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Maestricht,
27 prairial an XI (16 juin 1803).
Général,
Je fais un court séjour à Maestricht : j'ai peu de
choses à vous dire sur le département de la Meuse-Inférieure,
qui dans ce moment se trouve absolument sans troupes. Une espèce
de garde nationale est chargée de la surveillance du magasin
à poudre de cette place, et elle fournit quelques sentinelles
dans les points les plus importants. La 104e est annoncée,
mais on dit qu'elle n'arrive que dans une vingtaine de jours : ce
temps est un peu long, puisqu'il faut qu'en attendant Maestricht
soit sans garnison.
Le préfet de ce département cultive les sciences et
c'est un homme de bien ; il réunit d'ailleurs la fermeté
aux meilleures vues, et il est tout à son administration
qu'il entend parfaitement. Il serait à désirer que,
sous tous les rapports, beaucoup d'autres préfets lui ressemblassent,
que comme lui ils eussent moins de prétentions et d'exigences
pour les prérogatives qu'ils croient attachées à
leurs places ; j'ai remarqué que, presque partout, c'était
une source intarissable de discussions avec les autorités
militaires. On ne dit rien des sous-préfets, il paraît
qu'ils se conduisent assez bien.
Le maire de Maestricht est un brave homme, mais, comme beaucoup
d'autres de ses collègues, sans moyens.
Les prêtres ont besoin d'être surveillés. Cependant
ils sont peu à craindre, ne jouissant d'aucune considération.
Ils se sont eux- mêmes fait un grand tort, ayant au commencement
eu la maladresse de refuser l'absolution à des fonctionnaires
publics et des acquéreurs de biens nationaux ; on a fini
par se moquer d'eux, et les biens continuent à se vendre
journellement un cinquième, quelquefois même un quart
au-dessus du prix des biens patrimoniaux.
Ce département manque de grandes routes ; il y en a beaucoup
à faire, c'est peut-être à cela que tient sa
prospérité. Celles qui sont faites sont mal entretenues
et ont besoin de grandes réparations.
Il n'y a pas d'industrie dans le département. On y trouve
cependant quelques manufactures de drap, mais elles sont peu considérables
; toute son aisance vient de l'agriculture, qui est parfaitement
bien entendue ; les terres sont d'un grand rapport. Maestricht,
comme toutes les places de guerre, est peu commerçant ; cependant
les habitants sont aisés, sans être opulents.
La place de Maestricht est désarmée et les fortifications
ne sont pas entretenues. Les ouvrages dans la partie basse sont
mauvais, de beaucoup trop multipliés et n'ont presque pas
de relief ; c'est aussi de ce côté que les attaques
ont été dirigées. La partie supérieure
vaut mieux, mais son existence tient à un fort isolé,
situé sur une éminence très près de
la ville et qui la domine; peut-être faudrait-il le reconstruire
d'après un meilleur système et plus régulier,
ainsi que les ouvrages de la partie basse, dont je viens de parler.
On voit encore à Maestricht beaucoup d'édifices et
des maisons ruinés par l'effet du siège ; cependant,
depuis quelque temps, on réédifie avec assez d'activité.
Tous les établissements militaires sont mauvais. On travaille
à un quartier qui doit être casematé, mais cet
ouvrage languit ; il y a seulement dans l'emplacement quelques déblais
de terre de faits.
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Salut
et respect.
Lagrange.
J'ai vu aujourd'hui
quelques négociants qui arrivent d'Amsterdam. D'après
ce qu'ils disent, il parait qu'il ne faut pas trop se fier au gouvernement
hollandais ; il est peu porté pour la France, et poussé
par un esprit aussi absurde que cupide, il ne respire qu'après
la neutralité. Il a fait auprès des grandes puissances
des démarches, peut-être en fait-il encore, mais il
ne les regarderait pas comme perdues si elles devenaient pour nous
un sujet d'une guerre continentale.
Lagrange.
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