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Bouhtay
(Henri-Noël), général-major honoraire, chevalier
des ordres de Léopold et de la Légion d'honneur, ancien
aide-de-camp du général comte Lobau (1815), ancien
chef de division au ministère de la guerre (1831), vice-président
de la Commission administrative de Institut royal des sourds-muets
et des aveugles de Liège, ancien membre du Conseil d'administration
de la Société libre d'Emulation, né le 8 juillet
1777 à Liège, où il est mort le 25 mars. (1)
La carrière militaire de Bouhtay commença sous les
drapeaux de la République. Résistant à ses
parents, qui le destinaient au commerce, il s'engagea, le 4 septembre
1798, après avoir fait ses humanités au Collège
de Liège. Il parcourut avec distinction tous les grades inférieurs,
obtint l'épaulette de sous-lieutenant en février 1812,
fut nommé lieutenant-adjudant du général Dulong
le 18 août 1813, et reçut le brevet de capitaine quelques
jours après. Fait prisonnier de guerre par les Autrichiens
le 11 novembre suivant, il fut dirigé sur la Hongrie et ne
parvint à être libéré qu'en juin 1814.
Au mois de mai 1815, le comte Lobau le choisit pour aide de camp.
Il assista à la bataille de Waterloo, fut blessé et
eut deux chevaux tués sous lui. (2)
Le capitaine Bouhtay obtint sa démission honorable le 9 septembre
1815, et vint offrir ses services au roi des Pays-Bas. Mais le fait
de s'être trouvé à Waterloo dans les rangs de
l'armée française était, aux yeux du Gouvernement,
un crime impardonnable. Ce fut seulement le 13 juin 1816 que notre
brave concitoyen obtint un brevet de capitaine d'infanterie, position
qu'il conserva jusqu'au 31 décembre 1828, où il fut
mis en non-activité de service et peu après pensionné.
Si, comme nous le montrons plus loin, ce gouvernement ne le trouvait
pas digne d'avancement, il ne dédaigna cependant pas de tirer
parti de son savoir et de son expérience en le chargeant
de plusieurs missions délicates.
Immédiatement après la révolution , le 15 octobre
1830, Bouhtay rentra dans l'armée belge avec le grade de
major d'état-major, et fut désigné quelques
semaines après pour remplir les fonctions de chef d'état-major
de la 4e division militaire. Nommé lieutenant-colonel, chef
de la division du personnel au ministère de la guerre le
23 juin 1831, il fut promu au grade de colonel le 15 juillet 1832.
Le 7 octobre suivant, le Roi Léopold le nomma commissaire
près du général français chargé
du siège d'Anvers.
Du 15 janvier 1833 au 18 juin 1839, Bouhtay remplit successivement
les fonctions de chef d'état-major près la 6e division
territoriale, près le commandant supérieur de Venloo
et près la lre division territoriale.
En lui accordant une pension de retraite le 18 juillet 1842, le
Roi lui conféra le grade de général-major honoraire.
Bouhtay possédait des connaissances étendues et parlait
avec facilité plusieurs langues. A onze ans, il savait du
latin ce qu'on en pouvait apprendre alors. Envoyé à
Bois-le-Duc pour y soigner des intérêts privés,
il revint de cette ville, après un court séjour, familiarisé
avec l'idiome de la Néerlande. Entré au service en
1798, il acquit avec non moins de promptitude la connaissance de
l'allemand. Les guerres de l'Empire lui fournirent l'occasion d'étudier
le polonais et surtout l'espagnol, langue qu'il posséda au
point de traduire en vers, à Séville, à la
suite d'une discussion provoquée par la lecture d'une ode
castillane sur la mort, les fameuses stances de Malherbe à
du Perrier. Rentré en Belgique, une nouvelle ère s'ouvrit
pour lui. En 1823-1824, on le trouve inspecteur des écoles
à Namur ; en 1825, il dirige avec le plus grand succès
l'école régimentaire de la 12e Afdeeling et
y enseigne le hollandais. En 1827, le gouvernement des Pays-Bas,
ayant résolu de charger deux officiers d'élite de
chaque régiment d'étudier à Louvain les méthodes
popularisées depuis sous le nom de Jacotot, et de les introduire,
s'il y avait lieu, dans l'armée, Bouhtay fut désigné
pour remplir cette intéressante mission, et faire partie,
comme on disait alors, de la Compagnie normale. Notre concitoyen,
par ses aptitudes spéciales, devait réussir dans l'accomplissement
d'une pareille tâche. Il se passionna pour cette méthode,
parce qu'il se sentait capable d'en tirer parti, et qu'il y avait
une secrète affinité entre sa nature intellectuelle
et la nature même du maître. En moins de neuf mois,
il avait mis deux soldats wallons du Condroz, d'ailleurs doués
de moyens assez médiocres, en état de soutenir publiquement,
en présence du corps académique de Louvain, une discussion
en langue hollandaise. Bouhtay se prit lui-même pour sujet
d'une expérience : il consacra pendant soixante jours,
à l'étude de la langue anglaise, un quart d'heure
d'intervalle dont il pouvait profiter entre deux leçons,
et, après ce temps, c'est-à-dire après quinze
heures de travail, il traduisit à livre ouvert, à
la Société militaire de Louvain, des passages de différents
auteurs. Usé par un labeur trop assidu et abreuvé
de dégoûts de plus d'un genre, il quitta la Compagnie
normale un an avant la révolution belge.
Les connaissances variées de l'honorable général,
sa bienveillance, son zèle à toute épreuve,
le signalèrent à la Commission administrative de l'Institut
royal des sourds-muets et des aveugles de Liège, qui, en
1844, l'associa à ses travaux. Les services qu'il ne cessait
de rendre à cet établissement venaient d'être
reconnus par une élection à la vice-présidence
de la Commission , lorsque la mort l'enleva inopinément.
Doué d'une intelligence vive et lucide, peu disposé
à se faire l'esclave de préjugés traditionnels,
et pourtant ami de l'ordre et de la discipline, Bouhtay ne se laissa
pénétrer de l'esprit du XVIIIe siècle qu'en
ce qu'il avait de réellement fécond et d'émancipateur.
Il y avait en lui deux natures ou plutôt deux tendances :
l'une le portait vers la science, vers la réflexion et la
vie retirée ; l'autre, vers une existence active et
aventureuse ; mais si loin que l'on remonte dans les souvenirs
de ceux qui l'on connu de près, on trouve ses instincts dominés
et conciliés par son cœur. S'il acquit de l'instruction,
ce fut pour en faire jouir ses semblables ; s'il figura avec
distinction sur les champs de bataille, ce ne fut jamais l'ambition
ou une ardeur inconsidérée qui l'inspira, mais bien
le sentiment du devoir.
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(1) Nous empruntons la plus grande partie de cette notice au Nécrologe
des officiers de l'armée belge pour 1859 et aux discours
prononcés sur la tombe de Bouhtay par le général
Du Pont et par M. A. Le Roy, secrétaire de la Commission administrative
de l'Institut royal des sourds-muets.
(2) Peu de nos concitoyens possèdent un état de services
aussi bien rempli que celui du général Bouhtay. De 1798
à 1815, il assista à presque toutes les grandes batailles
de cette mémorable époque.
Dès 1798, il donne déjà des preuves de valeur
au siège d'Ehrenbreitstein. - Le 21 mars 1799, il se distingue
au combat de Pfullendorff. - Le 25 du même mois, il se trouve
à la bataille meurtrière de Stockach, dans laquelle
Soult, à la tête de 40.000 hommes, tint tête à
75,000 Autrichiens.
Le 25 mai suivant, il est blessé d'un coup de sabre à
la tête au combat de Winterthur, ce qui ne l'empêche pas
d'assister, peu de jours après, à un nouveau combat
près de Zurich.
En 1800 et en 1801, il assiste au passage du Saint-Gothard se bat
sous le château de Milan, prend part à la bataille de
Pozzolo, aux combats de Montebello et de Castelfranco. - Il passe
les années 1803 et 1804 au camp de Boulogne. - En 1805, il
assiste au combat de Guntzberg, à la prise d'Ulm, et aux batailles
de Hollabrunn et d'Austerlitz. - En 1806, il se trouve a la bataille
d'Iéna ; en 1807, au siège de Dantzig et à
la bataille de Friedland, d'où il passe avec son régiment
à l'armée d'Espagne. - En 1808, il campe près
de Miranda. - En 1809, il prend part aux combats de Bilbao, de Logrono,
d'Almatorez et à la bataille de Talavera. - En 1810, 1811 et
1812 , il assiste à différentes affaires dans la Sierra-Morena,
se trouve à la prise de Malaga, au combat de la Venta de Bahul,
au siège de Cadix, et aux batailles de Salamanque et d'Albufera,
où il est blessé d'une balle à la jambe droite.
- En 1813, il est cantonné dans la Vieille-Castille. - A peine
remis de sa blessure, il est attaché au général
Dulong, part pour l'armée d'Allemagne, assiste à différents
combats près de Lowenberg et de Nollendorff. - Il se trouve
enfin a la bataille de Dresde, où il est fait prisonnier et
dirigé sur la Hongrie. |
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