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DUCHESNOIS
(Catherine-Joséphine RAFIN, dite), célèbre
tragédienne française, née à Saint-Saulves-lès-Valenciennes,
le 5 juin 1777 (et non en 1780), morte le 8 février 1835.
Elle fut successivement couturière à Paris et domestique
à Valenciennes. Elle prit du goût pour la carrière
dramatique en jouant dans une société d'amateurs,
et parut pour la première fois, le 10 janvier 1797, sur le
théâtre public de Valenciennes, comme actrice salariée;
elle obtint un double succès, dans la tragédie et
dans la comédie. Elle joua le personnage de La Paix
dans une pièce épisodique composée par un habitant
de la ville, et remplit avec beaucoup de succès le rôle
de Palmyre de Mahomet, lors d'une représentation donnée
en 1799, au bénéfice des indigents.
Bientôt, cédant à un entraînement irrésistible,
elle quitta furtivement Valenciennes, et se rendit de nouveau à
Paris. Vouée désormais au culte de la muse tragique,
elle se fit admettre à un cours de déclamation professé
par Florence, très médiocre acteur du Théâtre
Français. Ce fut là que le poëte Vigée,
ayant eu occasion de l'entendre, s'intéressa vivement à
Mlle Duchesnois, ainsi que Legouvé, dont elle reçut
des conseils; ce fut par la protection de ces deux poëtes,
et l'appui de Mme de Montesson qu'en juillet 1802 elle débuta
avec beaucoup d'éclat, par le rôle de Phèdre.
Le 8 novembre suivant elle termina ses débuts, et fut couronnée
sur la scène même, malgré l'opposition de la
plupart de ses camarades, qui, pour lui faire expier en quelque
sorte son triomphe, la retinrent éloignée pendant
près de trois mois, pour faire occuper sa place par une rivale.
Mlle Duchesnois avait successivement joué les rôles
de Roxane, de Sémiramis, de Didon et d'Hermione; à
l'exception de ce dernier, aucun de ces rôles ne lui avait
été aussi favorable que celui de Phèdre. Bientôt
il s'éleva une lutte de rivalité entre les partisans
de cette actrice et ceux de la nouvelle venue, Mlle Georges Weymer;
lutte qui pendant trop longtemps fit du parterre de la Comédie
Française une arène de pugilat, et dont Geoffroy,
le fameux critique, s'était déclaré le chef
en faveur de cette dernière actrice. Malgré sa supériorité
réelle sur sa concurrente, Mlle Duchesnois aurait vraisemblablement
succombé sans l'intervention de l'impératrice Joséphine,
qui fit ordonner sa réception. Cette actrice fut donc reçue
sociétaire, le 22 mars 1804.
Ce ne fut qu'après la fuite de Mlle Georges en Russie, que
Mlle Duchesnois eut enfin le champ libre; mais il lui avait fallu
beaucoup de résignation pour résister aux vexations
que ne cessaient de lui susciter ses envieux. On raconte qu'à
l'issue d'une représentation d'Iphigénie en Aulide,
Mlle Raucourt, qui patronait Mlle Georges, ayant été
accueillie par un sifflet, l'attribua à Eriphile; elle voulut
s'en venger à force ouverte, et il fallut arracher de ses
mains Mlle Duchesnois, qui n'était nullement de taille à
lutter contre la colossale Clytemnestre.
Les rôles établis d'origine par Mlle Duchesnois sont
peu nombreux. Ceux où elle a laissé le plus de souvenirs
sont Marie Stuart, dans la tragédie de Lebrun, et
Jeanne d'Arc, dans la pièce de D'Avrigny.
Le premier coup d'œil n'était pas favorable à Mlle
Duchesnois, et sa taille, bien qu'élégante, manquait
de majesté. Son organe était doux et sonore à
la fois, et il se prêtait facilement à l'expression
des sentiments tendres. Cette tragédienne a été
jugée fort diversement par les critiques contemporains; il
est certain qu'elle ne fut pas sans défauts, et que son débit
particulièrement était accompagné d'une sorte
de hoquet dramatique, fatigant pour les auditeurs; mais elle avait
de l'énergie et de la sensibilité. Elle fit ses adieux
au public le 30 mai 1833, dans une représentation donnée
au bénéfice de Mme Dorval, sur le théâtre
de l'Opéra, et mourut deux ans après.
Ed. DE MANNE.
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