|
Lallemand
(le Baron François-Antoine ), ex-lieutenant général
de cavalerie et pair de France, grand'croix de l'ordre de Danebrock,
commandeur de celui de la Légion-d'Honneur, chevalier de
Saint-Louis, etc., né à Metz le 23 juin 1774 est le
fils de Pierre-Antoine Lallemand, perruquier, et de Catherine Tonnelier.
Le jeune Lallemand fit
de brillantes études au collège de Metz, et montra
de bonne heure des inclinations martiales, quoiqu'il fût destiné
à l'état ecclésiastique. Des rixes et de petits
combats avaient alors lieu entre les paroisses de la ville et les
collégiens. C'était Lallemand que ses camarades chargeaient
des déclarations de guerre et des traités de paix.
Entré jeune au service, il servit dans l'administration des
charrois ,1 puis dans la ligne, passa successivement par tous les
premiers grades militaires, devint aide-de-camp du général
Junot, et, plus tard, du maréchal Brune. En 1802, lors de
l'expédition de Saint-Domingue, le premier consul le chargea
d'une mission près du général Leclerc. Devenu
colonel du 27e régiment de dragons, il se signala en plusieurs
occasions, pendant les campagnes de 1805, 1806 et 1807, et obtint
la croix d'Officier de la Légion-d'Honneur, le 11 juillet
1807. Passé en Espagne, en 1808, il s'y conduisit d'une manière
brillante, et continua de rendre d'importants services. Ayant beaucoup
contribué au succès du combat d'EIvas où une
colonne de cavalerie anglaise fut en partie sabrée, il reçut,
le 6 août 1811, le titre de général de brigade,
et remporta un autre avantage, le 11 juin 1812, sur les troupes
de la Grande-Bretagne, commandées par le major-général
Ilad. Il fut cité fort honorablement dans le rapport du duc
de Dalmatie et dans celui du général de division Cazau.
Au mois de décembre
de la même année, il eut plusieurs engagements heureux
avec les troupes de l'armée de Murcie, du côté
de Lorca, Veas, Segura, Puerto de Gyen, etc., et culbuta, le 13
de ce mois, une division espagnole, près d'Alicante. Rappelé
de la Péninsule en 1813, il se rendit à l'armée
d'Allemagne et commandait dans Lubeck avec une garnison danoise
lorsque Bernadotte se présenta devant cette ville dans les
premiers jours de décembre. Lallemand l'évacua par
condition. Refoulé avec le reste de l'armée sur le
territoire français, ce général concourut à
la défense de sa patrie. Louis XVIII le créa chevalier
de Saint-Louis le 27 juin 1814, commandant de la Légion d'Honneur
le 23 août suivant, et lui confia, au mois de janvier 1815,
le commandement du département de l'Aisne. Il était
employé en cette qualité, lorsqu'on apprit que Napoléon,
sorti de l'île d'Elbe, marchait sur Paris. Oubliant dès
lors la foi qu'il avait jurée au nouveau souverain, il salua
le retour des aigles impériales et employa l'autorité
qui lui était confiée pour faciliter le rétablissement
de Napoléon. Il parait que ce général dirigeait
le mouvement insurrectionnel de cette partie de la France, car,
avant que Lefebvre-Desnouettes se fût présenté
devant La Fère à la tête des chasseurs royaux,
pour s'emparer de la ville et de l'arsenal, le général
François Lallemand avait fait plusieurs voyages à
Paris, où il s'était probablement entendu avec quelques
personnes initiées dans les événements qui
allaient avoir lieu. Lorsque le général Lefebvre-Desnouettes,
parti de Cambrai le 9, arriva devant La Fère avec un ordre
émané du comte d'Erlon, le commandant de la place
l'y reçut sans réfléchir qu'il lui fallait
un avis ministériel, et Lallemand, supérieur immédiat
du commandement de cette place, régularisa la chose, en envoyant
l'ordre de nourrir et de loger les chasseurs royaux. Cet ordre inspira
une entière sécurité ; mais, le lendemain,
les conjurés tentèrent de séduire les officiers
de la garnison ; le général d'Aboville, instruit du
fait, assembla immédiatement un conseil de guerre, s'assura
de l'esprit des troupes sous ses ordres, et intimida les rebelles
au point qu'ils demandèrent la liberté de s'éloigner.
A cette nouvelle, Lallemand se transporta lui-même à
La Fère, accompagné de quelques dragons , essaya de
faire entrer d'Aboville dans ses vues, et, n'ayant pu y parvenir,
se retira avec son frère et Lefebvre-Desnouettes. Ayant échoué
dans une entreprise qui semblait devoir réussir au gré
de leurs désirs, ces trois officiers supérieurs, arrivés
à Chauny, soulevèrent un escadron de dragons, et se
rendirent ensuite à Compiègne, d'où les chasseurs
de Berry les repoussèrent. Poursuivis par quelques troupes,
ils se déguisèrent pour leur échapper et tâchèrent
de rejoindre Bonaparte; mais le brigadier de gendarmerie Têtard
atteignit les fugitifs avec sa brigade aux environs de Marolles
en Picardie, et s'empara des frères Lallemand, de deux officiers
et d'un domestique. On trouva sur eux sept à huit mille francs
en or, et une lettre dans laquelle Lefebvre-Desnouettes disait à
Lallemand aîné qu'il était temps d'agir. Le
frère de ce dernier avait pu s'échapper avec le colonel
d'artillerie Marin, et le chef d'escadron Brice. Ils étaient
escortés par des chasseurs de la garde royale. On conduisit
les détenus à la maison de détention de la
Ferté-Milon, on les transféra ensuite à Soissons
, et le conseil général de Seine-et-Marne vota une
récompense de 500 francs pour chacun des cinq gendarmes qui
avaient concouru à leur arrestation. Le général
Lallemand recouvra sa liberté le 20 mars, et fut nommé
lieutenant général et pair de France. Il alla bientôt
rejoindre l'armée aux frontières, combattit avec sa
valeur accoutumée aux batailles de Fleurus et de Waterloo,
et après notre défaite, se retira vers Soissons, à
la tête du corps de troupes sous ses ordres. Fidèle
à Napoléon, jusque dans son infortune, il voulut partager
sa destinée, fut envoyé avec Las Cases, le 14 juillet,
proposer de la part de leur maître au capitaine Maitland de
recevoir à son bord un souverain fugitif qui se confiait
à la foi britannique. Lallemand s'embarqua sur le Bellerophon
; mais, lorsqu'après avoir quitté la baie de Plymouth,on
eut notifié à Bonaparte l'intention formelle de le
conduire à Sainte-Hélène, ce souverain fut
obligé de se séparer des généraux Savary
et Lallemand qui prièrent en vain qu'on leur laissât
partager l'exil de l'empereur. On les obligea de rester à
bord du Bellerophon, l'empereur quittant ce vaisseau pour monter
le Northumberland. Ces deux officiers supérieurs craignaient
bien qu'on les ramenât en France, mais on les jeta sur le
vaisseau l'Eurotas, et on les envoya à Malte comme prisonniers
de guerre. Ils y arrivèrent le 26 septembre, et furent enfermés,
sous forte garde, au fort Manuel.
Pendant le trajet de Lallemand
aîné, son procès s'instruisait, d'après
l'ordonnance royale du 24 juillet 1815, devant le 2e conseil de
guerre permanent de la 1re division militaire sous la présidence
du comte Mesnard, maréchal de camp. Ce fut le 20 août
que les débats eurent lieu. Les pièces de la procédure
entendues, M.Viotti, chef de bataillon d'état-major, rapporteur,
prit la parole. Sur ses conclusions, le tribunal a déclaré,
à l'unanimité, l'accusé coupable : «1°
de trahison, en ce qu'en sa qualité de commandant du département
de l'Aisne, il aurait fait des tentatives pour exciter les citoyens,
habitants et soldats, à s'armer contre l'autorité
royale ; « 2° de rebellion, en ce qu'il aurait fait des
tentatives sur la place de La Fère, à l'effet de s'emparer
du dépôt d'artillerie établi en cette ville,
pour s'en servir contre l'autorité légitime ; d'avoir
tenté de détruire et de changer le gouvernement légitime
et l'ordre de successibilité au trône. »
« En conséquence,
il l'a condamné à la peine de mort, et a ordonné
l'impression du jugement au nombre de 500 exemplaires. »
Après quelques mois
de détention au fort Manuel, le général Lallemand
fut élargi avec son compagnon d'infortune Savary, se rendit
à Smyrne, d'où le grand Turc l'obligea de s'éloigner.
II partit pour la Perse, avec un officier de l'ancienne armée
de Bonaparte, nommé Vintimille, et Savary, quelques jours
après, s'embarqua pour Salem. Plusieurs journaux ont rapporté,
dans le tems, que Lallemand l'aîné s'était rendu
en Egypte et avait offert ses services au pacha ; nous n'avons pu
vérifier l'exactitude de ce fait. En 1817, il arma quelques
bâtimens chargés de munitions de guerre, et fonda au
Texas, une colonie de réfugiés français qui
prit le nom de Champ d'asile. Cet établissement, où
s'étaient réfugiés des débris de ces
vieilles cohortes qui ont porté l'honneur du nom français
aux limites du monde, ne pouvait manquer d'exciter la jalouse inquiétude
des puissances voisines. Il prospérait, et le gouvernement
inquisiteur de la Péninsule souffrait de sentir se développer
sur son propre territoire un vieux levain d'indépendance
et de liberté. Il s'agissait alors de la cession de la Floride.
L'Espagne en profita pour demander l'anéantissement du Champ
d'Asile, et le gouvernement des Etats-Unis ayant accédé
volontiers à cette demande, les colons furent dispersés,
et le général Lallemand se rendit à la Nouvelle-Orléans
où son épouse, demeurée jusqu'alors en France,
alla le rejoindre.
Si l'on en croit quelques
journaux de l'époque, à la vérité, peu
dignes de foi, la colonie du Texas, formée tout au plus de
6 à 700 individus, ayant à lutter contre les sauvages
et contre une pénurie presque absolue de moyens alimentaires,
se serait révoltée contre le jeune Lallemand, qui,
obligé de s'enfuir à la Nouvelle-Orléans, aurait
eu à se soustraire aux recherches de ces malheureux qui voulaient
en faire justice .... ,
Ce qu'il y a de certain,
c'est que ce furent des troupes espagnoles qui détruisirent
l'établissement de Galveston ; les sauvages, la disette et
l'indiscipline paraissent leur avoir servi d'auxiliaires. .
Vers la fin d'octobre,
un corps de 5 ou 700 hommes, envoyés par le vice-roi du Mexique,
et commandés par D. Juan de Castaneda, s'est porté
sur la rivière de la Trinité. Après s'être
emparé du fort que le général Lallemand avait
fait construire, à vingt lieues de son embouchure, le commandant
de l'expédition envoya un parlementaire pour sommer cet étranger
d'évacuer le territoire espagnol. Privé de moyens
sufïisans de défense, comptant, peu d'ailleurs, sur
le dévouement de la colonie, il fut obligé de souscrire
aux conditions qu'on lui imposa et d'abandonner ses projets. Lorsqu'il
se fut rendu à la Nouvelle-Orléans, des bruits contradictoires
circulèrent sur le compte de notre compatriote ; les uns
assurèrent qu'il allait établir une maison de commerce
; d'autres, qu'il se livrait à l'étude des lois du
pays, afin de se faire avocat, etc., etc. Il acheta une habitation
dans les environs de la ville, en se réservant la faculté
de se dédire au bout de trois mois, moyennant une indemnité
convenue.
Lorsque les Espagnols,
fatigués d'attendre l'exécution des fallacieuses promesses
d'un roi auquel ils avaient sacrifié leur sang et leurs richesses,
voulurent secouer les haillons de leur misère et obtenir
enfin une indépendance conquise par des sacrifices inouis,
le général Lallemand répondit à l'appel
que firent les Cortès aux âmes généreuses.
Il vit, dans leur entreprise, la régénération
future d'un état, et crut devoir ses services à la
liberté du moment qu'il ne lui était plus permis de
les rendre à sa patrie. Arrivé à Lisbonne,
dans les premiers jours de mars 1823, avec le colonel Duvergier
et M. Félix Cossin, de Nantes, il se rendit de là
à Vittoria où se trouvait le quartier général
des Français et des Italiens qui devaient marcher sous les
ordres du baron Lallemand. On dit que cet officier supérieur
s'enferma ensuite dans Cadix, et qu'après les succès
de nos armes, il dut la vie à la générosité
d'un général français qui le surprit dans des
marais aux environs de la ville où nous venions d'entrer
vainqueurs. Il retourna immédiatement après à
la Nouvelle-Orléans.
Moniteur, 1812,p. 167,
796, 1077, 1248; 1814, 941, 947 ;1815, 282, 293, 305, 638, 743,
858, 834, 844, 876, 889, 906, 945, 972 et 999, 1107, 1202, 1317,
1365; 1816, 571, 847, 899, 947, 948, 1173, 1218; 1823, 381, 555,
890.—Victoires, Conquêtes, etc., des Français, t. XX,XXII,
XXIV,
XXVI. Voy. la Table. -
Biographie des Hommes vivans, t. IV, p. 66. —
Biographie nouvelle des
Contemporains , t. X, p. 374, 375.
LALLEMAND (cadet).
Lallemand (le baron Dominique),
frère du précédent, lieutenant général
d'artillerie, officier de la Légion d'Honneur, chevalier
de Saint-Louis, est né à Metz le 18 octobre 1777.
Son frère aîné prit soin de son éducation,
et, comme il n'avait pas de fortune, M. le Payen de Jouy paya sa
pension à l'école polytechnique où il entra
étant encore très jeune. Sorti l'un des premiers de
sa promotion, il suivit bientôt l'exemple de son aîné
et fut cité comme l'un des officiers les plus braves et les
plus instruits de l'ancienne armée, d'ailleurs si féconde
en hommes de mérite. Il combattit en Allemagne, en Espagne,
en Pologne, et beaucoup de lieux furent témoins de sa valeur.
Créé officier de la Légion d'Honneur, puis
général de brigade, il défendit en cette qualité
le sol français contre les armées coalisées,
et ne cessa de combattre qu'au moment où l'abdication de
l'empereur changea les destinées de notre patrie. Le roi
le conserva en activité et le décora de la croix de
Saint-Louis, par ordonnance du 20 août 1814. Au mois de mars
suivant, il s'unit à son frère pour insurger le département
de l'Aisne, ainsi que nous l'avons marqué ci-dessus. Napoléon
le nomma lieutenant général ; il combattit à
Waterloo à la tête de l'artillerie de la garde et y
fit des prodiges de valeur. Il revint avec l'armée sous les
murs de Paris, la suivit au delà de la Loire et quitta ses
compagnons d'armes, lorsqu'un ordre de dissolution eut séparé
les derniers débris de nos immortelles phalanges. Une ordonnance
du 1er août 1815, annula sa nomination au grade de lieutenant
général.
Compris dans l'ordonnance
du 24 juillet avec son frère et nos compatriotes Ney, Durbach,
Bouvier-Dumolard, il partit pour l'Amérique afin de se soustraire
au mandat d'arrêt qui pesait sur sa tête. Le 21 août,
le conseil de guerre qui avait condamné à mort François-Antoine
Lallemand, s'occupa du procès intenté à son
frère. La plupart des détails que nous avons donnés
sur l'affaire du frère aîné appartiennent également
à celle du cadet . Ce dernier n'était pas en activité
lors du débarquement de Bonaparte ; et il parait que les
conjurés l'avaient prévenu depuis quelque tems de
leurs projets futurs, car il fit successivement et à peu
d'intervalle l'un de l'autre plusieurs voyages à Paris, pour
s'entendre sur les moyens d'exécution. Lallemand jeune harangua
vainement les officiers et les soldats de la garnison de La Fère.
Obligé de quitter cette ville, il rencontra dans le faubourg
un convoi de dix bouches à feu qui avait été
expédié de Vincennes, frappa celui qui le commandait
et emmena les canons. Arrêté par la gendarmerie de
Chauny, il voulut séduire le brigadier, et lui offrit, indépendamment
des 7 ou 8,000 francs saisis sur son frère et sur lui, un
bon de 10.000 francs payable à Paris.
M. Viotti, rapporteur,
ayant lu le cahier des charges et formé ses conclusions,
le conseil, après une courte délibération,
condamna Dominique Lallemand, absent et contumace, à la peine
de mort, comme coupable, « 1° de rébellion et d'attentat
à main-armée, en ce qu'il a, avant le 23 mars 1815,
coopéré à la mise en mouvement sur Paris du
corps des chasseurs royaux, mouvement effectué dans l'intention
de renverser le gouvernement légitime ; 2° d'avoir tenté
d'ébranler la fidélité des troupes stationnées
à La Fère, et de s'emparer du dépôt d'artillerie
établi dans cette ville ; 3.° de s'être emparé
par violence d'un convoi de plusieurs bouches à feu venant
de VIncennes.
Le jeune Lallemand, fixé à la Nouvelle-Orléans
avec Lefebvre-Desnouettes et d'autres braves de l'ancienne armée,
s'occupait d'agriculture et de sciences appliquées à
l'industrie, lorsqu'une riche héritière lui donna
sa main. La sœur des généraux Lallemand avait épousé
M. Guénard, chef de bataillon d'artillerie, officier de la
Légion-d'Honneur, décédé aux environs
de Metz il y a quelques années.
Moniteur, 1807, p. 1297
; 1811 , 685; 1814 , 710; 282, 293, 305, 844, 876, 1365; 1816, 847,
947; 1817, 518; 1819, 77, 78, 79, 85, 131.— Victoires, Conquêtes,
etc., des Français, t. XXIV, XXVI. Voy. laTable. —Biogr.
des Hommes vivans, t. IV , p. 66. — Biogr. nouv. des Contemp., t.
X , p. 373. Cette Biographie attribue à Lallemand jeune la
fondation du Texas. Je crois que c'est une erreur.
|
|
|
|