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Dernière modification : 20/11/2005
Napoléon est-il
né en 1769 ?
Extrait de La
Jeunesse de Napoléon, par Arthur Chuquet, tome I, Brienne,
(1908).
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Est-il
ne vraiment le 15 août 1769 à Ajaccio ? On a prétendu
qu'il avait vu le jour à Corte le 7 janvier 1768 et que son
père lui avait attribué l'extrait baptistaire de Joseph
pour le rajeunir et lui donner l'âge exigé par le règlement
des écoles militaires. Ces fraudes, parfois heureuses, souvent
éventées, nullement punies, étaient passées
dans l'usage. Un Foulongne de Précorbin entrait à l'École
militaire de Rebais à la faveur de l’acte baptistaire de son
cadet défunt, et lorsque le ministre découvrait qu'un
M. de Laboulaye avait tronqué la date de l'extrait baptistaire
de son fils, il se bornait à lui faire reprocher cette «
infidélité » par l'intendant de la province. En
1780, le sous-inspecteur général Keralio rapportait
que les mestres de camp des troupes du roi se plaignaient de la faiblesse
physique de leurs sous-lieutenants et assuraient que les parents obtenaient
l'admission de leurs enfants dans les écoles militaires grâce
à de faux actes de baptême. Un colonel ne demandait-il
pas des lieutenances pour ses deux fils, l'un de cinq ans l'autre
de trois ans et demi, en produisant des pièces qui donnaient
dix-sept ans au premier et quinze ans et demi au second ? Le fondateur
de l'École des orphelins militaires, Paulet, fils d'un marchand
de blé, grattant et surchargeant son acte de baptême,
changeant l'u en w, remplaçant « marchand
de blé » par marquis de Black, ne se disait-il
pas gentilhomme irlandais?
Pour prouver que Napoléon est né en 1768, on allègue
d'abord ce mot d'une de ses lettres à Paoli, qui ne quitta
l’île qu'au mois de juin 1769 : « Daignez encourager les
efforts d'un jeune homme que vous vites naître. »
Mais à cette citation s'oppose une autre citation qui la réfute.
« Je naquis, dit Bonaparte dans cette même lettre, quand
la patrie périssait : trente mille Français vomis sur
nos côtes, tel fut le spectacle qui vint frapper mes regards;
les cris des mourants, les gémissements de l'opprimé
environnèrent mon berceau. » Or, la patrie corse périssait
en 1769, non seulement an mois de mai, lorsque Paoli fut défait
au passage du Golo, mais aux mois d'août, de septembre, d'octobre,
de novembre, lorsque les Français
se répandaient de toutes parts, et les cris, les gémissements
que l'enfant entendit dès sa naissance, sont les cris, les
gémissements des Corses qui devaient se soumettre au roi. Si
Napoléon était né le 7 janvier 1768, n'eût-il
pas dit au contraire que le spectacle de la Corse victorieuse fut
le premier qui frappa sa vue, et, selon ses propres expressions, n'est-ce
pas en 1768 que les troupes de Chauvelin, battues à Borgo,
repoussées dans leurs attaques, durent se renfermer dans les
places fortes, sans plus communiquer entre elles que par des frégates
de croisière?
On remarque encore qu'en 1794, le 13 mai et le 27 juillet, dans deux
pièces, des Corses affirment que Joseph est né à
Ajaccio. Mais ces pièces sont de simples certificats d'identité,
nullement destinés à fournir des renseignements précis
et minutieusement exacts. Il s'agit simplement de constater que Joseph
est Corse réfugié, célibataire, âgé
de vingt-cinq ans environ, et peut-être semblait-il dangereux
de dire qu'il était né à Corte, au centre de
l'insurrection paoliste.
On cite aussi l'acte que Napoléon produisit à son mariage
et qui le fait naître le 5 janvier 1768 à Ajaccio. Mais
on n'y regardait pas de si près sous le Directoire. Ou bien
Napoléon voulut se vieillir pour avoir le même âge
que Joséphine - qui, de son côté, assure qu'elle
naquit en 1767, bien qu'elle soit née en 1763 - et il se servit
sciemment de l'acte baptistaire de son aîné. Ou bien
les bureaux de la guerre ont délivré par inadvertance
une copie de l'acte baptistaire de Joseph. En tout cas, l'officier
de l'état civil, ignorant ou pressé, a mal déchiffré
la pièce latine qui lui fut présentée : il a
lu le 5 janvier pour le 7 et il a fait naître le marié
à Ajaccio et non à Corte, parce qu'il n'a pas compris
le mot Curtis et n'a vu que le mot Adjacii qui se rapporte
à la patrie des père et mère.
L'objection la plus grave est tirée des actes baptistaires
de Joseph. Ils sont au nombre de deux : l'acte de Corte et l'acte
d'Ajaccio. Le premier, certifié par le juge royal de Corte,
porte que Nabulion, né le 7 janvier 1768 à
Corte, a été baptisé le lendemain par le curé
de la ville. L'autre, certifié par
l'archiprêtre d'Ajaccio J.-B. Levie, est une copie du premier,
mais on y lit deux prénoms au lieu d'un seul, Joseph Nabulione,
et évidemment le prénom français Joseph
a été ajouté après coup. Le problème
n'admet qu'une solution. Letizia eut un fils en 1765. Cet enfant mourut
peu après, mais vivait encore lorsque naquit Joseph, et, selon
la volonté de Charles Bonaparte, il portait le prénom
de Joseph, comme aîné de la famille. Le futur roi d'Espagne,
étant le cadet lorsqu'il vint au monde, fut donc appelé
Napoléon. Plus tard, devenu l'aîné, il reçut
le prénom de Joseph, qui fut inséré dans l'acte
d'Ajaccio avant le prénom de Nabulion.
Enfin, si Napoléon était réellement l'aîné,
la chose se serait ébruitée. Joseph disait plaisamment
que Napoléon lui avait escamoté le droit d'aînesse.
Mais ses frères et ses soeurs l'ont toujours regardé
comme l'aîné. Letizia a vu dans Joseph le chef de la
famille jusqu'à l'époque où Napoléon se
fut mis hors de pair. Lucien n'a pas cessé de lui vouer une
affection où il y avait presque autant d'amour filial que d'amitié
fraternelle. Louis préférait Napoléon, dont il
fut le compagnon et l'élève à Auxonne et à
Valence; mais il reconnaissait Joseph comme l'aîné. Napoléon
eut souvent des altercations avec Joseph, et, d'ordinaire, il revenait
le premier parce qu'il avait pour lui le respect que les Corses portent
à l'aîné. Joseph n'a jamais douté de sa
naissance à Corte et de son droit de primogéniture.
Il aime Corte comme on aime sa ville natale. "J'ai oublié
bien des choses, écrivait-il au duc de Padoue, mais non les
premières impressions de mon enfance, cette Restonica dont
les eaux si pures se mêlent aux flots si bruyants du Tavignano.
» En 1796, lorsqu'il passe à Corte, il loge volontiers
dans la maison Arrighi où il est né. Fréquemment,
dans ses entretiens avec son cadet, son fratello minore,
il a le ton un peu haut et légèrement hostile, comme
s'il voulait maintenir, suivant le mot de Lucien, sa prérogative
expirante; il prétend rester l'aîné; il n'abdique
pas la première place dans le cercle domestique, ne se laisse
pas brusquer et humilier en face sans prendre sa revanche. C'est à
lui, comme à l'aîné que son père mourant
recommandait la famille en 1785, et en 1835, dans une lettre a sa
mère, Joseph se rendait ce témoignage, qu'il avait,
selon son rôle et devoir, fait ce qu'il avait pu pour les siens
sans faillir à ses engagements durant un demi-siècle.
« Joseph, dit le prince de Canino, avait reçu le dernier
soupir de notre père; il promit de le remplacer auprès
de nous, et il tint parole. »
Mais pourquoi tant insister? L'acte de naissance de Napoléon
existe, et, d'après l'usage universel avant la Révolution,
c'est son acte de baptême : il a été signé
par le parrain, la marraine et le père de l'enfant ainsi que
par l'économe de la paroisse d'Ajaccio, Jean-Baptiste Diamante
: il porte qu'en l'an 1771, le 21 juillet, dans la maison paternelle,
par permission du révérend Lucien Bonaparte, les saintes
cérémonies et prières ont été administrées
à Napoléon, né le 15 août 1769. Ce seul
document suffit. |
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