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MERCIER
(Louis-Sébastien), littérateur connu par sa manie
paradoxale, né à Paris en 1740, mort dans cette ville
en 1814, débuta dans la carrière des lettres, dès
l'âge de 20 ans, par quelques héroïdes ;
mais il renonça bientôt à la poésie,
et ce fut pour s'en déclarer l'un des plus ardents adversaires.
Dès-lors, et pendant toute sa vie, il fut le détracteur
obstiné de nos premiers poètes. Voyant que ses drames
imités de l'anglais et de l'allemand, n'obtenaient qu'un
médiocre succès, il publia, pour éclairer le
public, non encore préparé à ses innovations
théâtrales, un i-Essai sur l'art dramatique, dans lequel
il prétend détrôner Corneille, Racine et Voltaire,
et propose de bonne foi de remplacer, par ses propres ouvrages,
les chefs-d'œuvre de ces grands maîtres. Les comédiens
français n'étaient pas de son avis et ajournaient
sans cesse la représentation d'un de ses drames ; Mercier
publia contre eux un mémoire virulent.
En 1771 il fit paraître, sous le titre de i-l'An 2440, un
écrit déclamatoire qui fut prohibé par l'autorité.
En 1781, parurent les deux premiers volumes du i-Tableau de Paris
sous le voile de l'anonyme. Toutefois l'auteur, apprenant que son
ouvrage était attribué à diverses personnes,
se présenta chez le lieutenant de police pour en prendre
sur lui la responsabilité. Il partit alors pour la Suisse,
et c'est à Neufchâtel qu'il ajouta 10 volumes à
son i-Tableau de Paris, qui fut bien accueilli dans la province
et dans les pays étrangers. Plusieurs améliorations
qu'il réclamait dans cet ouvrage ont été depuis
exécutées.
Plus tard il gâta par une Suite au moins inutile, ce livre
intéressant sous plusieurs rapports, quoique déclamatoire,
plein de néologismes, et, comme dit Rivarol, pensé
dans la rue et écrit sur la borne. De retour en France, au
moment où la révolution allait éclater, Mercier
se déclara tout d'abord pour une sage liberté, et
publia, de concert avec Carra, les i-Annales patriotiques, et quelque
temps après la i-Chronique du mois, journaux dictés
par une modération et un courage estimables.
Député à la convention par le département
de Seine-et-Oise, il demeura fidèle à ses principes,
et, dans le jugement de Louis XVI, se prononça contre la
peine de mort et vota pour la détention.
Il passa au conseil des cinq-cents en 1795, accepta 2 ans après
une place de contrôleur de la caisse de la loterie, dont il
avait antérieurement provoqué la destruction, fut
nommé ensuite professeur d'histoire à l'école
centrale et membre de l'Institut lors de la formation de ce corps.
Sur la fin de sa vie il cessa d'écrire, et dès-lors
se survécut à lui-même. Cependant il ne manquait
pas de talent; il avait surtout une grande facilité et beaucoup
d'imagination. Malheureusement sa manie de contredire, pour se singulariser,
l'emporta trop loin ; et l'on put croire qu'il avait perdu
la raison lorsqu'il en vint jusqu'à dénigrer le chant
du Rossignol et attaquer le système de Newton sans savoir
un mot de physique ni de mathématiques.
Mais, quels qu'aient été les égarements de
son esprit, son cœur demeura excellent, et c'est là un assez
grand éloge qui efface bien des torts littéraires.
On trouvera la liste complète de ses ouvrages dans la France
littéraire de Querard. Outre ceux que nous avons cités
dans le cours de cet article, les principaux sont :
- Songes et visions philosophiques, Paris, 1768, in-12.
- Eloges et discours philosophiques, Amsterdam, 1776, in-8.
- Théâtre, 1777-84, 4 vol. in-8. Une des principales
innovations de Mercier dans l'art dramatique, fut la violation,
tant condamnée alors, tant recommandée aujourd'hui
par quelques écrivains, des deux unités de temps et
de lieu, qu'il appelait unités de cadran et de salon.
- Mon bonnet de nuit, 1785, 4 vol. in-8.
- Histoire de France depuis Clovis jusqu'au règne de
Louis XVI, 1802, 6 vol. in-8.
- Fragments de politique, d'histoire et de morale, 1787,
5 vol. in-8.
- Le Nouveau Paris, 1800, 6 v. in-12.
- Néologie, ou vocabulaire de mots nouveaux, à
renouveler ou pris dans des acceptions nouvelles, 1801, 2 vol.
in-8.
- De l'impossibilité des systèmes de Copernic
et de Newton, 1806, in-8.
- Satire contre Racine et Boileau, 1808.
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