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Ramponneau
(Jean) cabaretier
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Biographie
universelle, ancienne et moderne (Michaud), tome 40, Paris-Leipzig
1864.
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RAMPONNEAU
(Jean), fameux cabaretier de la basse Courtille, né à
Argenteuil, à une date inconnue, mort vers 1765. Il tenait
aux Porcherons, faubourg de Paris, vers le milieu du dix-huitième
siècle, la guinguette du Tambour royal, hantée surtout
par les acteurs et les auteurs du boulevard, et par le public ordinaire
de leurs spectacles. Sa belle humeur, ses saillies, sa bonne grosse
figure rougeaude, son encolure de Silène et la magnifique
enseigne où il était représenté à
cheval sur un tonneau, contribuaient, non moins que les solides
qualités de sa cave, à attirer chez lui une foule
incessante de buveurs et de joyeux garçons.
Dès 1758 il n'y avait pas dans tout Paris une seule taverne
qui fût plus à la mode que celle de Ramponneau, et
déjà le beau monde commençait à s'y
mêler aux gens du peuple. Ce fut alors que l'ambition lui
monta à la tête. A force de recevoir chez lui des auteurs
et des comédiens, de causer avec Dorvigny et Taconnet, qui
comptaient parmi ses hôtes les plus assidus, d'entendre applaudir
ses lazzis et ses trivialités grotesques, l'idée lui
vint qu'il pouvait être acteur lui aussi, et qu'il n'avait
qu'à le vouloir pour détourner à son profit
la gloire de ces illustres bouffons. Volange trônait aux Variétés
amusantes ; Ramponneau s'en alla frapper à la porte
d'un petit théâtre rival, dirigé par Gaudon,
et lui offrit ses services. C'était la fortune pour Gaudon,
qui accepta avec empressement, assuré d'avance que la popularité
de Ramponneau ne pouvait manquer d'être fructueuse pour son
théâtre. Un traité fut signé entre eux,
le 27 mars 1760, traité par lequel Ramponneau non-seulement
s'obligeait à jouer dans le spectacle de Gaudon, du 14 avril
au 28 juin, mais consentait encore qu'on le fit annoncer, afficher,
voir en dedans et en dehors, » qu'on fît « peindre
son portrait au naturel, faire des chansons, livres et pièces
à son avantage ». En retour, le directeur lui donnait
quatre cents livres, plus la moitié des produits et bénéfices
qu'il acquerrait pendant ces deux mois et demi, « tant par
estampes que livres, chansons et autres généralement
quelconques ». Un dédit de mille francs était
stipulé.
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La
chose ainsi arrangée, et Ramponneau ayant touché 200
livres d'avance, il s'en alla, en attendant son début, donner
une représentation d'essai à Versailles, côte
à côte avec un nommé Haget, qui était un
de ces amateurs comédiens de société comme il
y en avait alors par milliers; mais il ne réussit qu'à
se faire huer, et revint l'oreille basse, fort inquiet et fort perplexe
de ce triste présage. Il se rendit donc chez un notaire, et
y fit dresser un acte de désistement, qu'il envoya à
Gaudon la veille du jour fixé pour ses débuts.
Cet acte est assez curieux pour que nous en citions au moins une partie
:
« Aujourd'hui est comparu le sieur Jean Ramponneau, cabaretier,
... lequel a volontairement déclaré que les résolutions
mûres qu'il a faites sur les dangers qu'apporte au salut la
profession des personnes qui montent sur le théâtre,
et sur la justice des censures que l'Église a prononcées
contre ces sortes de gens, l'ont déterminé à
renoncer à jamais monter sur aucun théâtre, ce
qu'il promet à Dieu, ni faire aucune fonction, profession,
ni actes y analogues. Pour quoi il proteste par les présentes
contre toutes soumissions et engagements qu'il pourrait avoir faits
avec qui que ce soit, notamment avec le sieur Gaulier, dit Gaudon,
... pour paraître ce jour, soit dans son spectacle, soit dans
tout autre, ou pour souffrir qu'il soit fait par son ministère,
sous son nom ou à son occasion, quelques actions, chansons,
livres et estampes, le tout tendant à lui donner la publicité
indécente qui ne convient qu'à des gens de cette sorte,
comme lesdites conventions et engagements, quels qu'ils soient, n'ayant
été et ne pouvant être qu'extorqués de
lui dans des temps où il n'aurait pas eu l'usage de sa raison
ni la faculté de faire des réflexions sur les conséquences
de ces engagements pour son salut, etc. »
A coup sûr, les sentiments exprimés dans cet acte sont
fort respectables ; mais comment les prendre au sérieux
dans la bouche de Ramponneau ?
Gaudon refusa de s'en contenter : il avait fait tous ses préparatifs
et voyait crouler en une minute ses espérances de succès
et ses rêves de fortune. Il répondit à l'acte
de Ramponneau par une série de sommations et d'assignations,
suivies enfin d'un procès, avec maître Élie de
Beaumont pour avocat, contre maître Coqueley de Chaussepierre,
avocat du cabaretier. Ce procès mit le comble à la célébrité
de Ramponneau. Tous les journaux, toute la ville ne parlaient plus
d'autre chose ; on s'en occupait à Versailles, on pariait
pour et contre.
Voltaire même s'en mêla, et lança en faveur du
cabaretier un mémoire spirituellement ironique et railleur.
Maître Élie de Beaumont fit de son plaidoyer une apologie
de la comédie et des comédiens ; mais, malgré
son éloquence, le tribunal donna gain de cause aux scrupules
de Ramponneau, qui, moyennant la restitution des deux cents livres
reçues, put retourner à son cabaret.
Hélas ! en approfondissant les pieux remords du saint
homme, voici tout ce qu'on y a trouvé, outre sa crainte trop
fondée d'un échec. Depuis son traité avec Gaudon,
il avait vendu sa guinguette moyennant une rente de 1.500 livres,
mais à la condition expresse, posée par l'acquéreur,
qu'il y resterait lui-même pour conserver la clientèle.
Ce procès fut le gros événement de l'année
1760, et dès lors le nom de Ramponneau fut immortel ;
c'est à partir de ce moment qu'il a acquis cette popularité
dont il jouit encore aujourd'hui.
Tout le monde accourait au Tambour royal pour le voir et l'entendre;
les équipages stationnaient à sa porte ; on retenait
ses salons huit jours d'avance ; on y rencontrait de grandes
dames et de grands seigneurs, quelquefois même des princes,
et la guinguette ne désemplissait pas. La trogne rubiconde
de l'illustre Ramponneau fut reproduite partout, par le pinceau, par
le burin ; mille chansons célébrèrent sa
gloire, et il y eut une innombrable série de Ramponneau, ainsi
nommées du mot qui en formait le refrain, comme il y avait
eu autrefois les Lampons et les Léridas.
Les modes aussi suivirent le courant ; tout se fit à la
Ramponneau, immédiatement avant que tout ne se fit à
la grecque. Le cabaretier mourut au milieu de sa gloire.
Depuis sa mort on l'a mis plus d'une fois en vaudevilles et en opéras
comiques : c'est surtout grâce à lui que la Courtille
et les Porcherons ont conquis une place si brillante dans notre histoire
facétieuse, et, s'il est permis d'employer cette comparaison,
son nom est depuis longtemps devenu pour les cabarets ce que sont
celui de La Fontaine pour la fable et celui de Molière pour
la comédie.
Victor Fournel.
Gazette de Grimm, année 1760. - Plaidoyers d'Élie de
Beaumont et de Coqueley de Chaussepierre. - Brazier, Chroniq. des
petits théâtres, in-8°, t. l, p. 277-91. - Fr. Michel
et Ed. Fournier, Histoire des Hostelleries et cabarets, II, 338-64. |
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