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Joubert, général français 1762-1799

 

  Biographie universelle, ancienne et moderne (Michaud), tome 22, Paris 1818.    
 

JOUBERT ( Barthélemi-Catherine), général en chef de l'armée d'Italie, naquit en 1769, à Pont-de-Vaux, en Bresse : à l'âge de quinze ans, il quitta ses études pour servir dans un régiment de canonniers ; mais son père, juge à Pont-de-Vaux, le destinant à suivre la carrière du barreau, l'envoya terminer ses études à Lyon.
Joubert étudiait en droit à l'université de Dijon, lorsque la révolution de 1789, favorisant ses inclinations martiales, il s'occupa beaucoup moins de la connaissance des lois que des exercices militaires dans la garde nationale : âgé de vingt ans, et né avec une imagination vive et ardente, il parut animé de tout l'enthousiasme qui exaltait alors les esprits. En 1791, il s'enrôla volontairement, et servit dans tous les grades inférieurs, depuis celui de simple grenadier. Devenu lieutenant d'infanterie, il était chargé de la défense d'une redoute, sur le col de Tende, dans laquelle il commandait trente grenadiers, au mois de septembre 1795 : enveloppé par cinq cents Piémontais, ce ne fut qu'après une vive résistance qu'il fut fait prisonnier.
Rentré en France, il revint à Pont-de-Vaux, dans le temps où Albitte, envoyé par la Convention dans les départements de l'Ain et du Mont-Blanc, y exerçait cette effroyable tyrannie dont les traces et le souvenir ne sont point encore effacés dans ces contrées. Joubert, parlant à la tribune du club avec le courage d'un militaire indigné de tant d'excès, accuse Alban et Vauquoi, agents d'Albitte ; il attaque Albitte lui-même qui essaya de le faire arrêter.
Nommé adjudant-général en 1794, Joubert fut chargé, au mois de juillet 1795, d'attaquer, avec deux mille hommes, un corps de cinq mille Hongrois, retranché à Melagno, dans une position très fortifiée. Il ne fit sa retraite qu'après avoir perdu quatre chefs de bataillon, cinquante-deux officiers, et le quart de ses troupes. Peu de temps après, n'ayant pas été compris dans la nomination des adjudants-généraux, il se retirait de l'armée, sans murmure et sans faire la moindre réclamation, lorsqu'il reçut du général Kellerman l'ordre de continuer son service, et, bientôt après, le brevet d'adjudant-général chef de bataillon.

 

 

 

 
 

Au mois de novembre 1795, s'étant fait remarquer à la bataille de Loano par sa bravoure, il fut nommé général de brigade sur le champ de bataille. Le 11 avril, il se distingua à celle de Montenotte, par laquelle la brillante campagne de 1796 s'ouvrit sous le commandement de Buonaparte. Deux jours après, à Millesimo, ayant pénétré, avec sept hommes, dans les retranchements ennemis, il fut frappé à la tête et renversé : le bruit de sa mort ébranla un instant le courage de sa colonne, qui rétrograda ; mais, l'ayant ramenée au combat, Joubert poursuivit l'ennemi, et, se concertant avec le général Ménard, il réussit, par une manœuvre hardie et rapide, à envelopper, à Cossaria, un corps de grenadiers autrichiens, commandé par le général Provera, qui fut forcé de se rendre prisonnier de guerre.
Dans cette bataille, il fut distingué par Buonaparte ; celui-ci, dans son rapport au directoire, dit que l'intrépide Joubert était tout à la fois un grenadier par son courage, et un général par ses talents et ses connaissances militaires.
Le 15 avril, il prit part au combat de Dego et aux attaques qui forcèrent le général Colli d'évacuer le camp retranché de Ceva ; deux jours après, passant le Tanaro, il reçut une balle morte dans la poitrine ; et, poursuivant les Piémontais, qui se retiraient à Mondovi, il se trouva, le 25 avril, à cette bataille qui devint aussi funeste au roi de Sardaigne, par le traité qui en fut la suite, qu'elle fut importante pour le progrès des armes françaises dans cette campagne. S'avançant sur Turin, il s'empara de la petite ville de Cherasco ; et la possession des forteresses de Coni, Ceva, Tortone et Alexandrie, ayant ouvert les plaines de la Lombardie aux armées françaises, il passe le Pô, poursuit les ennemis jusque sur Lodi : il entre à Milan, entoure la forteresse, sous le feu de laquelle il reste huit jours, et, se dirigeant sur Vérone, il s'empare de cette ville, dans laquelle il entre le premier. La forteresse de Mantoue ayant été investie, et l'armée ennemie s'étant retirée dans les montagnes du Tyrol, il prit position dans ce pays, pour en garder les issues.
Le 28 juin, il força le retranchement du col de Campione, entre le fort de Garda et l'Adige. Dans cette fatigante et rude journée, écrivait-il, je portais les ordres moi-même, ne pouvant trouver personne qui y mit assez de promptitude.
Sur la fin de juin, il gardait le défilé important de la Corona, lorsque Wurmser y arriva avec une armée de trente mille hommes : attaqué avec vivacité, Joubert défend ce poste pendant une journée, et ne fait sa retraite que lorsqu'il se voit sur le point d'être enveloppé.
L'armée française ayant repris l'offensive le 1er juillet, il contribua au succès des combats de Fano, Lonado, et de la bataille de Castiglione, du 6 juillet, qui fit échouer le projet de Wurmser de débloquer Mantoue, et porter le théâtre de la guerre dans le Milanez. Après la bataille d'Arcole, étant chargé du commandement de l'avant-garde des deux divisions de Masséna et de Vaubois, il se distingua aux brillantes actions de Campara et de Montebaldo. Nommé général de division, il s’occupait de défendre les passages de la Corona et de Montebaldo, lorsque la campagne s'ouvrit, dans les premiers jours de 1797, par la marche d'une nouvelle armée qui s'avançait, avec des forces supérieures, sur toute la ligne de l'armée française. Le 12 janvier, il fut attaqué avec impétuosité : les ennemis avaient déjà emporté une redoute ; ranimant le courage de ses troupes, Joubert se met à la tête des carabiniers et, se précipitant avec eux dans la redoute, il culbute l'ennemi, et lui fait trois cents prisonniers.
Le 14 janvier, jour de la sanglante bataille de Rivoli, les Autrichiens avaient dirigé leurs manœuvres pour envelopper la division Joubert, et s'étaient emparés du plateau de Rivoli : un feu terrible et bien dirigé, qui partait de ce point, faisait tant de ravages, que l'armée française pensait avoir perdu la bataille, lorsque Joubert ralliant ses troupes, et se mettant à la tête des grenadiers, attaque, avec fureur, ce plateau défendu par cinq cents hommes, s'en empare, culbute les Autrichiens dans le bas de l'Adige, et leur enlève plusieurs pièces de canon. De nouvelles troupes s'étant portées sur ce plateau, il soutint le choc de trois attaques successives sur ce poste important, qui était le seul par lequel l'ennemi pouvait faire déboucher son artillerie et et sa cavalerie: il contribua beaucoup au succès de cette mémorable journée, qui décida du sort de l'Italie, par la reddition de Mantoue, et ouvrit l'entrée de l'Allemagne à l'armée française. Le lendemain il tourne l'ennemi et, le gagnant de vitesse, il lui coupe la retraite, en s'emparant de la Corona, et fait six cents prisonniers ; de là, se portant rapidement sur le Trentin, il atteint l'arrière-garde autrichienne, et la met en déroute. Le 5 février, il se rend maître de la ville de Trente : sa division et celles des généraux Baraguey-d'Hilliers et Delmas, obtiennent encore d'autrès succès.
Le 20 mars, chargé du commandement des trois divisions, Joubert reçut l'ordre de s'emparer du Tyrol. Après divers combats, il prend Botzen, coupe la retraite de la colonne commandée par le général Laudon, marche ensuite rapidement sur Clausen, où l'ennemi s'était retranché, gravit des rochers escarpés, perce le centre de l'armée ennemie, et après l'avoir séparée de celle du prince Charles, qui était dans la Carinthie, il la met en déroute et, le 28 mars, il force les gorges d'Inspruck, défendues par des bataillons qui arrivaient de l'armée du Rhin. En s'emparant de tous ces passages, il courut souvent de grands dangers, dont il ne sauva son armée que par la rapidité de sa marche et de ses manœuvres, et par la vivacité des attaques.
Après avoir livré sept combats, fait neuf mille prisonniers, enlevé douze pièces de canon et tous les magasins des ennemis, il parvint à opérer sa jonction sur la Drave avec la grande armée. Ces succès contribuèrent beaucoup aux préliminaires de paix de Léoben, à la signature desquels il fut présent, et il accompagna Buonaparte lorsque celui-ci parut, le 19 décembre, dans tout l'éclat de sa gloire militaire, pour présenter le traité de Campo-Formio au directoire.
Nommé général en chef des troupes françaises en Hollande, Joubert y favorisa la cause populaire. Appelé au commandement de l'armée de Mayence, et, peu de temps après, à celui de l'armée d'Italie, en remplacement du général Brune, il s'y rendit au mois d'octobre 1798, réorganisa l'armée, et y rétablit la discipline.
Dans le mois de décembre, ce fut lui qui dirigea une opération en Piémont qui fixa les regards de l'Europe autant par son résultat que par les moyens qui furent employés : le roi de Sardaigne fut détrône et chassé de ses États par les troupes françaises qu'il y recevait sous la foi d'un traité de paix. Si l'on en croit les bruits qui circulèrent dans le temps, Joubert entreprit cette expédition sans en avoir reçu l'ordre du gouvernement français : sa mésintelligence avec le directoire, ses opinions, et sa démission qui eut lieu peu de temps après, ont rendu cette assertion assez vraisemblable. Ce qu'il y a de sûr, c'est que l'expulsion du roi de Sardaigne fut la suite d'une intrigue préparée dès longtemps, et que, dès la fin de novembre, toutes les mesures avaient été prises pour tromper le gouvernement sarde sur la destination de deux divisions de l'armée française qui devaient, disait-on, rentrer en France en passant par le Piémont :: une de ces divisions dirigée sur Novare, y arrive le 5 décembre pendant la nuit et, s'approchant de la citadelle, un trompette en demande l'entrée pour un courrier extraordinaire très pressé : plusieurs voitures couvertes arrivent à la suite ; tout-à-coup on en voit sortir des soldats armés qui se jettent sur le poste chargé de garder l'entrée de la citadelle. Au premier signal la division se précipite dans
49 la forteresse, les casernes sont investies, la garnison piémontaise est désarmée et faite prisonnière avec toutes les autorités de la place. Dans le même temps, une autre division s'emparait de la citadelle d'Alexandrie par un stratagème à-peu-près semblable ; le poste d'Arona sur le lac Majeur était occupé par les troupes françaises ; et Joubert, se dirigeant rapidement sur Turin avec deux divisions, y entrait comme dans une ville conquise. Déjà la citadelle y était au pouvoir de l'armée française : toute l'artillerie est mise en batterie sur la ville ; et cette mesure qui augmente la consternation de la cour et l'effroi des habitants, ne leur laissant pas même la ressource du désespoir, le général Clausel, porteur d'un ordre de Joubert, annonce au roi de Sardaigne qu'il a cessé de régner, et lui signifie l'ordre de sortir de ses États. C'est dans ces circonstances que ce prince prit la résolution de faire un acte d'abdication de l'autorité souveraine, contre lequel il ne tarda pas de protester. Après cette expédition, qui fut conduite avec tant de célérité et de secret qu'elle fut terminée au bout de trois jours, Joubert se porta sur Livourne, reçut un contre-ordre, et deux commissaires du directoire étant envoyés pour traverser ses opérations, il donna sa démission, et revint à Paris.
A la révolution du 30 prairial, qui renouvela le directoire, il fut nommé commandant de Paris. En juillet 1799, l'armée française avait déjà perdu presque toute l'Italie ; et le gouvernement directorial, menacé de toutes parts, paraissait près de s'écrouler. Ce fut alors que les principaux meneurs, persuadés que le pouvoir ne pouvait manquer de tomber dans les mains d'un général, proposèrent à Moreau de le lui livrer ; et que, sur son refus, ils l'offrirent à Joubert qui , n'étant point encore environné d'assez de gloire militaire, reçut d'eux le commandement de l'armée d’Italie, afin d'obtenir, comme général en chef, quelque succès important, et de revenir ensuite à Paris exécuter ce que Buonaparte fit au 18 brumaire.
Il épousa alors Mlle de Montholon, de la même famille que le premier président de Metz, et alla prendre à Gènes le commandement des mains du général Moreau, dont il demanda les conseils et sollicita les services. Après des témoignages réciproques d'estime et de confiance, également honorables pour les deux généraux, le modeste Moreau se décida à servir sous les ordres de Joubert. ( Voy, MoREAU. ) L'armée occupait, à-peu près, les positions et le pays dans lequel la brillante campagne de 1796 s'était ouverte avec tant de succès. L'ennemi s'étant emparé d'Acqui, Joubert passa les montagnes du Montferrat avec vingt mille hommes, reprit cette ville, et se rendit maître de Capriata. Ayant sait sa jonction avec l'armée de Naples, il marcha sur Novi, avec le projet de débloquer Tortone et d'entrer dans les plaines du Piémont. Naturellement porté à un système d'attaque, il paraissait décidé à livrer bataille, lorsque le développement des forces de l'ennemi et l'avis de ses généraux l'ayant fait hésiter, il renvoya au lendemain pour prendre une détermination. Prévenu à la pointe du jour par une attaque impétueuse des Russes, en avant de Novi, où il commandait en personne, il s'aperçut de quelque désordre dans la gauche de l'armée : s'y portant avec rapidité, il rallie deux bataillons et commande une charge à la baïonnette ; au même instant, frappé dans le côté gauche par une balle, il s'écrie : En avant, mes amis, marchez toujours ; et, tombant de cheval, il dit à son aide de camp : Prenez mon sabre, et couvrez-moi ; en prononçant ces dernières paroles, il expira à l'âge de trente ans.
Joubert fut un des généraux qui contribuèrent le plus au succès des armes françaises en Italie, par la hardiesse et la promptitude de ses manœuvres, par l'impétuosité des attaques, et par une infatigable activité ; partageant presque sans cesse les dangers et les privations du soldat, il lui avait inspiré une confiance qui animait et exaltait son courage. Né avec une constitution faible, il l'avait fortifiée par un exercice continuel. Sa physionomie était douce et mélancolique ; il était grave et silencieux : peu exercé au talent de la parole, sa conversation n'annonçait qu'un esprit ordinaire et peu cultivé ; néanmoins il savait plusieurs langues, il avait de l'instruction, et surtout une grande sagacité. On l'avait vu, dans toutes les contrées foulées tant de fois par l'armée d'Italie, au milieu de tant d'exemples de la dureté et de l'insolence du vainqueur, conserver de la modération : avec tant d'occasions et de moyens de disposer des richesses des vaincus, il s'était fait remarquer par un rare désintéressement, et il n'eut pas même la pensée de s'occuper de sa fortune. N'ayant sur le gouvernement que les idées d'un soldat élevé dans les camps, dont l'imagination s’était exaltée par les idées qui dominaient alors, et ne connaissant d'autre puissance que la bravoure, d'autre autorité que la force des armes, il soutenait et aimait de bonne foi les principes qui avaient opéré la révolution ; et il parlait souvent d'un plan suivant lequel il s'agissait de détrôner et de chasser de leurs États tous les souverains d'Italie pour en former une seule république. Ayant commencé l'exécution de cette entreprise par son expédition en Piémont, il voulait sans doute en faire une semblable dans la Toscane, lorsqu'il fut arrêté par les ordres du directoire. Un décret récent a ordonné qu'il soit élevé un monument à la mémoire de ce général dans la ville de Bourg. Garat, Sonthonax et M. Riboud, ont publié chacun l'éloge de Joubert ; on a aussi une Notice sur ce général par Lalande.

F-s.

 
 

 

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Voir aussi :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Barth%C3%A9lemy_Catherine_Joubert


     

 

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