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HUGUENIN (Sulpice), l'un
des plus fougueux démagogues qui dirigèrent les premiers
événements de la révolution, naquit vers le
milieu du XVIIIe siècle. Il fut d'abord avocat à Nanci,
puis cavalier dans le corps des carabiniers, ensuite commis aux
barrières de Paris. S'étant jeté dès
le commencement dans tous les mouvements de la populace du faubourg
Saint-Antoine, il concourut à la prise de la Bastille, le
14 juillet 1789, et à l'invasion des Tuileries, le 20 juin
1792. Ce fut lui qui ce jour-là, à la tête d'un
rassemblement, entra dans le sein même de l'assemblée
législative, menaçant hautement du geste et de la
voix tous les députés qui siégeaient au côté
droit. Il se porta ensuite au château, où il outragea
indignement la famille royale et plaça un bonnet rouge sur
la tête de Louis XVI. Dans la nuit qui précéda
l'attaque du 10 août, Huguenin, conduisant un pareil rassemblement,
s'empara de l'Hôtel-de-Ville, d'où il chassa la municipalité
qui y tenait encore séance. Il constitua aussitôt,
sous le nom de Conseil de la commune, ce terrible pouvoir,
dont il se créa lui-même le président, qui fit
répandre tant de sang, et qui ordonna tant de spoliations.
Il signa bientôt en cette qualité tous les ordres qui
remplirent les prisons d'une foule de victimes, et il donna le signal
des massacres en proclamant solennellement, le 2 septembre, que
la patrie était en danger. Il dirigea alors, de concert avec
Danton, Billaud-Varenne, Mehé-Latouche et Tallien, les égorgements
des prisons, et partit quelques jours après pour les départements,
avec d'autres commissaires de l'horrible commune, afin d'y organiser
des massacres du même genre. Il se rendit d'abord à
Lyon où ses intrigues eurent peu de succès, puis à
Chambéry où elles n'obtinrent guère d'autres
résultats que la création d'une société
populaire, qu'il inaugura en présence du général
Montesquiou et de concert avec le comédien Michot, son collègue.
Revenu à Paris, il se fit donner par la commune une autre
mission pour la Belgique. C'est là qu'il s'abandonna sans
réserve à son penchant effréné pour
le pillage et les rapines. On a raconté qu'il fit charger
à Bruxelles douze chariots d'argenterie des églises,
de tableaux et de toute sortes de meubles précieux qu'on
apporta dans son domicile du faubourg Saint-Antoine, où il
réunissait quelquefois ses amis pour s'y livrer aux plus
crapuleuses orgies. C'est dans cette demeure impure que fut transporté
un lit de l'archiduchesse gouvernante des Pays-Bas, que le commissaire
Huguenin avait réservé pour son usage particulier !...
Toutes ces infamies furent cependant à la fin dévoilées ;
et même à une telle époque on ne put les tolérer,
quelle que fût l'importance des services que cet homme avait
rendus à la révolution. Il fut ouvertement accusé,
au sein du conseil de la commune, d'avoir volé, dans la journée
du 10 août 1792, une somme de cinquante louis en or, et commis
beaucoup d'autres dilapidations. Sur la proposition du même
membre, il fut arrêté par le conseil, dans sa séance
du 14 août 1793, qu'Huguenin rendrait compte, par écrit,
de sa conduite dans toutes les missions qui lui avaient été
confiées. Mais cette décision n'eut ostensiblement
aucun résultat. Huguenin cessa néanmoins de faire
partie du conseil; et il vécut encore plusieurs années
dans l'obscurité. Cet homme, qui sans la révolution
eût probablement eu une destinée plus heureuse et plus
calme, avait obtenu un prix en 1778, à l'académie
de Lyon, pour un mémoire sur les étangs, qui fut imprimé
l'année suivante in-8°. M—Dj.
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