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Barbé-Marbois,
ministre du trésor public, grand-officier de la légion
d’honneur, chevalier de l’ordre de St. Hubert de Bavière,
etc, etc.
Né à Metz et fils du directeur de la monnaie de cette
ville, il devint conseiller au parlement et fut nommé ensuite
intendant de St.-Domingue. Rappelé de cette colonie, il revint
à Metz, où il se trouvait dans les premières
années de la révolution ; il en fut élu maire
puis envoyé par le roi à la diète de Ratisbonne
en 1791 ; l’année suivante il se rendit à Vienne en
qualité d’adjoint à l’ambassadeur, M. le marquis de
Noailles, avec la mission ostensible de connaître les intentions
positives de l’empereur, relativement aux princes possessionnés
en Alsace et en Lorraine. Ne pouvant, après un mois de séjour
dans cette capitale, obtenir une réponse catégorique,
il revint en France et y resta ignoré jusqu’en septembre
1795. A cette époque il fut nommé député
du département de la Moselle au conseil des anciens ; et
il y eut presque aussitôt à se justifier d’avoir participé
à la rédaction du traité de Pilnitz. Il nia
cette accusation et sollicita même sa mise en jugement à
cet égard ; mais un de ses collègues pris sa défense,
et prouva bien que pendant qu’il avait été maire de
la ville de Metz, il avait donné sans cesse des preuves de
patriotisme ; mais il ne put détruire l’allégation
première. Le conseil passa néanmoins à l’ordre
du jour, et dès lors, Barbé-Marbois y eut une influence
très grande. Il essaya vainement, et à plusieurs reprises,
d’attaquer la loi du 3 brumaire qui excluait les parents d émigrés
des fonctions publiques ; et s’étant ensuite trouvé
désigné pour le ministère des colonies, par
M. de de Lavilleheurnois, agent des princes français, il
fut considéré comme royaliste constitutionnel et rangé
au nombre des ennemis du directoire. Cependant, soit politique,
soit amour de la vérité, il vanta la modération
de cette autorité, à l’occasion des préliminaires
de Léoben ; mais il se prononça bientôt contre
elle, dans la lutte qui s’établit entre les directeurs et
la majorité des conseils. On le vit, dans la séance
extraordinaire du 20 juillet, voter des remerciements au conseil
des cinq cents, pour l’active surveillance qu’il exerçait
dans le danger où se trouvait le corps législatif
et provoquer lui-même de semblables mesures contre le parti
anti-clichien. On devine après cela qu’il n’échappera
pas à la proscription du 18 fructidor. Il fut en effet condamné
à la déportation et transporté à la
Guyane. Soit qu’il n’eut point été prévenu,
soit qu’il ne voulut pas courir de nouveaux dangers, il ne fut pas
du nombre de ceux qui se sauvèrent de cette colonie avec
Pichegru ; mais l’habitude qu’il avait contractée à
Saint-Domingue du climat d’Amérique le fit résister
aux maladies qui enlevèrent un grand nombre de ses compagnons
d’infortune. Rappelé en France après le 18 brumaire
an 8, il obtint d’abord la permission de se rendre à l’île
d’Oléron, fut ensuite nommé conseiller d’état,
et remplaça, en 1801, M. Dufresne à la direction générale
du trésor public, place à laquelle on attacha, en
septembre suivant, le titre de ministre. Il suivit le premier consul
lors de son voyage à Bruxelles en juillet 1803, présida
le collège électoral de d’Eure l’année suivante
et fut élu par lui candidat au sénat conservateur.
Le 1er février 1805, il fut nommé grand-officier de
la légion d’honneur et décoré, peu de temps
après, de la croix de l’ordre de Saint-Hubert de Bavière.
Devenu ensuite ministre du trésor public, il ne tarda pas
à être disgracié ; et Bonaparte lui ayant dit,
dans un accès de colère, qu’il ne tenait qu’à
lui de le déshonorer, Barbé-Marbois répondit
avec beaucoup de dignité : «Votre Majesté peut
me destituer, mais me déshonorer, jamais ». En septembre
1807 il fut nommé premier président de la cour des
comptes ; prêta serment de fidélité à
Napoléon, le 10 janvier suivant, et lui prodigua les plus
grands éloges. En novembre 1809, il félicita ce monarque
sur la paix de Vienne et lui dit, entre autres choses flatteuses
:
« La fortune, toujours docile à vos ordres, est fidèle
à vos drapeaux ; ce seraient là, Sire, des prodiges
sous un autre règne, ce ne sont sous les vôtres que
des événements ordinaires, etc. Accomplissez, Sire,
vos glorieuses destinées ; achevez de pacifier le monde.
» Une autre fois, il vint encore le complimenter dans les
termes les plus emphatiques sur son retour d’Espagne. « Loin
de vous, disait-il, tout manque à notre bonheur ; votre présence
nous rend toutes nos espérances, nos affections ; notre zèle
n’a pas langui pendant que vous étiez absent ; il se ranimera
sous vos regards. Nous avons joui de vos victoires, mais nous jouirons
surtout des biens que vos lois et votre génie nous assurent.
» En un mot, on voyait dans tous ces discours, l’expression
d’une admiration et d’une fidélité sans bornes. Bientôt,
en récompense du dévouement dont il paraissait pénétré,
il fut admis au sénat et reçu le titre de comte. Néanmoins,
le 1er avril 1814, Barbé-Marbois fut un de ceux qui provoquèrent,
dans le sénat, l’expulsion de Bonaparte du trône de
France ; il vota en même temps la création d’un gouvernement
provisoire et fut l’un des membres de la commission spéciale
qui fit délier les Français du serment de fidélité
envers lui. Après l’entrée du comte d’Artois à
Paris, il fut admis à son audience le 18 avril et lui protesta
de son zèle et de son dévouement. « Le retour
de l’auguste maison des Bourbons, dit-il, garantit aux Français
une félicité durable ; les témoignages d’une
joie pure et sincère éclatent de toutes parts ; celle
que nous ressentons n’est surpassée par aucune autre ».
Lors de la création des pairs, il fut élevé
à cette dignité, le 4 juin. Le retour inopiné
de Napoléon dérangea un peu les calculs politiques
de Barbé-Marbois ; il n’avait pas compté là-dessus,
et se trouva pris au dépourvu. On prétend néanmoins
qu’il se refusa à une nouvelle émission de sentiments
en faveur de Bonaparte, et que ce fut là, la cause ou le
prétexte de son remplacement à la chambre des comptes
par M. Collin de Sussy. La seconde chute du Corse et l’arrivée
du roi en juillet 1815, rendit Barbé-Marbois à ses
fonctions de pair et de président de la cour des comptes.
Il obtint à la fin de septembre le portefeuille de la justice,
sous le titre de garde des sceaux. M. de Barbé-Marbois, jouit
d’ailleurs de la réputation la plus distinguée sous
le rapport de la probité, et pousse même son attachement
aux principes jusqu’à sévérité. |
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