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Franconi

 

Encyclopédie des Gens du Monde, tome 11.

 
 

Franconi. Ce nom si familier aux amateurs des exercices équestres, est celui d'une famille noble d’Italie. Le premier qui lui donna la célébrité presque européenne dont il jouit encore aujourd'hui dans l'art de dresser les chevaux , Antoine Franconi, naquit à Venise en 1738. Obligé de fuir sa patrie par suite de la condamnation à mort de son père, qui avait tué en duel un sénateur, il vint en France à l'âge de 20 ans. Pour subvenir à ses besoins, il dut chercher à se créer des ressources: il les trouva dans la physique qu'il avait cultivée dans sa jeunesse et parut pour la première fois devant le public en qualité de physicien. À cette industrie il en joignit bientôt une autre: il fit voir des oiseaux savants, puis d'autres animaux qu'il dressait avec un talent remarquable. Les curieux de Lyon et de Bordeaux applaudirent à ses efforts, et ce fut dans cette dernière ville qu'il eut occasion de connaître le duc de Duras, dont les bons offices le mirent à même d'introduire en France le spectacle favori des Espagnols, les combats de taureaux. Les taureaux et les taureadores que Franconi était allé chercher lui-même en Espagne eurent un succès prodigieux; de trente lieues à la ronde on accourait pour les voir. Mais, jaloux des bénéfice à de leur directeur, les taureadores ne tardèrent pas à le menacer de donner des combats à leur propre compte. Un soir de représentation, quand déjà le public impatient attendait dans la salle, ils refusèrent de jouter. Franconi n'était pas un bateleur vulgaire, c'était un homme de coeur et de résolution. Sans se déconcerter de ce refus, il s'élance dans le cirque, seul, en bas de soie, la poitrine découverte, et pique le taureau. Les Bordelais furent effrayés de tant d'audace et de courage. Dès ce jour, Franconi fit seul les combats de taureau, et la foule ne cessa de se porter à ses représentations. Après avoir exploité alternativement Lyon et Bordeaux, Franconi arriva à Paris en 1783 et s'associa avec Astley, célèbre écuyer anglais, qui avait depuis trois ans ouvert un manège théâtral dans la rue du Faubourg-du-Temple. Mais le spectacle de ses animaux savants ne plut pas autant aux Parisiens que les exercices de son collaborateur. Au bout de deux ans, il retourna à Lyon, où Balpe, autre écuyer fameux, auquel il avait loué son cirque, avait tellement donné aux habitants le goût de ses manoeuvres que la ménagerie du Vénitien eut tort comme à Paris. Loin de se décourager, Franconi résolut de lutter avec son heureux locataire - il acheta des chevaux, les dressa lui-même, et au bout d'un mois il rouvrit sa salle aux bravos des Lyonnais. La Révolution interrompit le cours du ses succès et de ses recettes; il vit son cirque détruit au siège de Lyon, revint à Paris vers la fin de 1792 et reparut au faubourg du Temple avec toute sa famille qui composait sa troupe d'écuyers et d’écuyères.
En 1793 et en 1799, le théâtre de Mlle Montansier et celui de la Cité se l’adjoignirent momentanément, et il y figura avec ses chevaux dans plusieurs ballets et pantomimes En 1806, le cirque, déjà transporté depuis quatre ans dans l'ancien jardin des Capucines, dut changer encore de place par la raison indiquée à l'article Cirque Olympique ; Antoine Franconi, qui avait fait de brillantes affaires et qui était devenu aveugle, céda alors son établissement à ses deux fils Laurent et Minette, qui, sur la fin de 1809, rouvrirent, rue du Monthabor, une nouvelle salle où ils varièrent les exercices d'équitation par des pantomimes montées avec une pompe dont on n'avait pas encore vu d'exemple. On a dit à l'article déjà cité, pourquoi, en 1816, ils quittèrent encore cette salle et retournèrent au faubourg du Temple, sur l'emplacement jadis occupé par Astley, et comment, chassés en 1826 par un horrible incendie, ils parvinrent à l'aide de nombreuses souscriptions à édifier le vaste amphithéâtre qui s'élève aujourd'hui sur le boulevard du Temple.

Pendant vingt-cinq ans, soit à Paris, soit dans les nombreuses tournées qu'ils faisaient annuellement dans les départements et même à l'étranger, les frères Franconi ont dignement soutenu la réputation de leur père. Habile surtout dans l'art de dresser les animaux, l'aîné a étonné tour à tour les amateurs de ces exercices par la docilité des chevaux, des cerfs, des éléphants formés par lui ; le jeune s'occupait de la mise en scène et même de la composition des mimodrames dans lesquels sa femme figurait avec un talent digne d'une scène plus élevée. Enfin ils se retirèrent successivement, laissant à M. Adolphe Franconi, fils adoptif du plus jeune d'entre eux, le soin de continuer leurs traditions. Depuis 1833, le cirque est exploité par une société dans laquelle M. Adolphe Franconi est resté chargé de l'éducation artistique des chevaux et de la mise en scène des ouvrages dramatiques, double tâche dont il s'acquitte avec un talent héréditaire.
Antoine Franconi, l'auteur de cette famille intéressante d'artistes équestres, est mort à Paris le 6 décembre 1836, à l'âge de 98 ans. Depuis longtemps il avait recouvré la vue, grâce aux soins du baron de Forlens, et il n'avait plus d'autre plaisir que d'assister presque tous les soirs aux représentations du cirque, assis dans un fauteuil placé exprès pour lui à la première galerie, où de ses faibles mains il essayait encore d'applaudir aux travaux de ses successeurs. Le jour du convoi, d'après ses dernières volontés, un cheval suivait immédiatement son corbillard.

 
 

 

 

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