Accueil 

Annuaire

Faits et événements

Personnages

Napoléon

La France et le Monde

Waterloo

Belgique

Armées

Uniformes

Reconstitution

Publications

Liens

Nouvelles du Jour

Plan du site

Balises

   

Waterloo battle 1815

 

 

 

 

 

 

 

1789-1815.com

   Annuaire 1789-1815   >   Personnages  >  

.

 

Mlle Raucourt (Saucerote F.M.A, dite) 1756-1815

 
 

 

Biographie universelle, Tome 37, Paris, Michaud, 1824.

   
 

RAUCOURT (Françoise-Marie-Antoinette Saucerotte), actrice du Théâtre-Français, naquit à Nancy, le 3 mars 1756, de François-Eloi Saucerotte, comédien de province (1), et d'une femme attachée au service domestique du roi de Pologne Stanislas. Elle fut tenue sur les fonts de baptême par madame de Graffigni. Son père, qui avait débuté deux fois à la Comédie française sans pouvoir obtenir un ordre de réception définitive, l'emmena avec lui dans ses excursions chez l'étranger ; et l'on tient d'elle qu'à peine dans sa douzième année, elle avait déjà joué en Espagne quelques rôles de tragédie. Vers la fin de 1770, Belloy, ayant fait représenter à Rouen Gaston et Bayard, qui n'avait point encore été donné à Paris, eut à s'applaudir du choix qu'on avait fait de la jeune Raucourt pour le rôle d'Euphémie. On trouve dans le Mercure de janvier 1771 des vers d'après lesquels il est permis de croire que le succès de la pièce fut dû en grande partie au talent de l'actrice, alors âgée de quatorze ans et demi. Le bruit de cette brillante représentation s'étant répandu dans la capitale, éveilla la curiosité des premiers gentilshommes de la chambre. Ils mandèrent la jeune Raucourt, lui firent donner des leçons par Brizard, et ce fut comme élève de cet acteur qu'elle fit son début à Paris le 23 septembre 1772. Elle joua le rôle de Didon. Le public l'accueillit avec un enthousiasme dont il y avait eu peu d'exemples. Jamais on n'avait vu une plus belle femme, et jamais actrice, à son âge, n'avait fait briller de plus heureuses dispositions. Elle joua ensuite les rôles d'Emilie, d'Idamé, de Monime, et pendant plus d'un an ses débuts attirèrent au théâtre une foule extraordinaire. Il est facile de deviner qu'une vogue si prodigieuse lui suscita plus d'une ennemie parmi les autres reines de théâtre. Madame Vestris surtout semblait devoir en être jalouse. Un jour que la belle débutante débitait avec feu le monologue d'Emilie (de Cinna), un chat se mit à miauler d'une façon si singulière qu'on ne put s'empêcher d'en rire. « Je parie, cria un plaisant, que c'est le chat de madame Vestris. » Tous les auteurs dramatiques, suivant l'usage, s'empressèrent auprès de la nouvelle Melpomène; de graves académiciens lui adressèrent de petits vers; Voltaire même lui écrivit un billet flatteur (2). Le roi, madame la Dauphine, les plus grands seigneurs de la cour lui donnèrent à l'envi des témoignages d'intérêt, et l'on ne manqua pas de remarquer avec quelque malice que madame Dubarry lui fit un jour de riches présents en lui recommandant d'être sage. Mais, parvenue si rapidement à ce haut degré de prospérité, mademoiselle Raucourt ne pouvait tarder à éprouver l'inconstance de la fortune. On s'attacha d'abord à lui faire perdre la réputation de vertu qui semblait ajouter à l'éclat de son talent, et à laquelle, il faut l'avouer, elle mettait elle-même trop peu de prix; puis on alla jusqu'à lui supposer des travers qui la brouillèrent avec ses adorateurs les plus disposés à lui pardonner des faiblesses naturelles; enfin, soit que la calomnie lui eût aliéné l'esprit public, soit qu'elle eût réellement perdu dans la dissipation le fruit de ses premières études, elle eut bientôt le chagrin d'entendre le bruit du sifflet succéder aux acclamations de l'enthousiasme, et, après avoir souffert pendant deux ans et demi les affronts les plus humiliants, elle prit le parti de quitter brusquement la scène. Un peu avant son départ cependant, elle avait eu un retour de fortune; on l'avait trouvée si belle dans le rôle de Galatée (de Pygmalion), que la foule s'était portée au théâtre pour l'y voir. « Il est impossible, écrivait à ce sujet Laharpe, d'imaginer une perspective plus séduisante que cette actrice, en attitude sur son piédestal, au moment où l'on a tiré le voile qui la couvrait. Sa tête était celle de Vénus, et sa jambe, à moitié découverte, celle de Diane. » Mais ceux mèmes qui affectèrent le plus de louer sa beauté divine furent en même temps ceux qui décrièrent avec le plus d'acharnement ses mœurs et son talent. Ce fut en juin 1776 que mademoiselle Raucourt disparut subitement, laissant ses camarades dans l'embarras pour la représentation d'une tragédie nouvelle et donnant à ses nombreux créanciers un juste sujet d'alarmes. Ce qu'elle it dans l'intervalle de sa fuite à son retour aurait peut-être quelque intérêt pour les amateurs d'aventures graveleuses: notre but n'est point de révéler ces sortes de détails. Il nous suffit de dire qu'après avoir fait une courte station dans l'enclos du Temple, refuge des débiteurs insolvables, la belle fugitive voyagea dans les cours du Nord, d'où elle revint bientôt en France pour s'attacher à une troupe de comédiens qui jouait devant la cour à Fontainebleau. Elle eut le bonheur d'y recouvrer les bontés de la reine, et, grâce à la protection de cette auguste princesse, elle rentra au Théâtre-Français, le 28 août 1779, par le rôle de Didon, où elle eut de nouveau un brillant succès. Cette rentrée néanmoins ne fut pas complètement heureuse : la comédie était alors livrée aux plus furieuses cabales. Mademoiselle Raucourt fut outrageusement sifflée dans le rôle de Phèdre, non pour y avoir mal joué son personnage, quoiqu'à la vérité elle n'eût jamais su rendre avec un vrai pathétique les sentiments tendres et passionnés, mais parce qu'on lui supposait des projets hostiles contre deux actrices justement aimées du public (3). Elle eut à ce sujet le bon esprit de détruire, par une lettre modeste insérée au i-Journal de Paris, la fausse idée qu'on avait de ses prétentions, et, à dater de cette époque de sa vie, mademoiselle Raucourt n'eut plus à se plaindre du parterre. Elle ne tarda pas même à réparer, par des études sérieuses, le temps qu'elle avait perdu jusque-là dans les plaisirs, et ses progrès rapides furent généralement remarqués. Ce fut dans ce temps que Dorat lui adressa, sous le voile de l'anonyme, l'épître qui commence ainsi:

" Toi, la plus belle des Didons;"

petite pièce qui dut un moment de vogue à quelques idées licencieuses revêtues d'une gaze légère. Mademoiselle Raucourt fut comprise dans l'acte d'accusation dressé en septembre 1793 contre la Comédie française. Elle passa six mois en prison et, comme plusieurs de ses camarades, elle ne dut la vie qu'au zèle désintéressé d'un employé du comité de salut public (Ch. Hippolyte Labussière), qui avait eu soin d'anéantir plusieurs pièces à la charge des détenus. On sait quel fut ensuite le sort des comédiens français. Après s'être réunis à l'Odéon, ils passèrent au théâtre de la rue Feydeau, et mademoiselle Raucourt, suivie de quelques dissidents, fonda rue de Louvois un second Théâtre-Français dont elle eut l'administration. Puissamment secondée par Larive, St-Fal et St-Prix, et plus encore par l'opinion publique, elle semblait devoir faire en peu de temps une fortune brillante, lorsque les événements du 18 fructidor (4 septembre 1797) renversèrent toutes ses espérances. En haine des sentiments qu'elle professait, le directoire exécutif se fit un devoir de l'exproprier, et ce fut seulement à la réunion générale des comédiens français, en 1799, que le sort de cette actrice se trouva définitivement fixé. Bonaparte, qui aimait le talent profond et énergique de mademoiselle Raucourt, lui accorda une protection toute particulière. Non content de lui donner, sur sa cassette, une pension considérable, il la chargea de l'organisation des troupes de comédiens français qui devaient parcourir l'Italie. Le 12 octobre 1806, elle fit l'ouverture du théâtre de Milan par une représentation d'i-Iphigénie en Aulide, où elle joua le rôle de Clytemnestre. Quelque gratitude qu'elle témoignât pour un protecteur si généreux, elle n'oubliait pas que les princes de la famille royale l'avaient avant lui comblée de bienfaits; aussi fut-ce avec joie qu'elle vit arriver le jour de la restauration. Présentée en audience particulière à Monsieur, frère du roi, alors lieutenant général du royaume, elle en reçut des marques de bonté qui la pénétrèrent de reconnaissance. Mais elle ne put jouir longtemps de son bonheur: attaquée presque subitement d'une maladie inflammatoire, elle y succomba le 15 janvier 1815, âgée de 59 ans. On prétend que, se voyant mourir, elle conserva assez de sang-froid pour dire en souriant : « Voilà la dernière scène que je jouerai, il faut la jouer d'une manière convenable.» L'infortunée était loin de prévoir sans doute qu'un autre rôle lui était encore réservé. Un événement dont la malveillance ne manqua pas de se réjouir donna aux obsèques de cette actrice un éclat qui affligea profondément les hommes sensés. Le clergé de St-Roch, ayant refusé l'entrée de cette église au corps de la défunte, eut la douleur de voir une multitude égarée enfoncer les portes du sanctuaire et se livrer aux désordres les plus scandaleux. La foule accompagna ensuite le convoi au cimetière du Père-Lachaise, où la sépulture de mademoiselle Raucourt est maintenant indiquée par un beau buste en marbre qui reproduit fidèlement les traits de cette tragédienne. Peu de mots suffiront pour donner une juste idée de son talent: elle manquait de sensibilité; mais elle s'efforçait d'y suppléer par beaucoup d'art, et cet art, joint à ses dispositions naturelles pour la fierté et l'énergie, l'élevait à une très-grande hauteur dans les rôles du genre admiratif. Mademoiselle Raucourt, dont la beauté fut si longtemps célèbre, avait beaucoup perdu de ses avantages physiques dans les dix dernières années de sa vie. Elle était toujours de la plus riche taille et sa démarche était encore pleine de majesté; mais ses formes, autrefois sveltes et voluptueuses, s'étaient tellement prononcées, et son organe, naturellement dur, était devenu si voilé, qu'il eût été possible de prendre ses habits de femme pour un déguisement. C'est ce que Chénier exprime en termes beaucoup trop injurieux dans celle de ses épigrammes qui commence ainsi:
« O Phèdre, dans ton jeu que de vérité brille!"
La conversation de mademoiselle Raucourt était pleine d'esprit : c'était véritablement celle de l'homme du monde le plus aimable ; elle se plaisait à parler de son art et en parlait avec un goût exquis. Quoiqu'elle eût reçu des leçons de mademoiselle Clairon, dont elle rappelait souvent le jeu étudié, elle n'aimait point cette grande actrice. Il est vrai que mademoiselle Clairon, dans ses mémoires, parle peu avantageusement de sa jeune élève : inde irae.

F. P—T.

 

 

 

 

 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

(1) Il est mort d'une chute qu'il fit par une croisée du cinquième étage, dans la maison de la rue de Molière, attenant au théâtre de l'Odéon.

(2) Le Volume publié en 1820, sous le titre de Vie privée de Voltaire et de madame Duchatelet, contient une lettre en vers et en prose, de Voltaire à mademoiselle Raucourt, que l'on donne comme inédite. Les vers avaient été imprimés dès 1773.

(3) Voyez la Correspondance de Laharpe, t. 3, p. 2.

     

 

Abrantès (duchesse d'), Histoire des salons de Paris, tome 3, Bruxelles 1838.

   
 

Mademoiselle Raucourt (1) était une personne d'une beauté achevée. Née en 1750 à Nancy, elle avait quarante-trois ans lorsqu'elle fut arrêtée, et elle était encore belle à étonner à ce moment. Sa beauté avait fait son premier succès. Naturellement très forte, le timbre de sa voix s'en était ressenti, et il était souvent rauque et dur ; sa diction était juste, mais ses intonations ne l'étaient pas toujours. Elle avait reçu une bonne éducation, et voulut suivre la carrière du théâtre : à dix-sept ans elle quitta Nancy, et alla débuter à Pétersbourg ; à vingt-deux ans elle revint à Paris, et débuta dans les rôles de Didon, Emilie, Idamé, etc. Jamais une plus belle femme n'avait paru sur le théâtre : elle excita une admiration folle et passionnée ; on payait une place de parterre un Louis, somme énorme pour ce temps-là. Elle eut une vogue qu'aucune actrice n'a vu se renouveler depuis. Les présents les plus riches, les cadeaux les plus ingénieux, les dons les plus rares, lui furent prodigues. Madame Dubarry lui donna un jour, à Versailles, après une représentation où elle avait joué Mérope avec une grande perfection, un collier de diamants estimé 10.000 francs.
- Soyez sage surtout, lui dit madame Dubarry.
Louis XV vivait toujours !...

La reine Marie-Antoinette la protégea, et mademoiselle Raucourt se dévoua à elle avec un profond sentiment de respectueuse tendresse. Proscrite en 93 avec ses camarades, libre ensuite avec eux, elle fut encore persécutée par le Directoire ; mais, au 18 brumaire, elle fut protégée par Napoléon, qui lui fit une forte pension sur sa cassette et lui donna la direction du théâtre français en Italie. L'un des rôles qu'elle jouait le mieux était Médée ; ensuite la Cléopâtre de Rodogune ; Léontine dans Heraclius. Dans ces rôles-là, elle était parfaite.
En 1776, il lui arriva une singulière aventure qu'elle ne voulut jamais expliquer ; elle disparut tout à coup, et reparut ensuite en 1779, sans que la cause de cette retraite ait été bien connue (Se trouvant un jour au Raincy, chez moi, avec M. de Sainte-Foix, il lui dit en riant qu'on savait bien la raison pour laquelle elle était partie. - Vraiment! dit-elle sérieusement ; eh bien ! je vous affirme que ni vous ni personne ne le savez et ne le saurez jamais.)
Chénier, qui n'aimait pas beaucoup de monde, n'aimait pas du tout mademoiselle Raucourt ; il fit contre elle un quatrain fort méchant, et plus méchant que spirituel... il fut fait après une représentation de Phèdre.

O Phèdre, en tes amours que de vérité brille!
Oui, de Pasiphaé je reconnais la fille,
Les fureurs de ta mère et son tempérament,
Et l'organe de son amant.

Elle fut tout entière excellente dans plusieurs rôles qui lui furent donnés et qu'elle créa. C'était une femme d'un grand et beau talent. Mademoiselle Georges est son élève, et on le voit bien.
Mademoiselle Raucourt n'était ni bonne camarade ni douce dans ses relations; elle ne fut ni estimable, ni recommandable dans sa vie privée. En 1815, elle mourut subitement. Elle avait une belle terre dans les environs d'Orléans, où elle avait les plus belles fleurs, les plus beaux fruits et des serres magnifiques. Elle venait souvent à la Malmaison, et Joséphine échangeait souvent avec elle des graines ou des plantes. A sa mort, le curé de Saint-Roch, qui avait bien emboursé l'argent de ses aumônes, n'a pas voulu l'enterrer. Elle fut portée au Père-Lachaise, après le service qui lui fut fait par un prêtre.

     
  (1) Françoise-Marie-Antoinette Saucerotte, née à Nancy, d'un comédien de province et d'une femme attachée à la maison du roi de Pologne. Ce fut madame du Graffigny qui la tint sur les fonts de baptême.
     

 

 

 

 

Voir aussi : http://fr.wikipedia.org/wiki/Mademoiselle_Raucourt

     

_

-

Page d'accueil

Plan du site

Nouvelles du Jour

Pour écrire

La Patience - 1789-1815.com - © Bernard Coppens 2015 - Tous droits réservés.