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BARAGUEY
D'HILLIERS (Louis),
général français, né le 13 août
1764, à Paris, d'une famille noble, fit dans cette ville
des études qui, sans être profondes, lui furent très
utiles, parce qu'il les dirigea entièrement vers la carrière
des armes à laquelle dès lors on l'avait destiné.
Il entra comme sous-lieutenant dans le régiment d'Alsace
en 1784, et il était lieutenant au même corps le 1er
mai 1791, lorsqu'il donna sa démission, ne voulant pas servir
la cause de la révolution. Ayant bientôt changé
d'opinion, il fut nommé capitaine dans un bataillon d'infanterie
légère le 20 janvier 1792, et le mois suivant aide
de camp du général Crillon. Trois mois après
il obtint le même emploi auprès de Labourdonnaye, puis
auprès de Custines qui le fit son sous-chef d'état
major, en lui donnant le grade de général de brigade.
En remplissant ces fonctions, Baraguey d'Hilliers prit part à
l'invasion du Palatinat et à la prise de Mayence à
la fin de 1792 ; et la confiance du général en chef
lui offrait alors la perspective d'une destinée encore plus
brillante. Il fut même question de le faire ministre de la
guerre, mais, entraîné dans la chute de son protecteur,
il fut comme lui suspendu de ses fonctions, arrêté
et conduit à Paris; cependant il ne parut pas dans le procès
de Custines. Ce ne fut qu'un an après que, traduit au sanglant
tribunal révolutionnaire avec cinquante victimes, qui ce
jour-là même périrent sur l'échafaud,
accusées d'avoir conspiré dans la prison où
tous étaient détenus , Baraguey d'Hilliers fut absous
avec deux autres accusés. Un bonheur si rare et si inespéré
donna lieu à beaucoup de conjectures, et l'on alla jusqu'à
dire que le général Baraguey avait racheté
sa vie par des actes de faiblesse ; mais son caractère connu
et le courage qu'il a tant de fois déployé ne permettent
guère d'ajouter foi à de pareilles assertions. Malgré
cette sentence d'absolution, il fut réintégré
aussitôt après dans la prison du Luxembourg comme noble
et suspect, et il n'en sortit qu'après la chute de Robespierre.
Remis en activité le 5 prairial an III (24 mai 1795), il
fut employé a Paris, et concourut sous les ordres de Pichegru
a réduire le parti des démagogues du faubourg St-Antoine,
révoltés contre la Convention nationale ; mais
quelques mois plus tard (13 vendémiaire an IV, 5octobre 1795)
il fut accusé d'avoir manqué de fermeté contre
d'autres révoltés du parti contraire, de la section
Lepelletier que l'on accusait de royalisme ; ce qui le fit
encore une fois destituer. Réintégré dès
le mois suivant, il fut employé dans l'ouest sous les ordres
de Hoche ; puis à l'armée d'Italie, où
il arriva vers la fin de la belle campagne de 1796. Le général
en chef Bonaparte lui donna un commandement dans la Lombardie, et
le chargea ensuite de s'emparer de Bergame, place de l’État
vénitien qu'il lui importait d'occuper, mais que la neutralité
semblait mettre à l'abri d'une pareille entreprise. Baraguey
d'Hilliers usa dans cette occasion de beaucoup d'adresse, et voici
comment Bonaparte rendit compte de cette expédition au directoire
: «Quoique l'occupation de Bergame ne soit pas une opération
militaire, il n'en a pas moins fallu des talents et de la fermeté
pour l'obtenir. Le général Baraguey d'Hilliers que
j'en avais chargé s'est parfaitement conduit : je vais
lui donner le commandement d'une brigade, et j'espère qu'aux
premières affaires il méritera sur a le champ de bataille
le grade de général de division. » Chargé
en effet bientôt après de conduire un corps d'armée
dans le Tyrol, Baraguey d'Hilliers pénétra par la
vallée de l'Adige jusqu'aux gorges de la Brenta, où
il se réunit à l'armée principale, après
avoir fait quatre mille prisonniers ; et le grade de général
de division lui fut donné (mars 1797). II reçut peu
de temps après du général en chef une preuve
de confiance encore plus grande. L'adresse qu'il avait mise à
s'emparer de Bergame fit avec raison penser à celui-ci qu'il
ne se montrerait pas moins habile dans une opération de même
nature, mais de beaucoup plus d'importance ; c'était
l'occupation de Venise dont il s'agissait également de s'emparer
à la faveur des dissensions que le voisinage de l'armée
française y avait fait naître, et des mouvements populaires
que l'envoyé de France, Lallement, et son secrétaire,
Villetard, y avaient excités. Baraguey d'Hilliers se tint
pendant quelques jours en observation avec sa troupe, attendant
le résultat de toutes ces manœuvres et les ordres du général
en chef, qui ne tardèrent pas a arriver. Dès le lendemain
Venise fut au pouvoir des Français et la plus ancienne des
républiques avait cessé d'être !... Bonaparte
ne fut pas moins satisfait de Baraguey d'Hilliers dans cette occasion
qu'il ne l'avait été à la prise de Bergame
; il lui donna le commandement de Venise ; et ce général,
établi dans l'une des plus riches maisons (l'hôtel
Pisani), déploya un faste jusqu'alors inconnu dans l'armée
française. Il faut voir dans l'historien Botta comment, après
avoir dépouillé les Vénitiens de leur marine,
de leurs monuments des arts et de toutes leurs richesses, Baraguey
d'Hilliers planta solennellement sur la place Saint-Marc un arbre
de la liberté ; et comment dans ce même temps
se négociait leur tradition à l'Autriche. Quand cette
opération fut consommée, le général
en chef lui donna un autre commandement. Baraguey se trouvait à
Mantoue en février 1798, lors de l'insurrection qui éclata
parmi les troupes de la garnison ainsi qu'a Rome, et il informa
de cet événement, par une lettre confidentielle du
10 février, Bonaparte qui était alors à Paris,
se disposant a partir pour l’Égypte. Le général
Baraguey fut appelé a faire partie de cette expédition,
et il s'embarqua dans le port de Gènes avec sa division pour
se réunir devant Malte à la grande flotte que Bonaparte
lui-même conduisait à la conquête de l'Orient.
On sait comment cette inexpugnable forteresse tomba dans les mains
des Français, et l'on sait aussi tout ce qu'ils y trouvèrent
de munitions et de richesses de toute espèce. Baraguey d'Hilliers
fut charge de porter à Paris la nouvelle de cette belle conquête
avec une partie de ses richesses ; mais la frégate la
Sensible, sur laquelle ils'était embarqué, fut prise
par les Anglais, et rien de la précieuse cargaison ne put
arriver dans la capitale. On conçoit tout le mécontentement
que durent en éprouver les Directeurs ; ils s'en prirent
à Baraguey d'Hilliers ; sa destitution fut prononcée
par un arrêté du 26 thermidor an VI (juillet 1797) ;
et lorsqu'il revint de captivité, peu de mois après,
il fut traduit à un conseil de guerre, pour la reddition
de la frégate dont il ne pouvait être responsable,
puisqu'il n'en avait pas le commandement. Acquitté par un
jugement, il fut néanmoins mis à la réforme ;
mais dès l'année suivante il recouvra son activité.
D'abord chef d'état-major de l'armée du Rhin, il en
commanda ensuite l'aile droite. Il se trouvait à Landau au
commencement de 1800, lorsque le feu prit au magasin d'artillerie ;
et ce fut à son sang-froid et a son courage que la ville
tout entière dut son salut. Il obtint ensuite quelques succès
contre les Autrichiens dans les montagnes des Grisons. Après
la paix de Lunéville le gouvernement consulaire le fit inspecteur-général
d'infanterie ; et, Napoléon devenu empereur, le nomma
grand-officier de la Légion-d'Honneur et colonel-général
des dragons. Cependant on a remarqué qu'il ne jouissait point
alors de toute la faveur qui semblait appartenir à l'un des
plus anciens généraux de l'armée française,
et surtout a l'un de ceux qui avaient fait les campagnes d'Italie.
Napoléon le tint presque toujours éloigné de
lui, et ne l'employa pas dans les occasions les plus importantes.
Il lui donna le gouvernement de Venise en 1808, et ce fut en Italie,
puis en Hongrie , sous le vice-roi Eugène, que Baraguey fit
la campagne de 1809. Après la paix de Vienne, il fut chargé
de réduire les insurgés du Tyrol qui refusaient de
se soumettre , et qui combattirent avec tant de courage sous les
ordres du fameux Hofer. Baraguey passa ensuite a l'armée
d'Espagne, et le 3 mai 1811 il battit sous les murs de Figuières
un corps espagnol commandé par Garapo-Verde. Appelé
à la grande armée l'année suivante , il fut
mis à la tête d'une division qui partit de Smolensk
dans les premiers jours de novembre 1812, pour se diriger vers Kalouga,
au devant de l'empereur, lequel avait d'abord dû faire sa
retraite dans cette direction, mais qui en avait changé par
suite de la bataille de Malojaroslawitz. N'étant pas informé
de ce changement, Baraguey se trouva bientôt au milieu de
plusieurs corps russes, et une partie de sa division fut obligée
de capituler. Napoléon, informé de cet événement
au milieu des désastres de la retraite, en fut vivement courroucé,
et il traita Baraguey d'Hilliers avec une extrême rigueur ;
il le suspendit de ses fonctions, et par un ordre du jour du 13
novembre il lui prescrivit de se rendre en France aux arrêts,
jusqu'à ce qu'une enquête eût été
faite sur sa conduite dans l'affaire du 9 de ce mois. Le malheureux
général, déjà tant de fois jugé
et suspendu, conçut de ce dernier malheur un tel chagrin,
qu'il tomba malade en route, et que, forcé de s'arrêter
à Berlin, il mourut dans cette ville vers la fin de décembre
1812. —Une de ses filles avait épousé le général
Foy. M—D j. (Michaud jeune.)
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