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La
révolte des paysans belges commença le 22 octobre
1798 à la fois en Flandre, dans le petit Brabant (Boom et
environs), dans le Brabant wallon et en Campine.
Dans la Flandre, les insurgés attaquèrent sans succès
Audenarde, puis Courtrai, où ils espéraient trouver
des armes. Dans le petit Brabant, ils se rassemblèrent sur
les rives du Rupel : Boom, Saint-Amand et Bornhem furent leurs
points de ralliement. Sous la direction de Rollier, ce groupe franchit
l'Escaut à Termonde et marcha sur Zele. On a pensé
que ce mouvement avait pour but le Bas-Escaut, où quelque
temps auparavant il y avait eu un débarquement momentané
des Anglais, dont ils espéraient l'appui ; cette supposition
est confirmée par le fait qu'un détachement important
de révoltés du pays de Waes, après s'être
emparé de la Tète de Flandre, marcha également
vers la Zélande. Toutefois cette colonne ne persista pas
dans ce projet et, tournant brusquement vers Eecloo, gagna la Flandre
Occidentale.
Peut-être aussi qu'en conduisant ses bandes vers l'embouchure
de l'Escaut, Rollier voulut attirer dans une fausse direction les
forces ennemies, qui, sous le général Bonnard, occupaient
Bruges et Gand. Envisagé sous ce point de vue, le mouvement
ne manquait pas d'habileté car il eut un double résultat :
il laissa les coudées franches aux révoltés
de la Flandre du sud, dont une bande considérable marcha
par Edingen (Enghien) vers Hal dans l'intention de menacer Bruxelles,
et il empêcha Bonnard et ses bataillons de marcher d'emblée
vers la capitale.
Rollier, après sa pointe sur la rive gauche de l'Escaut,
repassa le fleuve en plusieurs points et fit occuper Baesrode pour
assurer un point de passage aux insurgés de la Flandre Orientale
qui voudraient le rejoindre. Une partie de ses compagnons se répandirent
dans le pays d'Alost, qu'ils soulevèrent, et donnèrent
la main à une colonne d'insurgés flamands qui, partis
des environs de Grammont, débouchaient par Ninove. Ces colonnes
réunies ébauchèrent une marche vers Bruxelles.
Avec le gros de ses forces, Rollier retourna vers son centre de
ralliement entre l'Escaut et la rive gauche du Rupel ; il y
fit mettre les villages en état de défense, puis essaya,
de marcher vers Bruxelles par Londerzeel et Assche. La stratégie
rustique de Rollier et des chefs des bandes flamandes ne manquait
pas d'habileté : coïncidant avec la marche des
insurgés campinois vers Louvain, leurs mouvements déconcertèrent
pendant plusieurs jours les généraux français,
qui ne savaient de quel côté faire face.
La garnison de Bruxelles tenta deux fois de pénétrer
dans le petit Brabant au confluent du Rupel et de l'Escaut pour
y écraser Rollier ; elle dirigea une première
attaque par Merchtem et Londerzeel, une deuxième par le canal
de Willebroeck ; les deux fois repoussée, elle n'obtint
d'autre résultat que d'arrêter la marche offensive
de Rollier et de ses compagnons vers Bruxelles. Il fallut l'attaque
combinée de quatre détachements comprenant plusieurs
milliers d'hommes et une forte artillerie pour vaincre nos paysans,
qui, à peine armés, conduits par des chefs improvisés,
se défendirent avec un courage héroïque.
Le général Beguinot déboucha de Malines et
opéra à Willebroeck sa jonction avec la garnison de
Bruxelles. Le général Rostolant déboucha de
Termonde, deux canonnières parties d'Anvers remontèrent
le Rupel et débarquèrent leurs équipages. Pendant
deux jours, on combattit avec acharnement à Tisselt, à
Blaasveld à Willebroeek, à Ruysbroeck, à Saint-Amand
et à Bornhem. Le 6 novembre, les colonnes françaises,
poursuivant leur marche concentrique, se donnaient la main dans
les plaines d'Hingene.
Plusieurs centaines d'insurgés furent tués, mais les
vaincus ne perdirent pas courage ; les uns remontèrent
le long de la Dyle vers Aerschot et Diest, les autres suivirent
le Rupel et la Nèthe vers Gheel pour se joindre aux bandes
insurgées de la Campine.
Le centre de l'insurrection en Campine fut la région comprise
entre Gheel, Moll et Meerhout. Les patriotes belges ébauchèrent
dans cette région une sorte de base d'opération :
ils eurent un trésor militaire à Gheel, des provisions
de tous genres furent tirées de la Hollande, presque toutes
les communes de la région en offrirent d'autres en dons volontaires.
Van Gansen et Meulemans, de Westerloo, Eelen de Montaigu, Stolman,
de Zoerle-Parwys, Corbeels, de Turnhout, commandaient les bandes.
A ces noms glorieux, il faut joindre celui de Constant, de Roux-Miroir,
qui, avec une bande nombreuse d'insurgés du Brabant wallon,
vint se joindre aux Campinois et partagea leurs luttes.
Lierre, Hérenthals et Turnhout furent enlevés d'un
premier élan. Lierre et Turnhout furent presque immédiatement
repris par les forces françaises sorties d'Anvers et de Bois-le-Duc.
Les insurgés se concentrèrent à Hérenthals,
où ils livrèrent un combat malheureux. Entretemps,
une partie de l'armée patriote avait marché vers le
Sud. Diest et Malines tombèrent entre leurs mains et ils
attaquèrent Louvain. Mais l'inexpérience de ces troupes
improvisées leur fit perdre promptement les avantages que
leur avait procurés l'impétuosité de leurs
premiers mouvements. Les Français reprirent Malines, où
ils fusillèrent, sans jugement, contre le mur de la cathédrale,
41 paysans prisonniers, entrèrent à Diest et dégagèrent
Louvain.
Les bandes insurgées défaites à Hérenthals,
celles repoussées de Malines, de Diest et de Louvain se réunirent
vers le centre de résistance, préparé dans
la région entre Gheel, Westerloo, Meerhout et Moll.
Les généraux français essayèrent une
nouvelle application de la tactique dont ils avaient usé
avec succès contre Rollier et ses compagnons dans le petit
Brabant. Les généraux Lautour, Beguinot, Chabert et
Jardon partirent à la tête de quatre fortes colonnes
avec de l'artillerie respectivement d'Anvers, de Malines, de Louvain
et de Diest pour entourer les patriotes. Ceux-ci, réunis
au nombre de 8.000 à Meerhout, infligèrent une défaite
complète au détachement de Chabert ; le général
lui-même fut un instant leur prisonnier. Jardon et sa colonne
trouvèrent l'abbaye de Tongerloo évacuée. Échappant
à l'étreinte de son puissant adversaire, l'armée
patriote se porta vers le Sud et occupa Diest le 12 novembre. Chabert,
Jourdan, de nombreux renforts arrivés de Louvain et de Saint-Trond
investirent la ville, le général en chef Colaud vint
en personne prendre le commandement.
6.000 paysans se trouvaient dans Diest, entourés par 6.000
hommes de troupes régulières françaises. Le
13 novembre, une première attaque de Colaud est repoussée
avec succès. Le 14, les patriotes firent trois sorties et
pénétrèrent jusque dans les batteries de l'ennemi ;
mais Van Gansen, leur chef, y fut blessé, ce qui mit du désordre
dans leurs rangs, et ils se replièrent dans la ville.
Les chefs des insurgés, pensant avec raison que continuer
la lutte en masse n'offrait que peu de chance de succès,
résolurent d'abandonner la ville. La retraite fut exécutée
durant la nuit du 14 au 15 novembre, avec une habileté qui
étonne de la part de bandes sans organisation militaire,
d'autant plus que les prairies, coupées de fossés
et couvertes d'eau, qui environnent l'enceinte, ne laissent d'autres
issues que des défilés faciles à garder. Vers
minuit, les insurgés sortirent en silence, jetèrent
un pont sur le Koebeek, passèrent au milieu des postes français
sans être signalés, et quand le jour parut, ils se
trouvèrent en rase campagne hors de l'étreinte de
l'ennemi. Il ne leur manquait qu'une soixantaine d'hommes, noyés
dans les prairies inondées, le pont improvisé s'étant
effondré sous les pieds des dernières files de la
colonne. Ils se divisèrent alors en deux détachements :
le plus fort retourna vers les anciennes positions, Meerbout, Moll
et Gheel. L'autre remonta la Gette, que descendait, de son côté,
une bande nombreuse d'insurgés wallons, dirigée par
Antoine Constant, de Roux-Miroir.
Le 15 novembre, au matin, les généraux français,
faits au même, se regardèrent avec consternation. Huit
jours durant, ils restèrent sur place, se renvoyant mutuellement
les reproches d'incapacité, de négligence et de vénalité,
et se vengeant de leur déconvenue en fusillant quelques bourgeois
de Diest, en pillant la ville et les villages environnant, notamment
Montaigu et Sichem.
Le 21 novembre, le général Lautour fit une nouvelle
sortie d'Anvers, en même temps qu'une colonne française
venait de Hollande et que Colaud arrivait du Sud. La manœuvre concentrique
réussit cette fois. Les insurgés combattirent courageusement
dans les bois et les villages entre Gheel, Moll et Meerhout. 600
des leurs furent tués. Le 23 novembre, ce qui restait de
ces bandes héroïques s'échappa vers Hasselt.
Les Wallons, de Constant, de Roux-Miroir, joints à ceux des
défenseurs de Diest qui avaient remonté la Gette,
remportèrent d'abord quelques avantages sur des détachements
français. Le 5 décembre, ils se portèrent sur
Hasselt pour y recueillir leurs compatriotes, restes des bandes
battues en Campine par Colaud et Lautoir, qui y arrivaient le même
jour sous la conduite de Van Gansen et d'Eelen. Les généraux
Jardon et Gancy étaient sur leurs talons.
Dès le lendemain, Hasselt était investi. La ville
n'avait d'autre défense qu'un vieux mur ruiné, qui
tomba en quelques heures sous le canon français. Les insurgés
résistèrent vaillamment ; leurs débris
essayèrent de s'évader par la porte de Saint-Trond ;
ils furent sabrés sans pitié par les cavaliers de
Gancy, 600 cadavres jonchaient les rues de la ville et la route
de Saint-Trond. Le dernier acte du drame glorieux venait de finir.
Plus de 2.000 paysans belges avaient succombé sur le champ
de bataille ou avaient été fusillés impitoyablement
par les républicains français.
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