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LANJUINAIS
(Jean-Denis, comte), pair de France, membre de l'Institut, était
fils d'un avocat au parlement de Rennes. Né dans cette ville,
le 12 mars 1753, le jeune Lanjuinais se fit remarquer de bonne heure
par son esprit laborieux. Il fut reçu successivement, par
dispense d'âge, avocat en 1771, docteur en droit en 1772,
et, trois ans plus tard, il obtint, à la suite d'un brillant
concours, une chaire de droit ecclésiastique. Député
aux états généraux par l'assemblée du
tiers état de la sénéchaussée de Rennes,
Lanjuinais s'y montra partisan d'une sage liberté.
Une chose digne de remarque, c'est que le cahier qui contenait les
vœux de ses commettants, et dont il était le rédacteur,
exprimait, en termes formels, la demande d'une constitution monarchique
et représentative.
Au sein de l'Assemblée nationale, il prit part aux délibérations
les plus importantes. La religion catholique et les libertés
de l'Église gallicane trouvèrent aussi en lui un défenseur.
Après la session de l'Assemblée constituante, il fut
appelé à remplir une chaire de droit constitutionnel,
fondée à Rennes, et nommé professeur de grammaire
générale et membre de la haute cour nationale.
Député du département d'Ille-et-Vilaine à
la Convention nationale, il lutta avec la plus grande énergie
contre le débordement de l'anarchie (voy. Gironde, Girondins).
Le 5 novembre 1792, il appuya la dénonciation de Louvet contre
Robespierre. Dans le procès de Louis XVI, il vota pour la
réclusion et le bannissement après la paix, en demandant
que le jugement, quel qu'il fût, ne pût être exécutoire
que dans le cas où il réunirait les deux tiers des
suffrages.
Combattant
la création du tribunal révolutionnaire, dénonçant
le comité d'insurrection, il prit deux fois la parole, au
milieu du plus violent tumulte, pour faire cesser les arrestations
arbitraires. Mais sa noble et courageuse conduite le désigna
aux persécutions des jacobins. Un décret de la Convention
ordonna qu'il fût gardé à vue ; cependant
il parvint à s'échapper, et, muni d'un faux passeport,
il se rendit à Caen et de là à Rennes, où
il resta caché dans sa propre maison, pendant 18 mois. (1)
Sept mois après la révolution du 9 thermidor, Lanjuinais
fut réintégré dans ses fonctions de député
à la Convention. Il y rentra le 8 mars 1795. Élu président
de l'assemblée, il se montra constamment fidèle à
ses principes de modération. Après la création
de deux conseils législatifs, 73 départements le portèrent
à la fois au conseil des Anciens, dont il fut secrétaire.
Au mois de mai 1797, il cessa, par le sort, de faire partie de cette
assemblée. Après la révolulion du 18 brumaire,
il fut nommé deux fois candidat au sénat par le corps
législatif, et ce choix fut confirmé par le sénat,
le 22 mars 1800. Toujours indépendant dans ses opinions,
Lanjuinais se prononça contre le consulat à vie, puis
contre l'établissement du gouvernement impérial. Mais
plein d'estime pour son caractère, Napoléon ne l'en
nomma pas moins comte de l'empire et commandeur de l'ordre de la
Légion d'honneur.
Après s'être opposé constamment aux décrets
et aux mesures arbitraires de l'empereur, Lanjuinais vota, le 1er
avril 1814, la déchéance et l'établissement
d'un gouvernement provisoire.
Louis
XVIII l'appela dans la chambre des pairs, le 4 juin de la même
année. Pendant les cent jours, les électeurs de Paris
et ceux du département de Seine-et-Marne l'ayant envoyé
à la chambre des représentants, il fut élu
président de l'assemblée, à la presque unanimité.
Après la seconde restauration, il reprit son siège
à la chambre des pairs, où son zèle pour le
bien public ne se démentit jamais. Toutes les propositions
qui lui parurent contraires au système constitutionnel, il
les combattit, et, deux jours encore avant d'être atteint
de la maladie à laquelle il succomba, il s'occupait de la
rédaction d'un discours en faveur de la liberté de
la presse. Il mourut à Paris, le 13 janvier 1827.
Le comte de Ségur a prononcé son éloge à
la chambre des pairs (séance du 1er mars). « Homme
éminemment de bonne foi, dit-il, Lanjuinais exprimait sans
ménagement toute opinion qui lui paraissait juste et conforme
à l'intérêt général... Ceux mêmes
dont il combattait les opinions rendaient hommage à la pureté
de ses intentions, à cette verdeur de vieillesse qui étonnait
la jeunesse la plus ardente, à cette franchise sans bornes
qui ne lui permettait de contenir aucune de ses pensées et
qui donnait à ses discours, quelquefois impétueux,
une empreinte d'originalité qui peignait fidèlement
son caractère. »
Lanjuinais n'était pas moins remarquable par sa vaste érudition
que par son infatigable activité pour le bien. Parmi ses
nombreux écrits, nous citerons : Constitutions de la
nation française, précédées d'un essai
historique et politique sur la charte, Paris, 1819, 2 volumes
in-8°, ouvrage regardé comme classique par M. Dupin ;
Appréciation du projet relatif aux trois concordats
(décembre 1817), qui eut cinq éditions successives
; De l'organisation municipale en France (1821), fait en
société avec M. de Kératry.
Lanjuinais est encore auteur d'un grand nombre d'écrits de
moindre importance sur des questions religieuses ou politiques.
Parmi ses ouvrages philologiques, nous indiquerons son édition
de l'Histoire naturelle de la parole, par Court de Gébelin,
avec un discours préliminaire sur l'histoire de la grammaire
générale et des notes (1806, in-8°); et ses Extraits
de la grammaire de la Carniole, du Mithridate d'Adelung.
Lanjuinais était surtout versé dans les langues orientales,
dont il faisait son étude principale après celle du
droit public. Membre de l'Institut (Académie des inscriptions
et belles-lettres) en remplacement de Bitaubé, dès
le 16 décembre 1808, il faisait, en outre, partie de la Société
asiatique de Paris et de la Société philosophique
de Philadelphie.
Son fils aîné, le comte Paul-Eugène Lanjuinais,
né à Rennes, le 6 août 1789, lui succéda
dans la chambre des pairs, en mars 1827. Un autre de ses fils a
été élu député de la Loire-Inférieure
(Pont-Rousseau), le 23 février 1838.
En. Haag.
(1) Legouvé,
dans son poeme du Mérite des femmes, célèbre
le dévouement de Mme Lanjuinais en cette occasion.
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