salicetti dans ses fonctions
de ministre de la guerre. Néanmoins Murat, jaloux de sa popularité
et ne voulant point être gouverné par un ministre,
lui ôta son portefeuille et le remplaça par le général
Reynier. Napoléon, qui s'était aperçu que Murat
avait quelques velléités d'indépendance, renvoya
à Naples Salicetti qui s'était rendu a Paris après
sa disgrâce, et le chargea de surveiller le roi et de se mettre
à la tête du parti français avec la reine à
laquelle il s'était entièrement dévoué.
Lorsque Murat, pour favoriser le parti national, se détermina
à renvoyer tous les Français non naturalisés,
Salicetti s'opposa à ce projet, mais ne put empêcher
le décret d'être rendu. Pour le dédommager de
la disgrâce qu'il venait d'éprouver à Naples,
Napoléon le nomma membre de la consulta chargée de
prendre possession de Rome. Il s'y trouva à l'époque
de la prise des îles d'Ischia et de Procida par l'armée
anglo-sicilienne, qui, débarquée en Calabre, menaçait
Naples. Murat, à la tête de 12.000 hommes, allait se
retirer derrière le Volturne, lorsque Salicetti arriva en
toute hâte à Naples, rétablit le calme dans
la ville, déploya son énergie ordinaire, et organisa
une garde nationale qui assura le bon ordre et tint ferme à
son poste jusqu'à ce que la bataille de Wagram vint mettre
fin à cette crise. Salicetti mourut subitement au mois de
décembre de l'année 1809, en sortant d'un dîner
que lui avait donné le préfet de police de Naples,
Maghella. On crut d'abord qu'il avait été empoisonné,
mais il parait certain qu'il succomba à une attaque de colique
néphrétique a laquelle il était sujet. |
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