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Napoléon continuateur de la Révolution ?

 

     
Napoléon, en se faisant proclamer et couronner empereur, peut-il être considéré comme l'héritier, le continuateur et le propagateur de la Révolution ? Pierre Larousse ne le pensait pas.  
 

 

Larousse (Pierre), Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle, tome onzième (1874), article Napoléon.

   
 

(...)
On a dit légèrement que c'était la Révolution qui se couronnait elle-même ; que Napoléon, c'était "Robespierre à cheval", etc. Ces systèmes surannés ont eu leur moment de vogue ; mais rien de plus arbitraire et de plus faux. Il est bien vrai que Napoléon, ce bâtard heureux de la Révolution, en a fort habilement exploité les souvenirs, mais uniquement pour en étouffer les principes et les résultats autant que cela était en sa puissance et dans des vues de grandeur personnelle et d'intérêt privé.
Lui-même, indépendamment de son monstrueux égoïsme et de son ambition effrénée, était, par son tempérament et ses idées, un homme d'ancien régime. Petit gentilhomme d'une noblesse douteuse, d'une famille besogneuse, quoique gonflée d'orgueil et d'avide ambition, élevé par faveur dans les écoles publiques, ce parvenu n'en était pas moins rempli d'infatuation aristocratique ; il méprisait le peuple et ne l'appréciait qu'en tant que force brute, dans la mesure où il pouvait l'exploiter pour ses tueries. Au fond, il n'avait de tendresse que pour l'aristocratie, il avait le vulgaire engouement d'un bourgeois de Molière pour cette noblesse de la vieille monarchie qui mendiait bassement, qui recevait avec avidité ses faveurs, tout en le méprisant en secret comme usurpateur et comme parvenu.
Etranger par la race et par les idées, il était à mille lieues de cette France humanitaire et philosophe du XVIIIe siècle dont les principes et les conceptions avaient pénétré tous les hommes de son temps. Son mépris bien connu des idéologues et tous les actes de sa vie montrent assez qu'il ne croyait qu'à la force et à l'autorité. Loin d'être la continuation de la Révolution française, son règne, malgré son éclat militaire, en fut la réaction haineuse et, sous le rapport politique, une pure imitation du césarisme byzantin. En résumé, il ne laissa subsister de la Révolution que ce qu'il ne pouvait anéantir, il restaura de l'ancien régime tout ce qui pouvait s'adapter à la société nouvelle. Son autocratie était même plus absolue que celle des anciens rois et elle s'étendait sur sa propre famille, à la manière antique et au-delà des limites légales.

     

 

 

 

     

 

 

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