|
Piré
(Marie-Guillaume de Rosugvineu*), comte de), lieutenant-général,
commandeur de la légion d'honneur, chevalier de Saint-Louis,
et de l'ordre militaire de Wurtemberg, est né à Rennes,
le 31 mars 1778, d'une ancienne famille de la Bretagne, illustrée
dans les fastes de cette province. Son grand-père, le marquis
de Piré, présidait la noblesse à la tenue des
états de 1770. Dès le commencement de la révolution
en 1789, son père, qui s'était voué à
la cause contraire, se hâta d'aller rejoindre les princes
à Coblentz, emmenant avec lui son fils à peine sorti
de l'enfance. Le jeune Piré suivit longtemps les mêmes
drapeaux que son père, entra à l'âge de 14 ans
dans les gardes-du-corps, compagnie de Grammont, et fit les campagnes
de l'armée du prince de Condé. Après le licenciement
de cette armée, il entra en 1793 avec le grade de sous-lieutenant
dans le régiment d'infanterie que le prince de Rohan-Montbazon
venait de lever à Gand, et qui fit partie de l'armée
anglaise que commandait le duc d'York sur le continent. Il fit avec
elle la campagne de Hollande en 1794 et fut nommé lieutenant
sur le champ de bataille d'Appeldoorn, après que son régiment
eut été en partie détruit par l’avant-garde
française au passage de la Meuse. En juin 1796, il s'embarqua
à Stade avec les cinq régiments émigrés
Rohan, Salm, Périgord, Beon et Damas, qui formaient la division
Sombreuil, et qui vinrent débarquer dans la baie de Quiberon.
M. de Piré fut grièvement blessé lors de l'attaque
du fort Penthièvre par les troupes françaises, sous
les ordres du général Hoche, et ne parvint à
se rembarquer que par une espèce de miracle. Il se réfugia
avec les débris de cette funeste expédition sur les
rochers de l'île d'Houat. Le comte d'Artois lui donna des
témoignages d'estime et de satisfaction : ce prince lui dit
« que si jamais il rentrait en France, une des premières
faveurs qu'il accorderait, serait pour M. de Piré; »et
ayant égard à sa blessure, il l'envoya de l’Ile-Dieu
se rétablir en Angleterre, et le chargea de ses dépêches
pour le ministère à Londres. Par suite de l'incorporation
du régiment émigré de Rohan dans celui de La
Châtre, M. de Piré fut réformé à
l'âge de 17 ans, avec le grade de capitaine ; mais l'ardeur
de son zèle et cette soif de combats dont il paraissait altéré
des sa jeunesse, le portèrent à solliciter vivement
sa remise en activité, et à être employé
dans la funeste guerre intérieure qui déchirait le
sein même de sa patrie. Il obtint ce triste avantage, .et
accompagna en mars 1796, MM. de Sérent que les princes envoyèrent
dans la Vendée, avec MM. de Bourmont de Suzanette et autres
chefs royalistes. Blessé de nouveau en débarquant
la nuit sur les côtes de Bretagne près .de Saint-Malo,
il vit périr dès le lendemain la plupart de ses compagnons
d'armes ; MM. de Sérent furent tués dans les marais
de Dole, et M. de Piré, poursuivi par les troupes républicaines,
ne parvint qu'après avoir couru les plus grands dangers,
à s'échapper et à rejoindre enfin le chef royaliste
de Puisaye, dans les environs de Fougères. Il servit avec
ce général jusqu'à l'époque de la pacification
de l'an 4, qui le fit rentrer dans le sein de la grande famille
française. Le général Hoche, par considération
particulière, et malgré ses instructions, ne comprit
point M. de Piré parmi les émigrés qu'il fut
obligé de renvoyer en Angleterre ; mais ce dernier n’en resta
pas moins, et longtemps, sous une sévère surveillance,
fut souvent dénoncé comme émigré et
royaliste, et ne recouvrit une entière liberté qu'à
l'époque du consulat du général en chef Bonaparte.
Une nouvelle carrière s'ouvrit alors devant lui, et toujours
animé du désir de faire la guerre, il entra dans les
rangs de la grande-armée française, où il n'eut
plus le malheur d'avoir à combattre ses concitoyens. M. de
Piré prit d'abord du service dans un régiment de hussards
volontaires, avec le grade de capitaine, et fit honorablement la
guerre d'Allemagne. Son corps ayant été réformé
après la paix de Lunéville, il rentra pour quelque
temps dans la vie privée, et se maria ; mais il rejoignit
en 1805 l'armée, et se distingua de nouveau pendant les glorieuses
campagnes d'Austerlitz, d'Iéna et de Wagram. Successivement
capitaine au 7e régiment de hussards, chef d'escadron au
10e, colonel du 7e régiment de chasseurs à cheval,
aide
de camp du prince de Neuchâtel, général de brigade,
et bientôt général de division, il fit toutes
ces campagnes à l'avant-garde de la grande-armée ,
en Allemagne, en Pologne, en Espagne et en Russie. Partout il fit
preuve de talents militaires, et d'une haute valeur. Blessé
plusieurs fois, ses grades et ses décorations lui furent
décernés sur les champs de bataille, et ses états
de service portent qu'il prit une part active à 30 batailles
rangées, et à plus de 100 combats d'avant-garde. Élève
et ami des généraux Lasalle et Montbrun, et distingué
par l'empereur, il fut dans les derniers temps chargé par
lui du soin d'éclairer l'armée. La surprise de Léipzick
avec 50 hussards derrière l'armée prussienne, 4 jours
avant la bataille d'Iéna ; là capitulation de la ville
forte de Stettin, en 1806 ; sa conduite au combat de Somo-Sierra,
en Espagne, où Napoléon lui avait donné par
mission spéciale le commandement de l'escadron du service
des lanciers polonais de la garde qui s'y couvrit de gloire ; le
combat d'Ostrowno en Russie, et d'autres affaires où les
bulletins de la grande-armée ont fait du général
Piré une mention honorable, l'ont placé aux premiers
rangs des vieux guerriers de la France. A l'époque de la
restauration en 1814, de fortes préventions politiques s'étant
élevées contre lui, loin d'avoir part aux récompenses
ou aux faveurs que ses antécédents semblaient devoir
lui promettre, il fut envoyé en une espèce d'exil
dans ses terres en Bretagne. La croix de Saint-Louis, donnée
à tous les officiers généraux, lui fut refusée,
et aucune de ses réclamations ne fut accueillie. Il se trouvait
dans cette situation pénible, en 1815, quand le retour de
l'île d'Elbe eut lieu. Il paraît que les sujets de mécontentement
que le général Piré croyait avoir, joints à
d'anciens souvenirs de gloire, lui firent embrasser de nouveau avec
une grande chaleur la cause de Napoléon. Après avoir
fait reconnaître son autorité en Bretagne, il fut envoyé
dans le midi contre les troupes réunies sous les ordres de
S. A. R. le duc d'Angoulême. Rappelé à Paris
après les événements de Valence et du pont
Saint-Esprit, il fut nommé gouverneur des Tuileries, du Louvre,
et chambellan de Napoléon. On l'envoya immédiatement
à Laon prendre le commandement provisoire du 6e corps d'armée.
A la suite du combat des Quatre-Bras et de la bataille de Waterloo,
où il commandait la cavalerie légère de l'aile
gauche sous les ordres du maréchal Ney, il revint sous les
murs de Paris, et prit encore une part glorieuse au combat de Roquancourt
près Versailles, où, avec son ami le général
Excelmans, il prit ou détruisit en entier deux régiments
de hussards prussiens. Après le second retour du roi, le
général Piré fut compris dans la seconde série
de l'ordonnance du 24 juillet 1815. Arrêté le 1er août
suivant, il ne sortit de prison que par l'intervention de l'empereur
de Russie, qui lui offrit un asile à Pétersbourg,
où il se rendit de suite, et passa tout le temps de son exil.
Rappelé en France en 1819, et replacé sur le tableau
de l'armée, il a aussi reçu du roi la croix de, Saint-Louis.
En 1823 il a cru devoir de nouveau solliciter de l'activité
de service, et a demandé à faire la campagne d'Espagne.
Mais ses démarches à cet égard étant
restées sans effet, il continue à vivre retiré
en Bretagne dans l'ancienne demeure de ses pères, où
il s'occupe de travaux agricoles, prêt à revoler au
premier appel sous les drapeaux de son pays.
- - |
|
|
|