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Lallemand aîné

     

 

Bégin (Emile-Auguste), Biographie de la Moselle, tome 2, Metz 1829 :

   
 

Lallemand (le Baron François-Antoine ), ex-lieutenant général de cavalerie et pair de France, grand'croix de l'ordre de Danebrock, commandeur de celui de la Légion-d'Honneur, chevalier de Saint-Louis, etc., né à Metz le 23 juin 1774 est le fils de Pierre-Antoine Lallemand, perruquier, et de Catherine Tonnelier.

Le jeune Lallemand fit de brillantes études au collège de Metz, et montra de bonne heure des inclinations martiales, quoiqu'il fût destiné à l'état ecclésiastique. Des rixes et de petits combats avaient alors lieu entre les paroisses de la ville et les collégiens. C'était Lallemand que ses camarades chargeaient des déclarations de guerre et des traités de paix. Entré jeune au service, il servit dans l'administration des charrois ,1 puis dans la ligne, passa successivement par tous les premiers grades militaires, devint aide-de-camp du général Junot, et, plus tard, du maréchal Brune. En 1802, lors de l'expédition de Saint-Domingue, le premier consul le chargea d'une mission près du général Leclerc. Devenu colonel du 27e régiment de dragons, il se signala en plusieurs occasions, pendant les campagnes de 1805, 1806 et 1807, et obtint la croix d'Officier de la Légion-d'Honneur, le 11 juillet 1807. Passé en Espagne, en 1808, il s'y conduisit d'une manière brillante, et continua de rendre d'importants services. Ayant beaucoup contribué au succès du combat d'EIvas où une colonne de cavalerie anglaise fut en partie sabrée, il reçut, le 6 août 1811, le titre de général de brigade, et remporta un autre avantage, le 11 juin 1812, sur les troupes de la Grande-Bretagne, commandées par le major-général Ilad. Il fut cité fort honorablement dans le rapport du duc de Dalmatie et dans celui du général de division Cazau.

Au mois de décembre de la même année, il eut plusieurs engagements heureux avec les troupes de l'armée de Murcie, du côté de Lorca, Veas, Segura, Puerto de Gyen, etc., et culbuta, le 13 de ce mois, une division espagnole, près d'Alicante. Rappelé de la Péninsule en 1813, il se rendit à l'armée d'Allemagne et commandait dans Lubeck avec une garnison danoise lorsque Bernadotte se présenta devant cette ville dans les premiers jours de décembre. Lallemand l'évacua par condition. Refoulé avec le reste de l'armée sur le territoire français, ce général concourut à la défense de sa patrie. Louis XVIII le créa chevalier de Saint-Louis le 27 juin 1814, commandant de la Légion d'Honneur le 23 août suivant, et lui confia, au mois de janvier 1815, le commandement du département de l'Aisne. Il était employé en cette qualité, lorsqu'on apprit que Napoléon, sorti de l'île d'Elbe, marchait sur Paris. Oubliant dès lors la foi qu'il avait jurée au nouveau souverain, il salua le retour des aigles impériales et employa l'autorité qui lui était confiée pour faciliter le rétablissement de Napoléon. Il parait que ce général dirigeait le mouvement insurrectionnel de cette partie de la France, car, avant que Lefebvre-Desnouettes se fût présenté devant La Fère à la tête des chasseurs royaux, pour s'emparer de la ville et de l'arsenal, le général François Lallemand avait fait plusieurs voyages à Paris, où il s'était probablement entendu avec quelques personnes initiées dans les événements qui allaient avoir lieu. Lorsque le général Lefebvre-Desnouettes, parti de Cambrai le 9, arriva devant La Fère avec un ordre émané du comte d'Erlon, le commandant de la place l'y reçut sans réfléchir qu'il lui fallait un avis ministériel, et Lallemand, supérieur immédiat du commandement de cette place, régularisa la chose, en envoyant l'ordre de nourrir et de loger les chasseurs royaux. Cet ordre inspira une entière sécurité ; mais, le lendemain, les conjurés tentèrent de séduire les officiers de la garnison ; le général d'Aboville, instruit du fait, assembla immédiatement un conseil de guerre, s'assura de l'esprit des troupes sous ses ordres, et intimida les rebelles au point qu'ils demandèrent la liberté de s'éloigner. A cette nouvelle, Lallemand se transporta lui-même à La Fère, accompagné de quelques dragons , essaya de faire entrer d'Aboville dans ses vues, et, n'ayant pu y parvenir, se retira avec son frère et Lefebvre-Desnouettes. Ayant échoué dans une entreprise qui semblait devoir réussir au gré de leurs désirs, ces trois officiers supérieurs, arrivés à Chauny, soulevèrent un escadron de dragons, et se rendirent ensuite à Compiègne, d'où les chasseurs de Berry les repoussèrent. Poursuivis par quelques troupes, ils se déguisèrent pour leur échapper et tâchèrent de rejoindre Bonaparte; mais le brigadier de gendarmerie Têtard atteignit les fugitifs avec sa brigade aux environs de Marolles en Picardie, et s'empara des frères Lallemand, de deux officiers et d'un domestique. On trouva sur eux sept à huit mille francs en or, et une lettre dans laquelle Lefebvre-Desnouettes disait à Lallemand aîné qu'il était temps d'agir. Le frère de ce dernier avait pu s'échapper avec le colonel d'artillerie Marin, et le chef d'escadron Brice. Ils étaient escortés par des chasseurs de la garde royale. On conduisit les détenus à la maison de détention de la Ferté-Milon, on les transféra ensuite à Soissons , et le conseil général de Seine-et-Marne vota une récompense de 500 francs pour chacun des cinq gendarmes qui avaient concouru à leur arrestation. Le général Lallemand recouvra sa liberté le 20 mars, et fut nommé lieutenant général et pair de France. Il alla bientôt rejoindre l'armée aux frontières, combattit avec sa valeur accoutumée aux batailles de Fleurus et de Waterloo, et après notre défaite, se retira vers Soissons, à la tête du corps de troupes sous ses ordres. Fidèle à Napoléon, jusque dans son infortune, il voulut partager sa destinée, fut envoyé avec Las Cases, le 14 juillet, proposer de la part de leur maître au capitaine Maitland de recevoir à son bord un souverain fugitif qui se confiait à la foi britannique. Lallemand s'embarqua sur le Bellerophon ; mais, lorsqu'après avoir quitté la baie de Plymouth,on eut notifié à Bonaparte l'intention formelle de le conduire à Sainte-Hélène, ce souverain fut obligé de se séparer des généraux Savary et Lallemand qui prièrent en vain qu'on leur laissât partager l'exil de l'empereur. On les obligea de rester à bord du Bellerophon, l'empereur quittant ce vaisseau pour monter le Northumberland. Ces deux officiers supérieurs craignaient bien qu'on les ramenât en France, mais on les jeta sur le vaisseau l'Eurotas, et on les envoya à Malte comme prisonniers de guerre. Ils y arrivèrent le 26 septembre, et furent enfermés, sous forte garde, au fort Manuel.

Pendant le trajet de Lallemand aîné, son procès s'instruisait, d'après l'ordonnance royale du 24 juillet 1815, devant le 2e conseil de guerre permanent de la 1re division militaire sous la présidence du comte Mesnard, maréchal de camp. Ce fut le 20 août que les débats eurent lieu. Les pièces de la procédure entendues, M.Viotti, chef de bataillon d'état-major, rapporteur, prit la parole. Sur ses conclusions, le tribunal a déclaré, à l'unanimité, l'accusé coupable : «1° de trahison, en ce qu'en sa qualité de commandant du département de l'Aisne, il aurait fait des tentatives pour exciter les citoyens, habitants et soldats, à s'armer contre l'autorité royale ; « 2° de rebellion, en ce qu'il aurait fait des tentatives sur la place de La Fère, à l'effet de s'emparer du dépôt d'artillerie établi en cette ville, pour s'en servir contre l'autorité légitime ; d'avoir tenté de détruire et de changer le gouvernement légitime et l'ordre de successibilité au trône. »

« En conséquence, il l'a condamné à la peine de mort, et a ordonné l'impression du jugement au nombre de 500 exemplaires. »

Après quelques mois de détention au fort Manuel, le général Lallemand fut élargi avec son compagnon d'infortune Savary, se rendit à Smyrne, d'où le grand Turc l'obligea de s'éloigner. II partit pour la Perse, avec un officier de l'ancienne armée de Bonaparte, nommé Vintimille, et Savary, quelques jours après, s'embarqua pour Salem. Plusieurs journaux ont rapporté, dans le tems, que Lallemand l'aîné s'était rendu en Egypte et avait offert ses services au pacha ; nous n'avons pu vérifier l'exactitude de ce fait. En 1817, il arma quelques bâtimens chargés de munitions de guerre, et fonda au Texas, une colonie de réfugiés français qui prit le nom de Champ d'asile. Cet établissement, où s'étaient réfugiés des débris de ces vieilles cohortes qui ont porté l'honneur du nom français aux limites du monde, ne pouvait manquer d'exciter la jalouse inquiétude des puissances voisines. Il prospérait, et le gouvernement inquisiteur de la Péninsule souffrait de sentir se développer sur son propre territoire un vieux levain d'indépendance et de liberté. Il s'agissait alors de la cession de la Floride. L'Espagne en profita pour demander l'anéantissement du Champ d'Asile, et le gouvernement des Etats-Unis ayant accédé volontiers à cette demande, les colons furent dispersés, et le général Lallemand se rendit à la Nouvelle-Orléans où son épouse, demeurée jusqu'alors en France, alla le rejoindre.

Si l'on en croit quelques journaux de l'époque, à la vérité, peu dignes de foi, la colonie du Texas, formée tout au plus de 6 à 700 individus, ayant à lutter contre les sauvages et contre une pénurie presque absolue de moyens alimentaires, se serait révoltée contre le jeune Lallemand, qui, obligé de s'enfuir à la Nouvelle-Orléans, aurait eu à se soustraire aux recherches de ces malheureux qui voulaient en faire justice .... ,

Ce qu'il y a de certain, c'est que ce furent des troupes espagnoles qui détruisirent l'établissement de Galveston ; les sauvages, la disette et l'indiscipline paraissent leur avoir servi d'auxiliaires. .

Vers la fin d'octobre, un corps de 5 ou 700 hommes, envoyés par le vice-roi du Mexique, et commandés par D. Juan de Castaneda, s'est porté sur la rivière de la Trinité. Après s'être emparé du fort que le général Lallemand avait fait construire, à vingt lieues de son embouchure, le commandant de l'expédition envoya un parlementaire pour sommer cet étranger d'évacuer le territoire espagnol. Privé de moyens sufïisans de défense, comptant, peu d'ailleurs, sur le dévouement de la colonie, il fut obligé de souscrire aux conditions qu'on lui imposa et d'abandonner ses projets. Lorsqu'il se fut rendu à la Nouvelle-Orléans, des bruits contradictoires circulèrent sur le compte de notre compatriote ; les uns assurèrent qu'il allait établir une maison de commerce ; d'autres, qu'il se livrait à l'étude des lois du pays, afin de se faire avocat, etc., etc. Il acheta une habitation dans les environs de la ville, en se réservant la faculté de se dédire au bout de trois mois, moyennant une indemnité convenue.

Lorsque les Espagnols, fatigués d'attendre l'exécution des fallacieuses promesses d'un roi auquel ils avaient sacrifié leur sang et leurs richesses, voulurent secouer les haillons de leur misère et obtenir enfin une indépendance conquise par des sacrifices inouis, le général Lallemand répondit à l'appel que firent les Cortès aux âmes généreuses. Il vit, dans leur entreprise, la régénération future d'un état, et crut devoir ses services à la liberté du moment qu'il ne lui était plus permis de les rendre à sa patrie. Arrivé à Lisbonne, dans les premiers jours de mars 1823, avec le colonel Duvergier et M. Félix Cossin, de Nantes, il se rendit de là à Vittoria où se trouvait le quartier général des Français et des Italiens qui devaient marcher sous les ordres du baron Lallemand. On dit que cet officier supérieur s'enferma ensuite dans Cadix, et qu'après les succès de nos armes, il dut la vie à la générosité d'un général français qui le surprit dans des marais aux environs de la ville où nous venions d'entrer vainqueurs. Il retourna immédiatement après à la Nouvelle-Orléans.

Moniteur, 1812,p. 167, 796, 1077, 1248; 1814, 941, 947 ;1815, 282, 293, 305, 638, 743, 858, 834, 844, 876, 889, 906, 945, 972 et 999, 1107, 1202, 1317, 1365; 1816, 571, 847, 899, 947, 948, 1173, 1218; 1823, 381, 555, 890.—Victoires, Conquêtes, etc., des Français, t. XX,XXII, XXIV,

XXVI. Voy. la Table. - Biographie des Hommes vivans, t. IV, p. 66. —

Biographie nouvelle des Contemporains , t. X, p. 374, 375.

LALLEMAND (cadet).

Lallemand (le baron Dominique), frère du précédent, lieutenant général d'artillerie, officier de la Légion d'Honneur, chevalier de Saint-Louis, est né à Metz le 18 octobre 1777. Son frère aîné prit soin de son éducation, et, comme il n'avait pas de fortune, M. le Payen de Jouy paya sa pension à l'école polytechnique où il entra étant encore très jeune. Sorti l'un des premiers de sa promotion, il suivit bientôt l'exemple de son aîné et fut cité comme l'un des officiers les plus braves et les plus instruits de l'ancienne armée, d'ailleurs si féconde en hommes de mérite. Il combattit en Allemagne, en Espagne, en Pologne, et beaucoup de lieux furent témoins de sa valeur. Créé officier de la Légion d'Honneur, puis général de brigade, il défendit en cette qualité le sol français contre les armées coalisées, et ne cessa de combattre qu'au moment où l'abdication de l'empereur changea les destinées de notre patrie. Le roi le conserva en activité et le décora de la croix de Saint-Louis, par ordonnance du 20 août 1814. Au mois de mars suivant, il s'unit à son frère pour insurger le département de l'Aisne, ainsi que nous l'avons marqué ci-dessus. Napoléon le nomma lieutenant général ; il combattit à Waterloo à la tête de l'artillerie de la garde et y fit des prodiges de valeur. Il revint avec l'armée sous les murs de Paris, la suivit au delà de la Loire et quitta ses compagnons d'armes, lorsqu'un ordre de dissolution eut séparé les derniers débris de nos immortelles phalanges. Une ordonnance du 1er août 1815, annula sa nomination au grade de lieutenant général.

Compris dans l'ordonnance du 24 juillet avec son frère et nos compatriotes Ney, Durbach, Bouvier-Dumolard, il partit pour l'Amérique afin de se soustraire au mandat d'arrêt qui pesait sur sa tête. Le 21 août, le conseil de guerre qui avait condamné à mort François-Antoine Lallemand, s'occupa du procès intenté à son frère. La plupart des détails que nous avons donnés sur l'affaire du frère aîné appartiennent également à celle du cadet . Ce dernier n'était pas en activité lors du débarquement de Bonaparte ; et il parait que les conjurés l'avaient prévenu depuis quelque tems de leurs projets futurs, car il fit successivement et à peu d'intervalle l'un de l'autre plusieurs voyages à Paris, pour s'entendre sur les moyens d'exécution. Lallemand jeune harangua vainement les officiers et les soldats de la garnison de La Fère. Obligé de quitter cette ville, il rencontra dans le faubourg un convoi de dix bouches à feu qui avait été expédié de Vincennes, frappa celui qui le commandait et emmena les canons. Arrêté par la gendarmerie de Chauny, il voulut séduire le brigadier, et lui offrit, indépendamment des 7 ou 8,000 francs saisis sur son frère et sur lui, un bon de 10.000 francs payable à Paris.

M. Viotti, rapporteur, ayant lu le cahier des charges et formé ses conclusions, le conseil, après une courte délibération, condamna Dominique Lallemand, absent et contumace, à la peine de mort, comme coupable, « 1° de rébellion et d'attentat à main-armée, en ce qu'il a, avant le 23 mars 1815, coopéré à la mise en mouvement sur Paris du corps des chasseurs royaux, mouvement effectué dans l'intention de renverser le gouvernement légitime ; 2° d'avoir tenté d'ébranler la fidélité des troupes stationnées à La Fère, et de s'emparer du dépôt d'artillerie établi dans cette ville ; 3.° de s'être emparé par violence d'un convoi de plusieurs bouches à feu venant de VIncennes.
Le jeune Lallemand, fixé à la Nouvelle-Orléans avec Lefebvre-Desnouettes et d'autres braves de l'ancienne armée, s'occupait d'agriculture et de sciences appliquées à l'industrie, lorsqu'une riche héritière lui donna sa main. La sœur des généraux Lallemand avait épousé M. Guénard, chef de bataillon d'artillerie, officier de la Légion-d'Honneur, décédé aux environs de Metz il y a quelques années.

Moniteur, 1807, p. 1297 ; 1811 , 685; 1814 , 710; 282, 293, 305, 844, 876, 1365; 1816, 847, 947; 1817, 518; 1819, 77, 78, 79, 85, 131.— Victoires, Conquêtes, etc., des Français, t. XXIV, XXVI. Voy. laTable. —Biogr. des Hommes vivans, t. IV , p. 66. — Biogr. nouv. des Contemp., t. X , p. 373. Cette Biographie attribue à Lallemand jeune la fondation du Texas. Je crois que c'est une erreur.

     

 

 

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